«V ictoire ! Douaumont, ce mot qui sonne comme un coup de clai ron et qu’on ne peut prononcer sans émotion… » La une du Petit Parisien déborde de lyrisme en ce 25 octobre 1916 : la veille, après quatre jours de préparation d’artillerie, les poilus de la 38e DI ont repris le fort dont s’étaient emparés les Allemands le 25 février, aux premiers jours de l’offensive vers Verdun. Tandis que les unités engagées sont citées à l’ordre de l’armée, les étoiles de Charles Mangin, l’artisan de l’attaque, et surtout de Robert Nivelle, le commandant du secteur, éclipsent celles de Philippe Pétain. Mais si les soldats du Kronprinz se sont cassé les dents à Verdun, c’est aussi parce qu’un certain Raymond-Adolphe Séré de Rivières avait savamment durci la noix, formant une coquille dont l’armée française s’était un peu vite désintéressée…
Les frontières dépouillées
Douaumont, Vaux, Thiaumont, Froideterre, Souville… Tous ces forts qui jalonnent le plus célèbre des champs de bataille de la Grande Guerre plongent leurs fondations dans la terrible défaite de 1871. La France battue doit alors réimaginer sa sécurité à l’ombre du traité de Francfort. Privées du rempart que formaient le Rhin et la place de Metz, les frontières de l’Est ne peuvent guère mobiliser sans craindre une offensive éclair. Quant aux murailles qui subsistent, elles sont obsolètes: la fortification bastionnée en pierre et terre héritée de l’Ancien Régime est incapable de résister aux nouveaux obus explosifs. Une refonte en profondeur s’impose, tout en demeurant fidèle aux principes d’une organisation défensive permanente: compenser un rapport de force défavorable et abriter la concentration des armées françaises en cas de conflit.
En 1874, le Comité de défense retient l’ambitieux projet du général Séré de Rivières (). S’il n’a pas la stature politique d’un Vauban ou d’un Carnot, ce dernier n’en est pas moins un ingénieur-stratège expérimenté, qui propose la création de trois
