Grand départ de feu
Par Franz Griers
()
À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEUR
Franz Griers est écrivain, réalisateur et créateur de vidéos. Né en France en 1986 en région parisienne, il vit aujourd’hui en Provence. Il est notamment l’auteur de "Je cours vite, je ne sais rien", recueil de nouvelles publié chez Cactus Inébranlable éditions en 2021. "Grand départ de feu" est son premier roman.
Lié à Grand départ de feu
Livres électroniques liés
La Guerre des Mondes Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationConquêtes Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationVersion 2.0 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationHISTOIRES À RACONTER DANS LE NOIR: Des récits glaçants pour ceux qui aiment les nuits de peur et de mystère Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationMémoire de glace Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes mondes alternatifs Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationMaudit (Estrange Reality, #2) (Edition Francaise) Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Coup d'Envoi: Les Ombres Grimpantes – Un futur proche Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationÂme noire Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe Golem Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLimites hors champ: Recueil de nouvelles Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationDévastation Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationTout ce que l’on ne voit pas Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationThe Western Eyes Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes contes interdits - Boucle d'or Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5Maintenant, tu peux dormir - Tome 3 - Partie 1: Rébellion et Magie : Quand Haine et Injustice Réécrivent les Règles Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes Morts Ne Rêvent Pas : Un Roman Jeux d’Esprit: Jeux d’Esprit, #1 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationRouge et Bleu Ancien: Sang et Poussière d’Étoiles, #2 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationShort stories: Tome 1 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationChroniques d'une humanité: Tome 1 : Persona Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationNous Autres: Roman d'anticipation Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationMercœur Desdemons - Tome 2: La malédiction de Mercœur Desdemons Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationPour moi, il est venu Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe jour où tout a commencé: L'Affranchi, Socrate et le Gouvernement : La Fable de l'éternité Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationAmnésie Évaluation : 2 sur 5 étoiles2/5Élizabeth Longhorn - Tome 1: Celle que je suis Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationL'Apocalypse Selon Marc. Tome 2. 100 Damnés Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes Sœurs noires Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes Enfants de Pangée - 3 : Jugement dernier: Les Enfants de Pangée, #3 Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Chronique de la salle sans porte: Nouvelle Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
Fiction littéraire pour vous
Bel-Ami Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5Le Joueur d'Échecs Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Crime et châtiment Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationOrgueil et Préjugés - Edition illustrée: Pride and Prejudice Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5La Conspiration des Milliardaires: Tome I Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa Métamorphose Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5Manikanetish Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5La Princesse de Clèves Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe Comte de Monte-Cristo: Tome I Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes impatientes de Djaïli Amadou Amal (Analyse de l'œuvre): Résumé complet et analyse détaillée de l'oeuvre Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5Dictionnaire des proverbes Ekañ: Roman Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Les Freres Karamazov Évaluation : 2 sur 5 étoiles2/5Le Double Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes Possédés Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5Œuvres Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe Père Goriot Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa Peur Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Le Joueur Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationTout le bleu du ciel de Mélissa da Costa (Analyse de l'œuvre): Résumé complet et analyse détaillée de l'oeuvre Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationCrime et Châtiment Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Les Rougon-Macquart (Série Intégrale): La Collection Intégrale des ROUGON-MACQUART (20 titres) Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes mouvements littéraires - Le classicisme, les Lumières, le romantisme, le réalisme et bien d'autres (Fiche de révision): Réussir le bac de français Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationGouverneurs de la rosée Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5Le Diable Évaluation : 3 sur 5 étoiles3/5Une affaire vous concernant: Théâtre Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Masi Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationL'Idiot -Tome II Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationPetit pays de Gael Faye (Analyse de l'œuvre): Résumé complet et analyse détaillée de l'oeuvre Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationAntigone: Analyse complète de l'oeuvre Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
Avis sur Grand départ de feu
0 notation0 avis
Aperçu du livre
Grand départ de feu - Franz Griers
I PANIQUES
Un sourire de mon enfant venait d’entrer en collision avec ce mur de crainte que je garde en moi. À défaut de savoir marcher, Jo me montrait comme il est possible de voler lorsque la gravité du vice adulte n’annule pas encore la portance de l’air.
