« LE BUT DE L’ART EST D’ÊTRE AU PLUS PRÈS DE LA VÉRITÉ »
Paul Auster est l’un des écrivains américains les plus proches de la France. C’est peut-être pour cela que nous le lui rendons bien, en l’adoubant dès ses premiers ouvrages dans les années 1980 – en premier lieu sa « Trilogie new-yorkaise ». Cet amour se confirmera avec le prix Médicis étranger attribué à Léviathan en 1993. Au fond, il nous apparaît comme l’héritier d’une lointaine Europe, évoquant toujours l’errance, la perte, la recherche d’identité. Son physique d’athlète pratiquant le baseball allié à un regard d’un bleu profond sous des sourcils broussailleux ajoute au charme du romancier. Nous sommes conquis depuis le premier jour.
Voilà qu’il nous fait découvrir aujourd’hui un jeune auteur américain méconnu dans l’Hexagone, Stephen Crane, né en 1871 et mort à 28 ans, qui par bien des aspects lui ressemble. Ils ont grandi tous deux à Newark, ont aimé le même sport, ont l’un et l’autre tiré le diable par la queue au début de leur vie d’écrivain. Ils furent peut-être deux jeunes hommes incandescents, solitaires et obstinés. Dans la courte vie de Stephen Crane est racontée dans les moindres détails, et son oeuvre analysée par un amoureux des mots. Crane rejette la religion méthodiste de son père, fume, boit à 6 ans et mange rarement à sa faim. Il veut écrire à tout prix, devient un journaliste attaché aux faits, à la psychologie des personnes observées dans les quartiers déshérités, qui deviennent sous sa plume de véritables héros de fiction. Il est concerné par la guerre, la pauvreté,fait scandale. Et la renommée vient ensuite avec écrit à 21 ans, sans doute le plus grand roman américain sur la guerre de Sécession, selon Paul Auster. Non pas fresque historique mais drame de la conscience qui rapproche Crane de Proust ou Virginia Woolf. Auster le compare aussi à James Joyce et décrit de façon très touchante l’amitié qui le lie à Joseph Conrad et Henry James, au cours des dernières années de son existence avant sa mort de la tuberculose dans un sanatorium allemand. Il rend ainsi hommage à une figure précoce et brûlante de la littérature. Une découverte.
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