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Les roses de Jéricho: Journal de voyage en Terre Sainte et en Syrie 5 juillet - 28 septembre 1936
Les roses de Jéricho: Journal de voyage en Terre Sainte et en Syrie 5 juillet - 28 septembre 1936
Les roses de Jéricho: Journal de voyage en Terre Sainte et en Syrie 5 juillet - 28 septembre 1936
Livre électronique249 pages2 heures

Les roses de Jéricho: Journal de voyage en Terre Sainte et en Syrie 5 juillet - 28 septembre 1936

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À propos de ce livre électronique

L’auteur de ce journal de voyage, Grigol Péradzé, 36 ans, est un prêtre moine et un savant polyglotte, un Géorgien parti de son pays avec la bénédiction du Patriarche Ambroise pour faire des études de théologie à l’heure où toutes les Académies de Russie sont fermées. Depuis quelques années, à l’invitation du métropolite Dionizy, il enseigne la patristique en Pologne, à la section — nouvellement fondée — de théologie orthodoxe de l’Université de Varsovie. Grigol Péradzé est parti à la recherche des traces de présence géorgienne en Terre Sainte. Grigol Péradzé est un homme attentif, généreux et chaleureux, dont la curiosité scientifique est sans cesse en éveil. Au gré de ses pérégrinations, il va rencontrer le patriarche de Jérusalem, des évêques, des catholiques franciscains, bénédictins, des anglicans, des nestoriens, des alaouites, de pieuses princesses éthiopiennes, l’ancien précepteur anglais du tsarévitch de Russie, des prêtres, des moines et des moniales, des diplomates et des bibliothécaires, des Juifs géorgiens et polonais, artisans, commerçants, des Arabes intellectuels formés dans les écoles catholiques et d’autres, ignorants, qui le prennent pour un Juif et lui lancent des pierres.
Il a rédigé en polonais cette relation de voyage, publiée en partie dans différents périodiques à tirage confidentiel. Trois ans après son retour, le 1er septembre 1939, ce sera la guerre. Grigol Péradzé choisira de rester en Pologne pour ne pas abandonner ses amis. Arrêté en 1942, il sera emprisonné à Varsovie puis déporté à AuschwitzBirkenau
où il a pris sur lui la faute d’un autre et a fini, dans la chambre à gaz, le 6 décembre 1942.
Pour son aide héroïque aux persécutés pendant la guerre, pour son attitude d’amour et de miséricorde, il a été canonisé en 1995 par l’Église orthodoxe de Géorgie et l’Église orthodoxe de Pologne.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Grigol Péradzé - Né en 1899 en Géorgie, fils de prêtre, quand le jeune Grigol termine le séminaire, toutes les académies de théologie de Russie sont fermées. Envoyé par le patriarche Ambroise en Occident, il conquiert un doctorat en Allemagne et acquiert une sérieuse compétence d’orientaliste chrétien ; il fonde la paroisse orthodoxe géorgienne de Paris, il enseigne la théologie orthodoxe à l’Université de Varsovie où il est très aimé et apprécié. Arrêté par les nazis, déporté à Birkenau, il y meurt le 6 décembre 1942. Canonisé en 1995.
LangueFrançais
ÉditeurSaint-Léger Editions
Date de sortie10 juil. 2024
ISBN9782385222611
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    Aperçu du livre

