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Franz Schubert La révolution du lied

Dans la Vienne où Schubert naquit, comme dans tout le monde germanophone, on aimait le lied. On appelait ainsi les compositions des Johan Rudolf Zumsteeg, Johann Friedrich Reichardt, Carl Friedrich Zelter, charmantes ballades ou douces saynètes, sagement strophiques, s’efforçant de prendre le ton de la chanson populaire pour complaire au goût répandu du folklore. Cette Vienne était celle aussi de Beethoven : « que peut-on encore faire après Beethoven ? » soupirait Schubert enfant. Bien que le lied ne fût pas son genre de prédilection, l’auteur de Fidelio ne le dédaignait pas. Adelaide (1796) enchante. Les Gellert-lieder (1803) sont d’une gravité dont Brahms, peut-être, se souviendra. An die ferne Geliebte (A la Bien-aimée lointaine) est publié en 1816. Beethoven, alors, a la maturité de ses quarante-six ans. Il infléchit l’esthétique du genre – composition continue, variation des atmosphères. Oui, que faire après Beethoven ?

Nul ne le sait encore, mais cette prometteuse Ferne Geliebte est déjà dépassée. Schubert, deux ans avant, dans le secret de sa chambre, du haut de ses dix-sept ans, avait déjà révolutionné le genre en composant, sur un poème de Goethe, sa Gretchen am Spinnrade (Marguerite au rouet). Fin 1815, c’est son Erlkönig (Roi des aulnes) qui bouleverse la conception que l’on pouvait alors se faire du lied. Certes, ces deux opus (respectivement nos 2 et 1) ne seraient publiés que cinq ans plus tard. Mais déjà, ceux qui connaissaient Schubert savaient que la déflagration avait eu lieu. Encore ne mentionne-t-on de ces deux années d’efflorescence que ce couple de lieder emblématiques. Mais 1814 est aussi, entre autres, l’année de Der Taucher (Le Plongeur) d’après Schiller. 1815 portera une moisson de cent cinquante lieder, 1816 de plus de cent… Les années suivantes seraient moins fécondes, mais non moins profondes.

La transfiguration totale d’un genre musical (et littéraire) par ce jeune homme ardent et joufflu ne parvint certes pas aussitôt aux notables de la musique, qu’il tentait d’amadouer en vain par opéras et de moindre portée,

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