Rolling Stone France

INTIMITÉ

Nathaniel Rateliff

And It’s Still Alright

STAX/CAROLINE/UNIVERSAL

ETTONS LES CHOSES au point tout de suite : si l’univers musical de Nathaniel Rateliff reste un peu trouble dans votre esprit – après tout, il est loin d’avoir encore souvent festives de en 2015 et en 2018, ses deux albums “de groupe” déroulant une pelote americana-soulrhythm’n’blues qui lui avait valu ici et là quelques comparaisons non dénuées de sens avec l’artillerie lourde, que sait faire parler Bruce Springsteen avec son E Street Band, Rateliff a choisi d’y opposer ici l’intime, l’interrogation personnelle et le deuil. Deux raisons à cela : la séparation avec sa compagne après onze ans de vie commune au moment d’entamer l’écriture de l’album et la perte de Richard Swift, mentor et producteur de toute une scène indie américaine – allant de The Shins (dont il fut membre) à Damien Jurado, en passant par Foxygen –, disparu en juillet 2018 des conséquences d’une addiction aggravée à l’alcool. Comme il l’avait été sur les deux albums avec The Night Sweats – mentionnés plus haut –, Swift aurait dû être aux commandes de cet album solo : il sera au final un hommage à son talent, à cette amitié-complicité qu’il avait forgée avec Rateliff. Compte tenu de ce “contexte”, on ne s’étonnera pas que la noirceur soit omniprésente sur cet album. ? Et ça va, quand même ? Quel chemin, quel cheminement pour y arriver alors. C’est le plus souvent de solitude, presque de contrition parfois, voire d’aigreur, qu’il est question ici, accompagné par une instrumentation tout en discrétion, une guitare acoustique ou électrique ici, une pedal steel là, comme pour mieux laisser résonner cette voix chaude, vibrante, à la limite du “crooner rural” sur un “Tonight #2”, comme en suspension dans l’air ou s’approchant ailleurs d’un Van Morrison (“Time Stands”). Mais quel que soit le biais par lequel on choisira d’aborder cette plongée dans les tréfonds de l’âme d’un homme abîmé et qu’il exprime à travers ce folk minimaliste, l’essentiel ne pourra échapper à personne : l’affirmationconfirmation d’un songwriter avec qui on sait que l’on a signé un pacte pour longtemps.

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