Tout commence par une implosion: celle de la Chine sous sa dernière dynastie impériale, celle des Qing. À la fin du xviiie siècle, elle avait pourtant présidé à la plus vaste expansion territoriale de l’Empire, mais ses conquêtes, suivies de longues campagnes de pacification, ont ruiné l’État. Les Qing se montrent par conséquent incapables de faire face aux ingérences étrangères, à commencer par celles des Britanniques lors de la première guerre de l’opium (voir l’article dans G&H nº 74). Cette défaite humiliante n’est qu’un avant-goût des désastres à venir. Au milieu du xixe siècle, la cataclysmique révolte des Taiping (1850-1864) conjuguée à une seconde guerre de l’opium ébranle jusqu’aux fondations de l’Empire. La Chine sort exsangue de plus de quinze ans de guerre et de révolutions qui auraient occasionné quelque 30 millions de morts, principalement civils, par maladie et famine plus que du fait des combats.
Et la descente aux enfers n’est pas finie… Les puissances se jettent désormais avec avidité sur « l’homme malade de l’Asie». En 1870, le Japon nouvellement ouvert au monde s’empare de Formose (actuelle Taïwan); en 1885, les Français expulsent la Chine de l’Annam, consolidant leur colonie d’Indochine; dans le même temps, les Qing doivent céder diverses sur les côtes chinoises. Si un redressement s’amorce à la fin du xix siècle, la dynastie est trop discréditée pour que ses dirigeants mandchous puissent longtemps régner sur une majorité Han où s’affirme un nationalisme tourné autant contre les Qing que contre. Son écrasement signe l’arrêt de mort de la dynastie.