PAR UNE FROIDE APRÈS-MIDI de février en Louisiane, Rosina Philippe dirige de manière experte une petite embarcation à travers le bayou saumâtre, emmitouflée dans un sweat camouflage. Membre de la tribu Atakapa-Ishak/Chawasha, elle a toujours vécu dans le village de Grand Bayou et a donc pu constater de ses propres yeux combien les eaux du delta du Mississippi ont changé.
Ce fleuve, dont sa tribu se sert comme d’une route, était autrefois moins large. Les maisons, dont beaucoup disposent de larges porches où les familles se réunissent pour les repas, étaient entourées de plus de terres. Chaque année, l’eau se rapproche et engloutit peu à peu le village.
“Nous sommes ici depuis le début, et nous sommes toujours là, explique-t-elle. Malgré les défis, malgré les changements qu’ont causé les nouveaux venus sur l’environnement dont nous dépendons pour notre mode de vie.”
Aujourd’hui, les modestes maisons sont accessibles seulement en bateau, construites sur pilotis, avec un ponton juste devant, où sont empilés les pièges à crabes et d’énormes filets verts utilisés pour pêcher les crevettes. Les communautés indigènes de la côte de la Louisiane pratiquent une vie de subsistance, ce qui signifie qu’elles n’essaient de prélever que ce dont elles ont besoin, principalement via la pêche (crevettes, huîtres, sébastes et crabes).
Depuis des milliers d’années, la tribu Atakapa-Ishak/Chawasha vit sur ces terres, tout près de l’embouchure du Mississippi, qui forme un delta dans le golfe du Mexique. Alors que le niveau de la mer monte et que les ouragans gagnent en intensité, détruisant les îles barrières et les arbres, les risques dus au vent et aux inondations sont de plus en plus importants. Des décennies de forages pétroliers et la plus importante marée noire de l’histoire, la catastrophe de Deepwater Horizon, en