Si les visiteurs se pressent aujourd’hui pour admirer les lions et les tigres qui font les cent pas dans leur enclos du zoo du Tennôji, ce sont d’autres fauves, non moins redoutables et certainement plus nombreux, qui arpentent les lieux en toute liberté en cette journée d’été 1615. Malgré les trois défaites subies la veille lors des batailles de retardement livrées à l’est, ils sont encore vraisemblablement une cinquantaine de milliers de partisans des Toyotomi à braver la toute-puissance des Tokugawa, vainqueurs à Sekigahara quinze années auparavant, et qui alignent le triple de combattants (voir G&H nº 19). Il est temps de solder une fois pour toutes la querelle qui oppose les deux clans depuis l’orée du XVIIe siècle, et qui a pour enjeu rien moins que la suprématie sur un Japon enfin pacifié.
Singe contre tanuki
Entre 1560 et 1590, le Japon a recouvré son unité politique au terme d’un siècle et demi de chaos. Grâce aux campagnes d’unification conduites par Oda Nobunaga puis son lieutenant et successeur Toyotomi Hideyoshi, les ombrageux seigneurs de la guerre qu’on appelle sont mis au pas l’un après l’autre: c’en est fini du « Sengoku Jidai», « l’âge des provinces en guerre». Hideyoshi, auquel son visage simiesque et sa ruse sans pareille ont valu le surnom de Saru (le Singe) décerné par son défunt suzerain Nobunaga, est dorénavant maître du pays et lorgne sur la Chine. Las, ses invasions de la Corée, malgré des victoires retentissantes, sont finalement repoussées par les armées de l’empereur Ming accourues à la rescousse du royaume péninsulaire vassal. Le pouvoir d’Hideyoshi, déjà fragilisé par la mort prématurée de son premier