Photoshop n’est plus l’ennemi numéro un de la photographie de presse. Une autre menace technologique l’a relégué au rang de méchant de troisième catégorie. Si les techniques et outils de modification des clichés sont la bête noire de la reproduction de la réalité depuis le XIXe siècle, les astuces de chambre noire et l’outil Clone de Photoshop semblent aujourd’hui des mécanismes antédiluviens. Car un nouveau monstre vient non plus travestir la réalité, mais tout bonnement en inventer une autre. Alternative, esthétique… et complètement fausse. Ce monstre, vous le connaissez, puisque nous vous en avions beaucoup parlé dans notre numéro de mars dernier : il s’agit de la mal nommée “intelligence artificielle” (IA).
Il s’agit en fait moins d’une intelligence artificielle (qui n’existe pas encore) que de générateurs d’images basés sur des modèles d’apprentissage automatique comme Midjourney ou Stable Diffusion. Entraînés sur des millions d’images de presse capturées plus ou moins légalement par les moteurs de recherche, ces modèles ont vu leur qualité de rendu faire un bond quantique en à peine deux ans. Après nous avoir secoués en début d’année, ces générateurs de “synthé-graphies” – néologisme mêlant synthétique et photographie – pourraient constituer une menace en nous faisant douter de chaque image de presse que nous voyons. Au risque d’altérer indéfiniment notre rapport à la réalité.
“Pour être franc, je ne m’attendais pas à, s’inquiète Antonin Thuillier. Membre de la rédaction en chef technique du service photo à l’Agence France-Presse (AFP), Antonin reste également photographe et vit donc au cœur de cette potentielle “tempête” informationnelle que sont les générateurs d’images photoréalistes. Lesquelles sont bien plus préoccupantes que les manipulations plus traditionnelles que son service technique voit parfois passer.
