«Êtes-vous forte comme un chevalier? Parce que vendre du vin, c’est chevaleresque. » Cette réflexion, l’enseignante-chercheuse Florine Livat-Pécheux l’a entendue de la bouche de l’une de ses étudiantes de la Kedge Business School de Bordeaux qui recherchait un stage dans le monde du vin. Pourtant titulaire d’un Diplôme national d’œnologie (DNO), la jeune étudiante en Mastère spécialisé Management Vins & Spiritueux au sein de la prestigieuse école de commerce bordelaise relatait avec cette anecdote le comportement interprété comme sexiste d’un recruteur de maison de négoce. Autre exemple, Florine Livat-Pécheux entend souvent des élèves en cursus d’œnologie se plaindre de réflexions sur le thème « les femmes ont interdiction de conduire un tracteur ».
Inversement, beaucoup de femmes outrepassent ces préjugés sexistes et mènent leur carrière sans rencontrer ou relever de difficultés particulières. « Même si mon évolution de carrière s’est finalement faite assez naturellement, j’ai eu le sentiment qu’à chaque évolution, je devais en faire plus pour faire valoir mes compétences », raconte de son côté Anne Le Naour, directrice générale depuis 2019 de CA Grands Crus, qui chapeaute l’ensemble des propriétés du Crédit Agricole, les châteaux Grand-Puy Ducasse et Meyney dans le Médoc ou encore le château de Santenay en Bourgogne. « Il est vrai que les choses sont en train de bouger et l’arrivée de cadres femmes à la tête de propriétés a été largement médiatisée, mais la réalité est que nous sommes encore très minoritaires », poursuit Anne Le Naour.
Dans la promo 2022-2023 du diplôme d’œnologue, 47 % des effectifs sont féminins
Combien sont ces femmes fraîchement sorties des rangs des écoles d’ingénieurs, des universités, des écoles de commerce, employées comme œnologue-conseil, chef de culture, chef de cave, vigneronne ou directrice commerciale? Deux chiffres seulement permettent d’appréhender la filière du vin du point de vue du genre: en 2016, 13 138 femmes (12 %) sont chefs d’exploitations viticoles, selon un rapport du Sénat réactualisé, majoritairement employées sur des contrats saisonniers. Où sont les diplômées? Il n’existe aucun chiffre, mais c’est sans compter les contingents de jeunes étudiantes qui arrivent sur le marché de l’emploi.