FRIOUL, 1616 : VENISE GALÈRE À GRADISCA
Les griefs ne manquent pas, à la fin du XVI siècle, entre la puissante monarchie Habsbourg et la « Sérénissime » république de Venise, soucieuse d’assurer le contrôle de son arrière-pays, sa . Les Habsbourg d’Autriche lui reprochent son absence de soutien dans sa « longue guerre » contre l’Empire ottoman, Venise ayant conclu la paix avec le sultan dès 1573. De son côté, la Papauté s’offusque de la tolérance vénitienne vis à vis des juifs et de son autonomie religieuse (la République nomme elle-même ses évêques). Le pape Paul V va jusqu’à l’excommunier entre 1606 et 1607. Les Habsbourg d’Espagne, soutiens du Saint-Siège, critiquent quant à eux sa conduite conciliante avec les puissances protestantes du Nord ainsi que vis à vis des Grisons. En retour, fin 1593, Venise initie dans le Frioul la construction du puissant fort de Palma (actuelle Palmanova, au sud d’Udine). Objectif affiché? Contrarier une éventuelle invasion ottomane. En réalité : surveiller les terres de Gradisca, bordant l’Isonzo qu’elle avait dû abandonner aux Impériaux quelques décennies plus tôt. Mais pour les Habsbourg, c’est aussi la domination de l’Adriatique par la République qui est particulièrement mal perçue. Aussi, n’est-ce pas sans malice qu’ils voient la puissance maritime vénitienne mise à mal depuis la décennie 1580 par les corsaires chrétiens, Toscans, Maltais, Anglais, soutenus par les gouverneurs de Naples et vice-rois de Sicile, Bernardino de Cárdenas duc de Maqueda (1553-1601) et Pedro Giron duc d’Osuna (1574-1624). Se greffe aussi le problème spécifique constitué par la siècle pour s’installer autour de la ville de Senj en Croatie. Ils y sont rejoints par des aventuriers, hors-la-loi, galériens ou autres marins en fuite provenant des territoires vénitiens, impériaux, ottomans et ragusains. Au début du XVII siècle, les Uscoques fournissent à la frontière méridionale des terres autrichiennes une force supplétive de plus d’un millier d’hommes tenant garnison à Senj. Pour assurer leur survie alimentaire et économique, les Uscoques mènent aussi des raids contre les territoires dalmates sous contrôle ottoman. Ils s’en prennent à tout navire marchand transportant des biens ottomans, quelle qu’en soit l’origine.