    Les roses de Jéricho - Grigol Péradzé

    couverture_les_roses_de_Jericho.jpg

    Saint Archimandrite Grégoire

    – Grigol Péradzé –

    martyr d’Auschwitz

    Les Roses

    de Jéricho

    Journal de voyage en Terre Sainte et en Syrie

    5 juillet - 28 septembre 1936

    texte annoté par l’archiprêtre

    Henryk Paprocki

    Traduit du polonais

    par Françoise Lhoest

    Chronologie

    Récit

    C’est pendant les vacances de 1936 que j’ai eu enfin la possibilité de réaliser un vieux rêve : visiter la Terre Sainte. Ce pays, qui a été le témoin de la plus grande tragédie mais aussi des meilleures pages de l’histoire de toute l’humanité, m’attirait non seulement comme moine, mais comme spécialiste de l’histoire de la littérature chrétienne. Car la Palestine, et en particulier Bethléem où le Sauveur du monde a vu le jour comme un petit enfant, est aussi la patrie de la science que je représente. C’est là qu’en 392, saint Jérôme écrivit le premier ouvrage scientifique dans ce domaine. C’est dans ce pays qu’ont vécu les grands écrivains ecclésiastiques, et les fruits de leur travail sont devenus des références pour l’Église tout entière. De plus, ce pays m’intéressait aussi en tant que Géorgien. Car les liens entre la Géorgie et la Terre Sainte remontent aux temps les plus anciens et – comme le disent de belles et pieuses traditions – même au temps du Seigneur Jésus-Christ Lui-même. Le Christianisme est venu de Jérusalem en Géorgie et la pratique liturgique de l’Église de Jérusalem est la référence en Géorgie. Dès le

    v

    e siècle nous trouvons attestés des pèlerinages géorgiens et des monastères géorgiens en Terre Sainte.

    La bibliothèque du patriarcat grec possède 162 manuscrits géorgiens¹ et dans les différents monastères de Palestine – comme le relatent les voyageurs en Terre Sainte – il reste encore de ces temps des documents géorgiens. Le voyage se justifiait donc au moins parce qu’il m’a donné la possibilité de voir, de photographier et d’étudier tout cela. Les temps, hélas, n’étaient guère paisibles, les conflits entre Arabes et Juifs ont mis des obstacles à mon travail, en particulier à mes déplacements, bien que j’aie eu la possibilité d’aller à peu près partout, mais il m’a fallu écourter mon séjour d’un mois, et passer en Syrie les trois dernières semaines, ce qui a eu une influence bénéfique sur mes travaux. Ces conflits rendaient l’atmosphère extrêmement intéressante. J’ai eu la possibilité et une raison de m’arrêter sur diverses questions qui, en temps de paix, ne me seraient jamais venues à l’idée.

    Il en est toujours ainsi : dans le danger, l’homme révèle plus rapidement son vrai visage spirituel, il ouvre son cœur devant ceux en qui il a confiance ou de qui il attend de l’aide ou un soutien moral. Il est plus reconnaissant, mais il est parfois plus méfiant.

    J’ai quitté Varsovie le lundi 29 juin. En chemin, je me suis arrêté à Kolomya², chez un lieutenant géorgien³ qui avait été mon condisciple au séminaire de Tbilissi et que je n’avais pas vu depuis probablement 18 ans. Le mercredi 1er juillet, j’ai embarqué sur le Polonia à destination d’Haïfa. Parmi les autres passagers, on comptait un groupe d’enseignants polonais qui devaient, en trois semaines, visiter la Palestine, la Syrie et l’Égypte, et bien sûr, la plupart des autres voyageaient à titre privé. Dans le train en revenant de Kolomya, j’ai fait la connaissance d’un monsieur qui m’a rendu d’insignes services : grâce à lui seul, j’ai pu m’orienter à Haïfa. Cet homme était un Juif, mais il cachait ses origines à tout le monde, et même à moi.

    Le bateau était rempli d’émigrants juifs de divers pays, en particulier de Pologne, qui se rendaient en Palestine.

    Dimanche 5 juillet

    Notre bateau accoste à Haïfa. De très loin, on voit déjà le mont Carmel, où œuvra, entre autres, le prophète Élie, l’une des plus intéressantes figures de l’Ancien Testament.

    Presque toute la montagne appartient aux moines catholiques du Carmel. Les orthodoxes possèdent, eux aussi, sur la montagne un beau monastère et un grand terrain. Il n’entrait pas dans mes plans de m’arrêter à Haïfa, car je souhaitais me rendre aussitôt à Jérusalem.

