Outre-Manche, la Belgique est perçue depuis toujours comme un « pistolet braqué sur le cœur de l’Angleterre », et la Royal Navy n’a jamais épargné ses efforts pour aller en bloquer le canon – avec plus ou moins de réussite (voir l’échec de Walcheren, p. 39). Pourtant, l’irruption soudaine des Allemands sur la côte flamande et la saisie d’Anvers le 9 octobre 1914, puis celles d’Ostende et Zeebruges dans la foulée, n’inquiètent pas Londres: l’Amirauté estime que ces grands ports seront rapidement repris par une offensive terrestre. L’occupant luimême ne s’y intéresse guère. Mal défendues, les installations sont dépourvues des infrastructures nécessaires à une flotte de guerre. Puis la guerre se fige au fond des tranchées, et l’attitude des belligérants change.
Pour les Britanniques, l’espoir de récupérer la côte belge s’évanouit rapidement, les Français ayant imposé à Londres leur propre offensive en Artois. Dès l’automne 1914, la Dover Patrol, chargée de défendre la Manche orientale, bombarde donc le littoral afin d’empêcher les Allemands d’utiliser les ports – sans parvenir toutefois à les détruire. De son côté, la Kaiserliche Marine réalise soudain l’intérêt de ses prises pour porter le fer en mer du Nord et en Manche. Si l’utilisation de l’excellent port d’Anvers nécessite d’emprunter l’Escaut et de violer la neutralité néerlandaise, ce que Berlin tient à éviter, Ostende et Zeebruges sont connectés à Bruges, à une dizaine de kilomètres à l’intérieur. Or, le réseau de canaux est praticable par des torpilleurs, des sous-marins, des destroyers et même des croiseurs légers, faisant du site une base navale idéale.
Menace sur la mer du Nord
Pour commander ses nouvelles bases belges, le Alfred von Tirpitz rappelle de sa retraite l’amiral Ludwig von Schröder et lui offre une large autonomie. Son autorité couvrant l’intégralité du littoral belge, le nouveau venu met sur pied un comprenant des