Je marchais dans une rue de Lumière, la ville qui porte si mal son nom, en direction de l’appartement où Marie nous attendait.
Jo, maintenu par un porte-bébé, semblait écouter mon cœur battre.
Tout près de nous rôdait un humain devenu monstre, une créature décomposée qui bramait en faisant de grands gestes erratiques. Il agitait une scie rouillée dont la lame faisait siffler l’air. Cet objet dans ces mains constituait une pure image de terreur, une grille éventrée sur l’enclos de mes angoisses. Les dents de métal finirent par heurter le visage d’un vieil homme hagard qui ne faisait que passer par là. Il s’effondra sur le bitume rayé d’urine et de bière. Le monstre, conscient de son délit, prit la fuite en proférant des paroles incohérentes où il était question de la fin des temps. Plusieurs personnes se précipitèrent auprès du vieillard ensanglanté.
Un échange de regards soutenus avait eu lieu entre le monstre et mon enfant. Un transfert unilatéral de pourriture imperméable au sacré avait alourdi l’âme de mon fils. La découverte de l’horreur au bout de seulement dix mois de vie. Le monstre avait l’aura d’un humain brisé, délaissé par les institutions, puis relâché au vent glacial des grandes artères, qui attise les braises bleues de la folie. Il venait de révéler le sourire du diable à Jo.
Pour mon fils, j’espérais une prise de conscience plus progressive du mal au hasard, de l’incurable violence.
Mais une fois de plus, j’avais été court-circuité dans ma légitime tentative de reconduction de la merveille aux yeux d’un petit homme.
Une image s’était nichée au plus profond de lui. L’image de trop.
Je compris à cet instant qu’il fallait quitter définitivement Lumière pour aller combler un gigantesque déficit de beau. Montrer la mer à mon fils. Un point de départ vers une autre conscience où le moindre don de la nature est un cadeau d’une valeur inestimable. Juste ça et toute une constellation de détails que notre époque s’emploie à tourner au ridicule.
Mon fils dans les bras, je réfléchissais à ce que j’allais dire à Marie.
Après quarante années passées dans le même schéma de société, nous savions désormais avec quoi nous ne voulions pas collaborer. Notre cœur était ailleurs, nous devions juste découvrir où.
J’étais en train de penser au mot cœur lorsqu’une colossale explosion retentit. Elle était assez lointaine, mais elle sonna à nos oreilles comme le fracas du plus violent nuage d’orage assis sur nous. La tempête d’événements morbides à laquelle nous venions d’échapper s’effaça devant quelque chose de bien plus grand et encore indéfinissable.
Je restai figé, à caresser la tête nue de mon fils qui hurlait de peur contre mon torse.
Que venait-il de se passer ?
Nous autres, misérables humains déjà affaiblis par le spectacle de la barbarie gratuite, nous interrogions du regard. Une fois l’onde de choc dispersée, un son inconnu nous fit tourner la tête.
Il fallut que je me concentre longtemps pour discerner la nature du fluide noir qui coulait vers nous dans cette rue en pente. Je mis de longues secondes à y croire. Une telle chose ne pouvait pas se produire. Ni ici, ni ailleurs. Pourtant, cette coulée sombre était bel et bien constituée de milliers de vies affolées.
Je partis en courant pour échapper aux mygales. Je maintenais Jo fermement contre moi. Sa petite tête encore mal arrimée au reste de son corps balançait amplement au rythme de mes foulées. En m’arrêtant pour reprendre mon souffle, je vis que ce groupe compact d’araignées s’était dispersé. Beaucoup étaient montées sur des façades d’immeubles. Certaines avaient pénétré dans des appartements d’où émanaient des hurlements stridents. Je vis un jeune homme en pleine crise de panique se défenestrer du cinquième étage, une énorme araignée agrippée aux cheveux.