    Dans le train de l’après-midi, il n’y avait que des Juifs, se rendant pour la plupart à Tel Aviv. C’est pourquoi le train était escorté de nombreux gardes armés en cas d’attaque et quand nous roulions entre les rochers, un avion survolait le convoi. Je ne peux pas dire que l’atmosphère était à la panique. Dans les compartiments, les gens parlaient évidemment des Arabes. Le paysage oriental ne manquait pas d’intérêt. À côté d’une terre bien cultivée, avec de magnifiques jardins et plantations, on voyait des déserts sauvages. À côté de magnifiques villas, les pauvres masures des Arabes. Des tribus de nomades arabes avaient planté leur camp à proximité de la voie ferrée et ce triste spectacle de gens presque nus contrastait encore plus avec celui des Juifs bien habillés qui habitaient à côté d’eux.

    À la station de Tul Karem un jeune Arabe entra dans le compartiment. Il commença par regarder avec beaucoup de méfiance les gens qui s’étaient assis là, et il me dévisagea d’un air manifestement intrigué. Il voulait savoir si j’étais Juif moi aussi ou non. Comme son regard était vraiment trop importun, j’entamai la conversation. Mon interlocuteur parlait bien français car il avait fait ses études dans une école catholique française de Jaffa. Il connaissait le christianisme mieux que sa propre religion et me témoigna la plus grande courtoisie. Je vis que le travail des missionnaires n’était pas vain et je m’en réjouis beaucoup. Plus tard, je rencontrai pas mal d’Arabes formés ainsi. De toute évidence, la mission chrétienne ostensible parmi la population musulmane est extrêmement dangereuse et inefficace. En éduquant ainsi leurs enfants, on peut créer une rupture dans leur religion. Comme j’observais de près ces gens, d’autres réflexions me venaient à l’esprit : est-ce que, outre ces manières extérieures et cette connaissance de langues nombreuses, ils sont intérieurement meilleurs que leurs compatriotes qui n’ont pas reçu d’instruction ? Au contraire, ils nourrissaient envers les Européens une plus grande haine que les autres. J’ai eu l’impression qu’ils étudiaient dans les écoles supérieures non dans un but idéologique : pour travailler au service de leur peuple, mais dans l’espoir de trouver de meilleurs postes et de vivre alors à l’abri des soucis, exactement comme chez nous.

    Je suis désolé pour ces Orientaux, si ardents et si doués pour le travail idéologique qu’ils affectionnent, quand je vois que leur éducation dans les écoles chrétiennes leur fait perdre le contact avec leur peuple, avec ses meilleures forces spirituelles, ainsi qu’avec la tradition de leur passé.

    Plusieurs avions, au lieu d’un seul, tournaient maintenant au-dessus de nous, et toutes les fenêtres du train étaient fermées. Les passagers racontaient plusieurs incidents qui avaient eu lieu dans les environs. Je me rappelai la lettre d’un certain archimandrite de Jérusalem, reçue à Varsovie, dans laquelle il écrivait que sur cette ligne, en quelques semaines, dix-huit bombes avaient été jetées sur les wagons. Notre train s’arrête à une petite gare. Encore un peu et nous serons à Jérusalem, bien sûr avec quelques heures de retard, ce qui n’étonnera personne. La situation étant ce qu’elle est dans le pays, tout le monde y est habitué.

