Face à un adversaire d’un type nouveau, un parti politique armé, et sur un théâtre d’opérations à la géographie très différente de l’Europe, le corps expéditionnaire français parti à la reconquête de l’Indochine à la fin de 1945 est obligé d’inventer des structures et des modes d’action inédits. Une force apte à combattre l’ennemi sur les côtes, rivières et rizières est l’une de ces innovations les plus originales. À la fin de la guerre, en juillet 1954, jamais les forces françaises n’auront mené autant d’opérations amphibies.
Opérer en zones humides, une nouveauté
La Fédération indochinoise – Viêtnam, Cambodge et Laos – est le théâtre d’opérations le plus humide qu’aient connu les forces armées françaises. La très grande majorité de la population du Viêtnam, l’enjeu principal du conflit, se concentre sur les deux vastes deltas, celui du fleuve Rouge au Tonkin (au nord de l’actuel Viêtnam) et celui du Mékong en Cochinchine (au sud du pays), reliés par la longue bande étroite de terre de l’Annam, avec ses hauts plateaux. Contrôler le Viêtnam implique donc de contrôler un milieu hybride entre l’eau et la terre.
La première opération amphibie est le débarquement sans opposition dans le port de Saigon, pendant le second semestre 1945, du corps expéditionnaire français en Extrême-Orient (CEFEO). Saigon sert alors de point de départ pour la reprise de contrôle de la Cochinchine. Dès son arrivée, le général Leclerc, premier commandant du CEFEO, ordonne de reprendre le contrôle de la plaine des Joncs, vaste zone marécageuse au sud-est de Saigon et première base régionale de la Ligue pour l’indépendance du Viêtnam, ou Viêt-minh.
Le 12 octobre 1945, deux colonnes partent de Saigon en direction de Mytho et Cantho, au cœur de la plaine des Joncs. La colonne motorisée du colonel Massu ne cesse d’être entravée dans son déplacement par les coupures de routes et de ponts. Celle formée par les fusiliers marins de la