Kathryn Paige Harden est une jeune femme charmante, et pleine de bonnes intentions. Cette professeure de psychologie à l’université du Texas voudrait lutter contre les inégalités, donner plus à ceux qui en ont davantage besoin. Pourtant, quand la nouvelle star de la génétique comportementale a été invitée en septembre 2020 pour une conférence à l’Ecole normale supérieure (ENS), elle a déclenché – par Zoom! – une véritable guerre de religion au sein du vénérable établissement.
L’ambition de la chercheuse: faire des dernières découvertes sur notre génome un « outil de justice sociale ». Selon elle, la génétique explique au moins en partie les inégalités, de réussite scolaire notamment. Nul déterminisme pour autant, au contraire: il serait impératif de tenir compte de ces différences liées à l’ADN pour calibrer nos politiques sociales ou éducatives, et aider les moins favorisés par leurs gènes. « Son intervention a créé des remous, se rappelle Marie-Anne Félix, spécialiste en génétique fondamentale à l’ENS. A l’intérieur comme à l’extérieur de l’école, des gens se sont manifestés pour rappeler qu’un tel discours n’était pas fondé scientifiquement, et qu’il pouvait conduire à de graves dérives, malgré toutes les précautions oratoires de Mme Harden. » Des remous? Un euphémisme. Une fronde plutôt, à l’idée que « l’institution » puisse « apporter sa caution à ces thèses », en frémit encore la généticienne Catherine Bourgain. L’atmosphère était si tendue que, fait exceptionnel, la direction de l’école a fini par organiser quelques semaines plus tard une deuxième table ronde entre partisans et critiques de la génétique comportementale. Avec l’espoir d’apaiser les esprits. Raté. « On s’attendait à des réactions du côté des sciences sociales, pour qui la génétique fait