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L’ACCORD SECRET

EONARD, nous savons que tu es génial, mais nous ne savons pas si tu es bon.” La phrase est de Walter Yetnikoff, légende de l’industrie musicale décédé en août 2021, et boss de Columbia de 1975 à 1990, expliquant à Leonard Cohen son refus de publier aux États-Unis Various Positions, l’album contenant justement “Hallelujah”. Nombreux sont ceux qui savaient pourtant que Cohen était “bon”, pour reprendre le mot de celui qui, après John Hammond et Clive Davis, a géré la carrière discographique du Montréalais. Mieux, qui dans le monde du music business avait pu ignorer un chanteur aussi lettré, un écrivain si musical? Si ses ventes de disques peuvent difficilement témoigner de sa stature, certains continuent de le placer, dans une forme de sainte trinité musicale, avec Bob Dylan et Paul Simon: loin des formats pop, leurs textes – cryptiques, surréalistes, originaux, inoubliables – les font évidemment figurer au panthéon des chanteurs-compositeurs influents qui ont émergé dans les années 1960 et au début des années 1970.

Avec sa voix de contrebasse accompagnée par sa guitare à cordes de nylon, il aura chanté, sur ses quatorze albums studio en près de cinquante ans de carrière, la haine, le sexe et la spiritualité, la guerre et la paix, l’extase et la dépression. Et surtout, n’ayant pas entamé sa carrière de chanteur à 20 ans, aucun autre auteur-compositeur ne s’est jamais adapté à la vieillesse avec autant d’astuce et d’enthousiasme. Oui, enthousiasme: expliquait Cohen au journaliste américain Mikal Gilmore, dans une interview à USA. Et il a nagé, beaucoup, jusqu’à la veille de sa disparition, en publiant son ultime album, le 21 octobre 2016. Car après sa “résurrection” discographique des années 2000 et 2010 et la tournée “forcée” – pour reconstituer son bas de laine vidé par sa manageuse –, Leonard Cohen se délectait du rôle du sage, fort de sa discographie, impressionnante, aussi puissante à la fin qu’au début de sa longue carrière. Nombreux sont ceux qui l’ont considéré comme un folkeux, un musicien acoustique, alors que ce qui méritait d’être retenu était sa relation à la musique populaire. Et peu importe le virage esthétique sonore de ou de , lesquels n’avaient, évidemment, plus beaucoup de rapport avec la folk: Cohen allait et venait, surtout dans la seconde partie de sa carrière, du rock au blues, en passant par le klezmer

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