Les racines du soin: Cheminements intérieurs d'un jeune médecin
Par Gireg Lanos
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEUR
Gireg LANOS est médecin acupuncteur, diplômé du doctorat de médecine générale depuis 2018. Particulièrement sensible à l’approche holistique de la maladie, il a exercé durant sept années en qualité de médecin traitant remplaçant, en milieu rural comme urbain. Après avoir travaillé bénévolement avec Médecins du Monde durant dix-huit mois, il s’est formé à la médecine chinoise à la faculté de médecine de Nantes. Depuis, il ne cesse dans sa pratique d’explorer les liens entre approche contemporaine du soin et démarche traditionnelle.
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Aperçu du livre
Les racines du soin - Gireg Lanos
PROLOGUE
« Mais madame, qu’est-ce que vous comptiez faire de votre orteil ?
–Dam’ ! L’donner à manger au chien ! »
L’heure avait sonné. L’évidence de dégainer la plume ne pouvait plus être mise en question, car l’encre seule témoignerait avec justesse de ces expériences de soin, ainsi que des répercussions que celles-ci avaient eues sur ma vie. Ce jour-là, j’avais été remué par de vives angoisses d’être frappé par une maladie auto-immune qui attaque vigoureusement les vaisseaux sanguins, que l’on dénomme vascularite. La nosophobie me puisait mon énergie et je luttais tant bien que mal pour résister à l’envahisseur émotionnel afin que cette garde aux urgences ne devienne pas un calvaire. En accueillant dans un box de soins, quelques heures plus tard, une vieille femme qui avait fait un malaise en montant son escalier, nous avions été fort surpris de découvrir fortuitement que son petit orteil ressemblait à du charbon. La nécrose semblait installée depuis longtemps. Son diabète était manifestement sous-traité, cette femme n’accordant qu’un intérêt pour le moins négligent à ses symptômes. Nous comprenions rapidement que le malaise était secondaire à un état d’hyperglycémie sévère. Quant aux artères de son membre, elles avaient subi l’assaut vorace du sucre durant de nombreuses années puis fini logiquement par s’obstruer.
En tentant avec ma supérieure de raisonner cette patiente sur la gravité de ses plaintes, je ne pouvais me retenir de comparer son état d’esprit au mien quelques heures plus tôt. Étouffé par l’angoisse d’être potentiellement malade, je subissais. Cette personne quant à elle planait, malgré sa maladie artérielle évidente et potentiellement mortelle ! Son déni flagrant et mon anticipation anxieuse s’affrontaient violemment dans l’arène du monde de la peur. Mais au fond de moi un questionnement fondamental faisait son chemin : quelle objectivité peut-on porter sur la maladie en elle-même ? Est-elle nécessairement mal ou négative ? Est-elle l’ennemie du médecin et l’ennemi de l’humain ? Shakespeare disait dans Hamlet : « Il n'existe rien qui ne soit bien ou mal, mais notre pensée rend ces notions réelles ». Pour cette agricultrice le mal était fort relatif et le bien consistait de son propre aveu à vivre tranquillement sa vie, avec ou sans diabète, en haut ou en bas des marches... Où était le problème ?
Cela témoignait-il d’un pur refus du réel ou bien d’une preuve d’acceptation authentique d’un destin soumis au changement ? J’ai rencontré de nombreux patients défiant ces codes de la logique médicale se voulant de traiter toute maladie et de repousser l’heure du trépas au plus tard. Ces questionnements ébranlaient de nombreuses certitudes marquées au fer rouge dans les tréfonds de mon être, certitudes qui gravitaient toutes autour de cette injonction : la maladie c’est mal. J’avais alors tout le temps dédié à ma formation médicale, toute ma carrière... et toute ma vie pour mettre de la lumière sur cette part d’ombre qui résidait en moi et ne me laissait guère souvent en paix.
