Maylis de Kerangal
“J’ai 9 ans sur cette photo et, l’été d’avant, elle est apparue tout à coup sur l’écran : justaucorps blanc, perfection du mouvement, grâce totale.”
Et je sais bien quand cette photo a été prise. Elle aJe retenais mon souffle, il y avait une forme de rendez-vous, il ne fallait pas rater le moment où elle allait passer. Je sortais dehors dans le jardin, j’enrôlais ma petite sœur, une copine, je commençais, j’essayais des gestes. Je m’imaginais que j’étais elle, je rêvais d’elle, j’implorais ma mère pour qu’elle achète les magazines la concernant. je crois. C’était complètement fou. Il faut revoir les images. Il y avait beaucoup de mythes autour de cette championne. Un mur séparait l’Europe, elle venait de l’autre côté. D’un pays que j’identifiais à une dictature. Si ça avait été une petite Américaine, j’aurais sans doute été beaucoup moins bouleversée. Et cet entraîneur, extrêmement sévère, qui s’appelait Béla Károlyi. On avait peur pour elle. On se disait : Je suis rentrée au Havre. J’ai tanné mes parents pour m’inscrire à la gym – le seul club, à cette époque, se trouvait dans les hauteurs de la ville, loin de chez nous – et cela me touche, rétrospectivement, qu’ils m’aient permis de vivre cette histoire, cette espèce d’amour d’enfance. Avec Nadia Comăneci. »
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