    L’endroit est très montagneux. Des images du Cantique des Cantiques me reviennent à l’esprit, évoquant ces rochers et ces montagnes. Mais ces images cèdent la place au souvenir de la Mère de Dieu, qui se rend, après l’Annonciation, [« Exsurgens Maria abiit in montana » – NdT] dans la montagne, chez sa cousine Élisabeth, et c’est là que naît le plus bel hymne de l’Église et le plus ancien, le merveilleux Magnificat. Les mélodies de cet hymne me résonnent aux oreilles. Je ne vois plus rien, je n’entends plus rien, je souhaite seulement garder en moi ce recueillement, qui est porteur d’une paix non terrestre et d’une telle joie. Même cet Arabe commence à me gêner. Il est trop gentil et s’efforce de me divertir. Beaucoup de gens montent dans notre compartiment, sans aucune crainte de se faire attaquer. Une vieille femme s’assied en face de moi. Elle ressemble tout à fait à la Mère de Dieu dans l’attitude de la Mater Dolorosa des peintres flamands. Autrement dit, c’est une mère qui se languit et qui pleure. Un visage desséché qui garde la marque de bien des peines, de rude labeur et d’une pensée immémoriale, et surtout une joie non terrestre et le sentiment du devoir accompli. En la regardant, je me rappelle Élisabeth et j’essaie de garder ses traits présents à l’esprit. On dirait qu’elle dort ou qu’elle médite ; peut-être pense-t-elle à ses soucis quotidiens, à ses dépenses et aux quelques sous qu’elle gagne. Tout d’un coup, elle se tourne vers mon Arabe et lui dit quelque chose. Celui-ci pique un fou rire. Ce dialogue m’intrigue fort, mais comme l’Arabe ne me traduit rien, je l’interroge. Rien de spécial, me dit-il en continuant de rire, cette femme ignorante a dit que de l’autre côté de la montagne habitent des moines et qu’ils ressemblent tous à mon père et que mon père aussi ressemble à tous.

    À mon arrivée à Jérusalem, je constate qu’il n’y a ni bus ni taxis, qu’il est déjà sept heures, et qu’après sept heures on ne peut pas se déplacer en ville. Je laisse donc mes bagages à la consigne de la gare, je demande le chemin de la Mission russe, où je dois habiter. La plupart des passagers voulait rester jusqu’au matin à la gare, tandis que d’autres étaient attendus par des voitures privées.

    En chemin je suis arrêté par la police et emmené au commissariat. Celui-ci, heureusement, se trouvait dans le bâtiment de la Mission russe, dont l’entrée était à deux pas, de sorte que ce trajet, normalement pas très agréable, avec un policier m’a rapproché du but. Heureusement, j’avais sur moi mon billet de chemin de fer et mon passeport attestait que j’étais arrivé ce jour même dans le pays, que je pouvais donc ne rien savoir des réglements en vigueur. L’un des fonctionnaires a eu la gentillesse de m’accompagner de l’autre côté de la rue, jusqu’à la porte de la Mission. Je l’ai rencontré plus tard à Jéricho, où il m’a rendu quelques précieux services.

    À la Mission, les moines avaient déjà soupé et le moine portier était justement en train de fermer la porte. Ma lettre ne leur était pas encore parvenue de Varsovie, donc personne ne m’attendait. Ma tenue l’étonna. Quand je dis que je désirais saluer le père supérieur, et que j’habiterais probablement chez eux, il demanda : – Qui êtes-vous, mon père ? – L’archimandrite Grégoire de Varsovie. – L’archimandrite Grégoire, répéta-t-il très lentement, en accentuant presque chaque lettre et en me regardant très attentivement. Il cherchait manifestement quelque insigne d’archimandrite. Comme au premier coup d’œil il était difficile d’en trouver un (je n’avais ni longs cheveux, ni longue barbe), il alla, sans plus chercher, trouver le père supérieur.

    Lundi 6 juillet

    À six heures, j’ai été réveillé par la cloche. Malheureusement, le temps de m’habiller, l’office avait déjà commencé. Dans l’église, il y avait beaucoup de vieilles femmes. Pour ne pas attirer l’attention, je me tenais près de l’entrée et j’avais l’intention de quitter l’église avant la fin de l’office.

    À côté de moi se tenaient quelques femmes. L’une d’entre elles n’avait pas de main droite et faisait le signe de la croix de la main gauche. L’une des femmes portait une couronne de craquelin et en donnait à chaque femme dans l’église en demandant ses prières

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