Cent millions de tonnes de charbon de bois sont produites chaque année. Combustible indispensable, il est utilisé par 2,5 milliards de personnes dans le monde. Enquête en Afrique et en Asie au cœur d’une filière qui tue à petit feu
On dépouille les précieuses forêts pour faire vivre les citadins
Les fumées toxiques polluent l’atmosphère et empoisonnent les corps
Du sol au ciel, tout est ténèbres. Dans ce quartier de Cotonou, la capitale économique du Bénin, les premières pluies ont transformé les ornières de la piste en mares sombres. À quelques dizaines de mètres d’une chapelle dédiée à sainte Rita, patronne des causes désespérées, la rue bute sur un terrain vague où s’alignent une dizaine de monstres de fer qu’on appelle ici les Titans. Sur ces camions de 12 mètres de long, la marchandise s’entasse jusqu’à 4 mètres de hauteur. L’aube pointe et dessille les ombres. Quatre diables avalent à la hâte une gamelle de bouillie épaisse. On distingue à peine leur peau de leurs hardes, tout recouverts qu’ils sont d’une poussière couleur suie. Elle s’échappe des 600 sacs de charbon qu’ils déchargent depuis 3 heures du matin. Entre 75 et 90 kilos par unité, huit heures d’un travail de mule, sans pause, payées 22 euros. Il arrive que dans l’obscurité, rompus de fatigue, certains dérapent et se blessent. D’autres ventres vides sortiront de la nuit pour les remplacer.
« Voilà ce à quoi sont réduits ceux qui refusent de voler ! » Les pieds dans la boue, Arnaud Boukpe, 29 ans, philosophe. « Il y a même des hommes de 50 ans ici… C’est épuisant, mais touche, c’est qualité africaine,