Comme beaucoup de chefs français, Marc Minkowski semble davantage fêté en dehors de nos frontières, multipliant les projets avec les institutions les plus prestigieuses d’Europe, voire de contrées plus lointaines. C’est d’ailleurs au lendemain d’un séjour au Japon, où il dirigeait l’Orchestre métropolitain de Tokyo dans la Symphonie no 5 de Bruckner, que nous le rencontrons, chez lui, à Paris, pour évoquer son actualité. En particulier ce Don Carlos de Verdi, troisième étape, après Les Huguenots de Meyerbeer et La Juive d’Halévy, d’un cycle genevois consacré au grand opéra. Un genre auquel son art du théâtre et de la couleur, comme son amour de la langue française, semble le prédestiner, et dont il ne craint pas d’affronter les multiples défis.
Marc Minkowski : Il faut réunir tous les ingrédients pour que le public ait à la fois la surprise et l’émotion de retrouver un pan de son patrimoine. On doit aussi avoir le courage de présenter ces « cathédrales » de la manière la plus complète possible, pour en préserver le charme, la construction, l’intérêt. Et en même temps, convaincre une partie des spécialistes que quelques coupures bien pratiquées sont un baume – d’ailleurs on ne peut plus « historique » – pour assurer le succès. L’interprète est en effet tiraillé entre des programmateurs qui lui expliquent que ces opéras sont trop longs, impossibles à monter, et des fans de plus en plus extrémistes qui ne savent même pas toujours de quoi on les prive.
Avec Don Carlos, cette question des coupures se pose particulièrement, car c’est un ouvrage qui a subi beaucoup de remaniements. Vous en tenezvous à la version de la création parisienne, ou allez-vous jusqu’à ajouter certains passages supprimés avant même cette création ?
Je ne fais pas les coupures opérées lors des premières représentations, car elles procèdent de contingences qui n’ont rien d’artistique.me semble plus fort dans une version ultérieure. Et je présente le ballet de manière conséquente, mais pas absolument complète, ce qui n’est pas un drame ! Comme pour , il s’agira d’une quasi intégrale. Pour , en revanche, on avait décidé dès le départ de réduire un peu plus l’ouvrage. Halévy est certes un génie de l’émotion, mais sa science de compositeur n’est pas tout à fait au même niveau que celle de Verdi, voire de Meyerbeer qui même avec ses défauts est un artiste plus « osé », plus novateur.