Mon dernier lien avec cette époque se brisa en même temps que ses os.
À bout de souffle, je repris ma course vers Marie, en priant.
Que fallait-il faire ? Rester cloîtrés dans notre appartement, ou prendre la fuite ?
Plus d’internet, plus de téléphone et aucun moyen de se renseigner sur ce qui était en train de se passer.
Quelques heures après l’explosion, nous étions toujours en train de nous réjouir de nous être retrouvés tous les trois, sains et saufs. J’eus quelques secondes pour songer que je voulais une vie où cette joie-là suffit, mais ce n’était ni le lieu ni le moment d’en parler.
– Daël, quand tu n’étais pas là, j’ai vu un truc par la fenêtre. Mais tu ne me croiras pas, prétendit Marie, la gorge serrée.
– J’allais te dire quelque chose de similaire.
J’eus néanmoins du mal à admettre sa description d’une estafette blanche ayant libéré un ours fou de colère dont la première réaction fut de poursuivre un passant. Mais elle me disait la vérité, je le voyais. Marie n’avait jamais su mentir. Même la corruption la plus vénielle de la vérité pouvait se lire dans tout son corps.
Je la pris dans mes bras. Nous avions besoin d’un moment comme celui-là. Son odeur, son corps, notre silence. Un son de claquement nous fit rouvrir les yeux. L’électricité venait de lâcher. Tout le quartier était plongé dans la pénombre. Une strate supplémentaire de nos maigres protections venait d’être percée par une menace dont nous ne pouvions que ressentir l’effroyable envergure.
Une fois Jo nourri, changé et couché, Marie et moi décidâmes de nous reposer, dans notre appartement soudain si vulnérable au milieu d’une nuit noire ponctuée de bruits inconnus en provenance de la rue. Notre instinct le plus archaïque sut pourtant les définir. Lovés dans le déni, nous nous abstînmes de verbaliser ce que nos oreilles lisaient.
Lumière était retournée à l’état de nature.
La lueur pâle de la lune traversait nos rideaux fins. Marie, assoupie, me tournait le dos. Ses longs cheveux noirs ressemblaient à une route après la pluie. Tout en elle m’évoquait un chemin sans obstacles, un élan. Je m’approchai d’elle pour l’entourer de mes bras et blottir mon visage contre sa nuque.
Nous étions, pour la première fois de nos vies, réellement en danger. Nous avions grandi dans un milieu où plus rien ne se passe, où aucune adversité véritable ne semble possible. Nous n’avions connu ni la guerre, ni la restriction, ni la persécution.
L’explosion et les manifestations animales qui avaient suivi nous faisaient encore l’effet d’un film de fiction. Notre reconnexion au réel prendrait du temps. Elle n’en serait que plus brutale.
Je fis un rêve étrange. J’étais assis sur un banc, seul au milieu d’une minuscule planète sans atmosphère. J’y respirais pourtant très bien. Cet astre était comme une grosse bille de pierre dont je pouvais faire le tour en quelques minutes. Sur la face où je me trouvais, j’avais une vue imprenable sur la planète Terre. La forme de sa surface émergée était méconnaissable. Un seul continent colossal s’étendait en étoile jusqu’à devenir de fins tentacules s’achevant en archipels complexes. Sous la surface de son continent et de son océan, en différents points, de gigantesques masses couleur or s’illuminaient par intermittence, selon un cycle qui me semblait aléatoire. Cette magnifique palpitation ressemblait au fonctionnement autonome d’un corps. Ou était-ce un langage ? Je m’abandonnais à ce bouleversant spectacle. Comment mon esprit avait-il pu créer une image d’une telle beauté ? Ce doux rêve me faisait ressentir le silence apaisant du cosmos et la caresse de deux larmes sur mes joues. Un mot, assourdissant, comme émis par la planète bleue, me réveilla en sursaut. C’était une voix féminine grave, d’une absolue clarté, qui me dit « PARTEZ ».
