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SLATKIN, FELIX : LE NOM DU PÈRE

Scribendum a eu raison de sortir en parallèle un coffret dédié au chef Carmen Dragon ( ) et celui-ci, ravivant le souvenir de Felix Slatkin (1915-1963). Né à Saint-Louis, il reste d’abord le fondateur et premier violon du légendaire Hollywood String Quartet. Cette face « sérieuse » explique peut-être l’apparence de hiérarchie établie Slatkin ne saurait être désolidarisé de son rôle de premier violon : d’abord parce qu’on entend la violoncelliste du quatuor, son épouse Eleanor Aller, plus souvent qu’elle n’est créditée, de même que son frère Victor, pianiste et complice régulier (comme Leonard Pennario, également présent). Ensuite parce qu’on relève des contiguïtés de répertoires, jusqu’à la musique espagnole ou Ernst von Dohnanyi. Comme Dragon, Slatkin est un chef très agile et efficace, direct et (les valses de Strauss). Son sens de la forme, son acuité stylistique, lui font aborder chaque univers avec une assurance expressive exempte de narcissisme (cela fait l’impact des œuvres modernes pour percussions de Milhaud ou Chavez, ou de l’inattendu de Caplet). Qu’un violoniste passé à la baguette fasse sonner les cordes semble une évidence, même si les formations , à l’effectif relativement réduit, n’offrent pas la patine des phalanges européennes. Mais on n’admire pas moins l’énergie et la précision d’articulation des bois et des cuivres : écoutez la de , la brodée par Manuel Rosenthal, ou le de Jacques Ibert. L’étui du disque consacré à Gershwin (un grand classique) se trompe dans la numérotation des plages : l’ordre est , , et . Des orages inattendus ( du ), voire un rien de rudesse (), voisinent avec l’exubérance et le charme (la musique française) comme la poésie (le bouquet de Delius). Le répertoire vernaculaire tient naturellement toutes ses promesses : les Suites de Ferde Grofé, la pétulante de Morton Gould. Mais, car il y en a un, amusé et incrédule : que Slatkin aligne lui aussi marches (Sousa en tête, bien sûr) et tous les thèmes de l’Americana, ne saurait surprendre. Et il ne s’arrête pas là : commis avec un dénommé Amerigo R. Marino, ses travestissements de thèmes classiques façon , jazz symphonique, voire variété font encore plus fort que Carmen Dragon, et ça n’est rien de le dire (CD 8) ! Le vagabondage dans le cinéma et la télévision (CD 12) vaut lui aussi son pesant de pop-corn – tous deux ne sont sans doute assumables qu’outre-Atlantique. L’objet, enfin, peut prêter le flanc aux mêmes reproches mineurs d’édition que le coffret Dragon : il n’est pas absolument exhaustif (le fameux récital avec le violoniste Michael Rabin, par exemple, est incomplet), alterne repiquages de LP et de CD. Rappelons qu’Emi avait déjà réédité naguère un certain nombre de ces témoignages. Ceux qui ne connaîtraient Felix Slatkin que par le Hollywood String Quartet (legs disponible chez Testament) ne doivent pourtant pas hésiter : ils complèteront leur portrait d’un même et splendide musicien.

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