La Revue du Vin de France

Rhône nord : ses cépages, ses terroirs, ses grands vins par Olivier Poussier

Les connaisseurs divisent en deux le vignoble de la Vallée du Rhône. Qu’est-ce qui distingue le nord du sud ?

La différence est à la fois climatique et géologique. Le nord se distingue du sud car le mistral n’y souffle pas, sauf sur la partie sud de Crozes-Hermitage. Ensuite, les terroirs du nord affichent des pH plus acides. Il y a là des gneiss, de la roche granitique cristalline, des schistes et peu d’argilo-calcaires, sauf sur la pointe sud. On le ressent en voiture, quand on dépasse Brézème et Grignan-les-Adhémar, en roulant vers le sud : le mistral s’installe, les terroirs marno-calcaires, argilo-calcaires et sablo-graveleux s’affirment, les cépages changent…

Et justement, sur le plan des cépages ?

Le professeur Denis Dubourdieu, dont j’ai suivi les cours à Bordeaux, le rappelait : « Un grand cépage exprime son terroir toujours à la limite nord de sa culture ». Il parlait de ce qu’on appelle l’identité terroir, la réverbération du terroir sur un cépage donné. Si la syrah de la Vallée du Rhône nord est l’une des plus belles au monde, c’est parce qu’elle pousse ici en limite septentrionale de culture, comme elle l’est aussi dans le Valais suisse. C’est la même chose pour le viognier de Condrieu et Château-Grillet, planté ici sur une roche cristalline à la limite nord de sa culture en Europe. Mais gare aux certitudes, le réchauffement climatique fait bouger les lignes.

Peux-tu nous emmener faire un tour des appellations du Rhône nord ?

Alors partons du nord, justement, et de la fameuse appellation Côte Rôtie. Je suis de près cette région pour le Guide vert depuis six ans, j’ai pu vérifier que les expositions et la géologie des trois villages qui ont droit à l’appellation varient beaucoup. En termes de style, quand on dit Côte Rôtie, on pense exposition sud/sud-est, on imagine des vins assez puissants et riches. Mais la réalité est plus contrastée. La partie nord de l’appellation, autour de Saint-Cyr-sur-le-Rhône, ainsi que la partie de la Côte Brune dans la continuité fournissent effectivement des vins charpentés, avec du charnu, de la sève, des tanins qui ont besoin d’être polymérisés et assouplis par le temps du vieillissement, plus ou moins généreux en alcool en fonction du millésime. Les cuvées Les Grandes Places de Clusel Roch ou de Jean-Michel Gerin en donnent un parfait exemple.

Mais la partie Côte Blonde, sur les granites, donne des vins différents, plus posés, avec des tanins plus délicats, offrant une belle puissance mais de façon diffuse. La Côte Blonde fait plus dans le raffinement, l’élégance, et les vins vieillissent aussi bien que ceux de la Brune. Dans les cuvées Lancement de Stéphane Ogier ou du domaine Garon, il y a ce pulpeux, ce velouté très tactile, avec de la grâce, des fins de bouche moins carrées.

Et puis enfin, au sud de l’AOP, touchant Condrieu, il y a la troisième facette : le village de Tupin-et-Semons, posé sur du gneiss, qui donne des vins plus aériens. Les côte-rôtie de Christine Vernay (lire aussi p. 80), de Benjamin et David Duclaux, la parcellaire Bassenon d’Yves Cuilleron, la cuvée Bons Arrêts de Stéphane Montez, au domaine du Monteillet, en donnent de bons exemples, des vins gracieux.

L’assemblage des trois secteurs ne peut-il pas être intéressant ? Est-il vain d’évoquer un style Côte Rôtie ?

Les côte-rôtie Améthyste du domaine Levet, Mon Village de Stéphane Ogier ou la cuvée domaine de Jean-Paul Jamet donnent une image intéressante de l’appellation rassemblée. Mais la parcellisation a bousculé les codes. On a la chance aujourd’hui de pouvoir déguster de pures Côte Blonde comme La Mouline

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