J’ouvris les yeux, découvrant Marie debout, apeurée.
– T’as entendu ?
– Qu’est-ce qui se passe, Marie ?
– Il y a des gens qui montent dans l’immeuble.
Un groupe de personnes montait les escaliers dans un vacarme infernal, en donnant des coups contre les portes des appartements. Ils répétaient inlassablement la même phrase : « C’EST TERMINÉ. PARTEZ ». Jo fut réveillé en sursaut par un choc métallique contre notre porte. Marie le prit dans ses bras. Les deux gouttes coulant sur les petites joues de mon Jo me faisaient penser à celles de mon rêve. Depuis que mon enfant existe, ce sont un peu mes larmes qu’il pleure. Ou l’inverse.
« COMBUSTION DANS TRENTE MINUTES », déclara une voix féminine agressive depuis les étages hauts de l’immeuble. Un son d’écoulement suivit cette menace. Une odeur d’essence nous prit à la gorge.
Nos téléphones étaient toujours en rade. Aucun service, personne à appeler au secours.
Nous remplîmes à la hâte nos sacs à dos de randonnée. Des denrées alimentaires, de quoi changer Jo et d’autres choses qui nous passèrent sous la main. Nous allions manquer de tout, mais nous ne nous sentions plus en état de réfléchir. Nous étions dans la rue à peine dix minutes après la première sommation. Jo, emmitouflé dans le porte-bébé, s’était rendormi au milieu du chaos. Sur le trottoir, les résidents de l’immeuble s’étaient organisés selon une géographie stricte, en îlots. Les différents foyers restaient séparés de quelques mètres. Aux cloisons de leurs logements, d’autres se substituaient, transparentes, imaginaires. Deux familles rivales, qui s’étaient violemment opposées lors de la dernière assemblée de copropriété, au sujet de l’installation d’un deuxième digicode, se jetaient des regards hostiles. Dans une ambiance qui prêtait peu aux élans solidaires, les différentes familles de l’immeuble partirent en étoile dans des directions arbitraires, au petit bonheur la chance. Chacun pour sa peau. À l’instinct, nous mîmes le cap au sud.
Je me retournai vers le bâtiment qui avait été le théâtre de tant de joies, notre naissance et celle de Jo. Des individus cagoulés, vêtus en noir de pied en cap, sortaient calmement du hall d’entrée.
Une seule allumette suffit à embraser l’immeuble jusqu’au dernier étage. Notre réalité fut abrogée par les flammes.
Qui étaient ces gens ? Et nous, qui étions-nous ? Qui pouvait se laisser chasser si facilement de chez soi ? Notre vie était partie en vrille d’une manière si rapide et implacable. Tous nos repères avaient disparu. La lumière naissante de l’aube nous révélait tels que nous étions : désarmés, incapables de faire face aux heurts que nous pensions enfermés à double tour dans les livres d’histoire.
Le son de ce jour nouveau, à la fois silencieux et assourdissant, nous remuait les entrailles. Nous serions livrés à nous-mêmes, dans une Lumière méconnaissable où aucune sirène n’avait retenti depuis l’explosion.
Nous marchions dans la rue en nous tenant la main. Ce geste avait un sens nouveau. Nous nous accrochions l’un à l’autre. Jo, qui s’était réveillé, regardait vers le ciel avec une grande intensité. Juché sur son sommet d’enfance, peut-être assistait-il à un phénomène qui nous échappait. Au loin, un monstrueux panache de fumée noire s’élevait dans le ciel. Des combustions d’immeubles avaient dû être lancées en de multiples points car une forte odeur de brûlé nous parvenait. Mon corps était débilité par une peur encore vaguement contrôlable.
