Opération Yézidis
E n bas de la rue Nationale, fine artère commerçante où des locaux vides, souvent barrés d’une pancarte « Dépôt de bilan » ou « À louer », jouxtent quelques rares terrasses prises d’assaut, des groupes de jeunes traînent par grappes. Ils tuent le temps avec quelques canettes, tétant fiévreusement leur cigarette et s’apostrophant en kurde. Ils sont en fait yézidis. « Ici à Forbach, les Français ne connaissent pas notre existence », lâche Saïd, 21 ans, visage amène et fraîchement coiffé par son copain de gauche, avec qui il partage les mêmes contrefaçons de marques de luxe.
Depuis vingt ans, une communauté yézidie s’est établie à Forbach (Moselle). Cette minorité ethnoreligieuse kurdophone, environ 1 million d’individus dans le monde, dont la culture se transmet oralement depuis trois ou quatre millénaires, est enracinée dans le district du Sinjar, dans le nord-ouest de l’Irak, près de la frontière syrienne. Bien loin de la cité de 20 000 habitants sinistrée par la désindustrialisation. Depuis 1997, l’année où le puits Simon a craché sa dernière berline de charbon, l’ancien bassin houiller peine à se relever.
Saïd se mue en guide, entraînant le groupe dans les rues de Forbach. Ici, le Bara, un peu plus bas, place Aristide-Briand, le Bro’s, et près de la gare, le Robar, trois snacks tenus par des anciens du Sinjar. C’est finalement un peu plus haut, au My burger de Murat Ercker, un autre Yézidi, que Saïd et ses trois amis s’installent. La famille du restaurateur assure-t-il. Ils sont aujourd’hui plus de 500 dans la ville où, quand on ne les ignore pas, on s’interroge
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