La discographie de Jessye Norman est àl’image d’une carrière qui accorda toujours plus de place au concert qu’àl’opéra. Ce riche coffret en témoigne, regroupant tous les récitals de la diva gravés pour Decca, Philips et DG, ainsi que sa participation àdes œuvres qui ne sont pas destinées au théâtre. C’est sur ce versant que l’éditeur aurait pu faire l’économie de quelques galettes: deux 9e de Beethoven (avec Böhm et Solti), aussi accomplies soientelles, n’apportent rien àla gloire de la soprano qui y a bien peu àchanter. De même, les deux 3e de Mahler (avec Abbado et Ozawa) ne sont pas ce que Norman a légué de plus incontestable: si la voix possédait une élongation exceptionnelle, elle ne fut jamais contralto, comme le confirment deux Chant de la terre (avec Davis et Levine), où l’artiste semble toujours se chercher. Chez Mahler, on s’attardera plus volontiers sur ses Kindertoten lieder, qu’Ozawa drape dans les charmes d’un écrin instrumental aux irisations sensibles.
Parmi les oratorios auxquels elle prit part, mention particulière pour A Child of our Time de Tippett défendu par Davis, ainsi que pour les Gurre-Lieder dirigés par Ozawa. Norman a d’ailleurs souvent abordé les compositeurs de la seconde école de Vienne, ce qui nous vaut, toujours chez Schönberg, un Erwartung et des Brettl-Lieder dépourvus de la moindre aridité, en symbiose avec un Levine au lyrisme incandescent.
Rien de ce qu’elle a gravé dans le domaine du lied ne laisse indifférent. Surtout pas un de Schumann, couplé au, parcouru d’un bout àl’autre par une vibration charnelle irrésistible. Dommage que son accompagnateur, un bien prosaïque Irwin Cage, n’évolue pas sur les mêmes cimes. Un écueil auquel échappe un florilège schubertien (de au en passant par , tous les tubes y sont) avec un Phillip Moll autrement concerné. Autres sommets: trois pleins CD de lieder de Brahms (un avec Geoffrey Parsons, deux avec Barenboim), où brille partout cette précision du mot coulé dans la phrase musicale, cette justesse de l’expression tour àtour joyeuse, méditative, épique dans des d’une absolue liberté.