Ces mémoires ont deux objectifs qui pointent simultanément vers un troisième. Le premier est de conter les aventures du jeune médecin que je suis encore, depuis ma tendre enfance jusqu’à l’exercice de la profession de médecin généraliste. Ce périple permet une immersion dans cet univers parallèle que je dépeins avec le plus de sincérité et d’intégrité possible. Je précise qu’en raison du respect du secret médical les anecdotes qui viennent colorer le récit sont inspirées de faits réels, mais les patients eux sont bien totalement fictifs. Il fallait néanmoins conserver la qualité et l’authenticité de l’expérience vécue et je crois avoir pu œuvrer au mieux en ce sens, en faisant du récit le miroir de la réalité. Cet écrit est aussi volontairement animé par un prisme de subjectivité. Cette dernière, au lieu d’être un frein à un témoignage authentique, permet au contraire de saisir tout le sens profond d’un engagement dans cette vocation ; sens qui se dévoilera peu à peu au cours des années. Chaque être humain et donc chaque soignant est habité en son for intérieur par une histoire et des prédispositions inconscientes qui mèneront une grande partie de son existence. Le soin émane du soignant et la science dite objective n’y pourra jamais rien. J’espère en cela partager à qui souhaitera le lire toute la beauté, la dureté et la complexité d’une médecine vécue, et ce à travers le prisme de mes propres résonances affectives.
Le second objectif est de dresser un avis critique de l’enseignement et de la pratique médicale moderne. Cette analyse sera parfois hautement élogieuse, mais elle pointera aussi de nombreuses incohérences voire de profondes carences de notre « logique » de soin actuelle. Ces réflexions portent majoritairement sur l’art de la relation médecin-patient, sur la dimension humaine du métier et sur notre façon contemporaine d’aborder la maladie et la souffrance. Je tiens là aussi à préciser que cet ouvrage n’a nullement pour vocation de porter procès à « la médecine moderne » ou à toute notion de « progrès scientifique ». Il ne se fait pas partisan d’un camp contre un autre, d’une vision binaire qui rejetterait au lieu d’inclure les différents points de vue. La sagesse est toujours de réunir, d’intégrer et de s’ouvrir sans jugement, ce qui permet de facto un réel discernement. L’intérêt est de plus de critiquer des manières de faire et non des personnes en elles-mêmes : la différence est capitale. Par ailleurs, l’abord élogieux de plusieurs aspects des médecines dites traditionnelles ou complémentaires n’est jamais un encouragement à exclure la médecine allopathique classique (danger fréquemment retrouvé dans certains discours réactionnaires). Il faut se montrer humble face au corpus gigantesque de connaissances médicales que le patrimoine de l’humanité a acquis afin de savoir orienter intelligemment nos patients pour leur apporter un maximum de chances de guérison. Ce livre n’exprime donc pas un rejet de la médecine occidentale mais il questionne sur son exclusivité. Enfin, j’évoque succinctement de multiples pratiques traditionnelles mais ne me targue de les maîtriser toutes ! Pour cette raison et en dehors des citations de textes de sagesses plus généraux (qui là nourrissent ma propre recherche intérieure), je ne prends appui que sur la médecine chinoise pour détailler mes propos. Étant diplômé de la capacité médicale d’acupuncture et pratiquant cette dernière, je ne peux m’étendre que ce sur quoi j’ai une expérience réelle et donc légitime.
Le troisième objectif s’inscrit naturellement dans la suite des deux autres. D’un travail intérieur (toujours en cours) riche en intensité, de profondes remises en question sur notre système de santé et de plusieurs magnifiques rencontres qui ont jalonné ces quelques années de vie découlent de grands questionnements sur l’art de soigner. Je souhaite les partager modestement ici et je n’entends bien sûr pas faire le tour de la question, loin de là. Ces derniers sont plus, si j’ose dire, d’ordre spirituel : ils ont trait à un niveau plus profond et plus subtil de nous-mêmes, au mystère qui nous dépasse et auquel la médecine nous expose si particulièrement avec beauté et intensité.
CHAPITRE I
DU COUFFIN AU CONCOURS
Le berceau donne le tempo
Quel drôle de regard me portait la bibliothécaire du collège lorsqu’en classe de cinquième, âgé de douze ans, j’évoquais le souhait d’être psychologue. « C’est assez inhabituel à ton âge, pourquoi veux-tu devenir psychologue ? » Pertinente question que celle du pourquoi. À l’époque je me souviens d’avoir été habité par une attirance relativement floue pour le domaine de la psyché. Je le trouvais complexe et fascinant, invisible et mystérieux. Je ne réalisais certainement pas, si jeune, que ce désir naissait surtout d’un profond besoin de comprendre mes propres émotions et d’offrir aux autres une aide que je recherchais pour moi-même. Colérique, impulsif... non. On m’avait souvent dit : « Tu parais si calme, si posé, détendu. » Extérieurement oui, mais intérieurement l’émotion centrale que je désirais apprivoiser était la peur. Émotion racine, primitive, qui mène et oriente la grande majorité des existences humaines. Pour ma part elle ne se voyait que peu sur mes traits, mais rodait dans la profondeur… Peur de quoi ? Principalement donc... de la maladie. On ne devient pas médecin par hasard.
Je suis né durant l’été 1988, dans une famille où aucun médecin n’apparaît à ma connaissance sur l’arbre généalogique. Deuxième d’une fratrie de trois, élevé par un père chercheur au CNRS et une mère éducatrice de jeunes enfants, j’ai eu la chance certaine de débarquer sur cette planète dans des conditions favorables. Entre l’amour de ma mère pour l’éducation et celui de mon père pour l’érudition, j’ai vécu mon enfance dans un climat propice à l’épanouissement. Dès les premiers jours et mois de ma vie, on me qualifiait d’observateur, de silencieux, de celui « qui se met en retrait et regarde ». Ces traits devaient se confirmer avec le temps. Intérieurement cependant, ce cœur de petit enfant était loin d’être anesthésié, désintéressé ou inhibé. Je vivais tout avec une grande intensité, pour le meilleur et pour le pire. J’étais passionné, mais m’investissais dans la vie avec prudence et lenteur, afin de ne pas trop m’exposer. Dans les relations humaines, à l’école, dans le sport, dans les jeux et lectures, dans les mondes merveilleux et magiques de contes et de super-héros, je prenais délicieusement mon temps. Je revenais incessamment aux mêmes séquences imaginaires sans fatigue, j’écoutais sans cesse les mêmes musiques, souvent jusqu’à saturation avouée de mon entourage.
Ma petite enfance a été rapidement imprégnée du contact avec le milieu médical. Des bronchiolites à répétition ponctuaient deux premières années de vie où comme on me l’avait rapporté plus tard, j’étais « toujours chez le médecin ». Par la suite, le développement d’un asthme allergique et surtout l’étonnante opération de la vésicule biliaire à l’âge de cinq ans enfonçaient le clou. Après de longues périodes de douleurs abdominales, on me découvrait la présence de calculs dans les voies biliaires, chose bien rare pour un enfant. L’ablation de cette poche où se recueille la bile, se trouvant au contact du foie, me faisait le plus grand bien, mais la question de l’origine du trouble restait entière. Le réveil, quelques heures après la chirurgie, avait été marqué par une sensation corporelle fort désagréable. Je portais encore une sonde naso-gastrique qui m’empêchait de vomir. Le petit garçon y voyait surtout la présence affreuse et écœurante d’un dangereux corps étranger, tentacule mystérieux qui avait décidé de se greffer profondément à mes organes. La peur habitait mes entrailles et cette bestiole ne participait pas à l’évacuer ! Je peux donc dire sans second degré que j’ai débuté la médecine au berceau car quelle meilleure expérience d’une chose (la maladie et son traitement) que son expérimentation concrète, vivante, réelle ? Les souvenirs conscients, à cet âge, restent flous, mais la mémoire émotionnelle demeure bien active. L’empreinte de ce type de vécu n’est pas banale. Il est bien connu qu’il suffit d’un regard sévère d’un adulte aimé pour que le monde émotionnel d’un enfant bascule en une fraction de seconde, laissant place à une empreinte plus ou moins forte. Les accès de suffocation lors des bronchiolites et cette hospitalisation - entre autres - avaient laissé des traces, mais celles-ci n’étaient pas visibles en ouvrant mon carnet de santé ! À bien des égards, ces évènements tissèrent un fil conducteur pour mon avenir.
Un peu plus tard, au cours de ma scolarité en école primaire, je fus marqué par un autre évènement médical. Celui-ci ne me concernait pas directement. Ma meilleure amie d’enfance, que je considérais secrètement comme ma petite-amie, tomba un jour malade. Un matin, dans la cour de récréation derrière la large grille d’entrée de l’établissement, je restais planté là devant son inhabituelle absence. Rapidement on m’informa avec des mots simples qu’elle était sujette à une éruption cutanée fébrile. À mon âge je tirais alors deux conclusions irréfutables : son corps était « tout rouge » - information intellectuelle. Elle allait mourir - information émotionnelle. Ce n’est que de nombreuses années plus tard, lors d’un travail d’introspection, que je revivais cette scène avec une intensité étonnante. Mon cœur d’enfant explosait en larmes de voir disparaître ainsi mon amie dans l’antre terrifiant d’un quelconque hôpital, aspirée dans le monde obscur de la maladie. Son retour rapide à l’école quelques jours plus tard démentit heureusement ces croyances, mais preuve en était que cette mémoire émotionnelle était bien gravée en moi : maladie et neutralité ne se combinaient pas.
De fait, il me restait un souvenir fort particulier des consultations chez notre médecin traitant. C’était un homme grand en taille et large d’épaules, d’une voix infiniment douce et rassurante. Ce genre de personne qui te fait sortir du cabinet détendu alors qu’il t’a diagnostiqué une pneumonie. Nombreuses ont été ces heures à patienter dans cette petite salle d’attente moins large que haute de plafond, d’un cabinet aménagé dans une ancienne maison à colombages où poutres et parquet craquaient et émanaient leurs odeurs résineuses. Consultations sans rendez-vous, large temps accordé à discuter, à rassurer, à conseiller, il était un médecin de l’ancienne école. Pendant quelques années, j’allais régulièrement le consulter afin de traiter mon asthme. Peu à peu, les crises s’étaient faites plus espacées, moins sévères et je prenais logiquement de la distance avec ce médecin. Mais il me paraît tout à fait légitime de considérer que mon âme d’enfant a projeté une puissante image de protecteur sur cet homme. Une idole. Celui qui me permettait de maîtriser ce mystère nommé maladie. Quel plus beau métier ? On ne devient pas médecin sans raison.
S’évader, rêver, penser
Quel heureux hasard d’avoir donc bénéficié à l’école d’une aisance particulière dans le domaine scientifique. Au collège, j’étais passionné des « Sciences et Vie de la Terre », de la physique et de la chimie. J’aimais l’ambiance particulière des vieilles salles de classe traditionnelles, des larges tableaux remplis de schémas griffonnés à la craie, des étagères débordantes de manuels jaunis et poussiéreux, des expériences chimiques bulleuses (et douteuses) dans les vieilles fioles Erlenmeyer. Je pouvais parfois passer des heures devant mes livres pour tenter de comprendre le monde du vivant et l’étrange complexité du microcosme et du macrocosme. Toutes proportions gardées, car je n’étais pas cloîtré dans mon monde. Je me sentais nourri et passionné mais venait rapidement le temps d’aller jouer avec les copains et de continuer à nourrir mon imaginaire dans les romans fantastiques et jeux vidéo.
C’est au collège que surgissait l’idée de devenir psychologue. Il m’est difficile de m’en rappeler les raisons intellectuelles précises. La majorité d’entre elles étaient bien sûr, inconscientes, au sens bien freudien du terme. L’expérience de la maladie, déjà vécue et éprouvée, avait besoin d’être comprise, fût-ce par le biais de ce métier. Sans étonnement s’installait un peu plus tard au lycée une passion pour les ouvrages du père de la psychanalyse et cette découverte fit l’effet d’une bombe dans mon imaginaire. Ainsi donc il existait ce fameux inconscient, cette nébuleuse psychique par définition inaccessible à la réflexion consciente et chargée d’émotions refoulées, pourvoyeuse d’actes manqués, de rêves et autres mystérieuses conséquences. Je découvrais avec passion « le ça, le moi et le surmoi », les concepts de névrose et de psychose, les différents stades d’évolution de l’enfance jusqu’au célèbre complexe d’Œdipe. Comprendre et guérir par le biais de la psychanalyse devenait alors, pour le jeune homme que j’étais, autant un objectif professionnel qu’une passion un peu difficile à partager avec mes amis...
Logiquement, je choisissais donc la filière scientifique en classe de première. Mes parents connaissant mon attrait pour la psychologie m’avaient rapidement évoqué la possibilité de m’inscrire en faculté de médecine. La réflexion se tenait : les débouchés en psychologie étaient réputés plus maigres (en tout cas il fallait nettement se démarquer des autres candidats pour devenir psychologue clinicien, seule branche qui m’attirait). Une fois médecin cependant, spécialisé en psychiatrie, j’aurais été assuré d’un large boulevard pour exercer le métier à ma sauce. En route pour le bac S donc...
Détour par le Japon
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