Le caissier les mouettes et les poissons rouges
Par Bruno Dehaye
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À propos de ce livre électronique
Toute cette équipe de bras cassés décide alors de frapper un grand coup, et de dépouiller le riche paternel de Cunégonde.
Vous avez déjà vu un braquage grand format se passer le plus sereinement du monde ? Pas ici en tout cas.
Bruno Dehaye, adepte des polars déjantés et des jeux de mots border-line, livre ici un petit ouvrage plein de références et de bonne humeur. Quitte à insulter les mouettes !
À PROPOS DE L'AUTEUR
Bruno Dehaye a écrit dans les fanzines de S.F. dans les années 1990 avant de publier des ouvrages historiques. Il a ensuite écrit une dizaine de livres traitant des affaires criminelles, continuant parallèlement à publier nouvelles policières, poèmes et autres articles avec obstination et éclectisme.
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Aperçu du livre
Le caissier les mouettes et les poissons rouges - Bruno Dehaye
Bruno DEHAYE
LE CAISSIER,
LES MOUETTES ET
LES POISSONS ROUGES
polar
ISBN : 979-10-388-0823-2
Collection : Rouge
ISSN : 2108-6273
Dépôt légal : février 2024
© Couverture Ex Æquo
© 2024 Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction intégrale ou partielle, réservés pour tous pays. Toute modification interdite.
Éditions Ex Æquo
6 rue des Sybilles
88370 Plombières les Bains
www.editiions-exaequo.com
I
Il y a toujours une phrase, un terme, une locution, qu’on rêve de placer dans une conversation. Un bon mot. Classe. Savant. Ou simplement déconcertant. Un truc qui laisse des traces, quoi…
Ce n’est pas un rêve qui m’obsède, habituellement. Mais là, soudain, d’un coup, j’ai eu envie. Puisque mon territoire était envahi, je me devais de le défendre. Pas avec mes muscles — c’eût été difficile — mais avec ma cervelle. Ou avec mon sens de l’à-propos. Ou plutôt mon absence de sens commun.
Quand on est un petit caissier derrière un petit comptoir d’une petite banque, on n’a pas forcément l’ambition de ses envies – ou l’inverse, je ne sais pas trop – mais subitement, je me suis dit : vas-y pépère, fonce, lâche-toi.
Et ça a donné ça :
— Suceur de mouettes !
J’étais assez fier de moi. C’est pas souvent qu’on peut glisser ce vocable, convenez-en.
Enfin, fier.... Relativement. Car quand le gugusse a crispé son doigt sur la gâchette, et qu’il a davantage appuyé le canon froid du machin sur mon front moite de caissier, ma fierté a eu vite fait de se racrapoter au fond de mes chaussettes. Et je parle de ma fierté, pas du reste...
— Pardon ?
— Euh, rien, Monsieur.... Rien du tout, c’était juste pour dire quelque chose.
— Contente-toi de me filer le fric, et ferme ta gueule !
— Oui Monsieur.
Servile, j’ai pris les billets — pas nombreux — raclé les fonds de tiroirs — pas lourds — et donné le tout au hold-upeur qui me tendait un sac Carrefour miteux.
— Ya que ça ?
— Oui Monsieur.
— Et le coffre ?
— Y’en a pas. On est une toute petite agence.
Il a paru réfléchir un peu, un bras tendu avec son pistolet braqué sur mon front de plus en plus moite, un bras tendu — l’autre — avec le sac Carrefour à moitié plein... enfin, à moitié vide de son point de vue.
Puis il a rangé ses bras, et s’est tiré vite fait, les épaules tombantes et la tête basse.
Me laissant seul derrière le comptoir, désemparé, tremblant. Et sans grande envie de placer un bon mot.
Les mouettes avaient encore de beaux jours devant elles.
II
— Vous êtes viré !
Ah, j’oubliais. Je n’étais pas complètement seul. Mon Petit-Chef était dans le petit bureau, à droite du comptoir — à droite forcément, un idiot pareil, c’est jamais à gauche — et me regardait avec un regard aussi meurtrier que le bout du canon du machin froid de tout à l’heure.
Je me levai, les jambes pareilles à la voix de Julien Clerc, et me dirigeai lentement vers lui. Pas certain d’avoir compris. Je pénétrai dans la minuscule pièce d’où il passait son temps à m’engueuler, assis derrière son bureau en plastique.
— Je suis viré ?
— Vous venez de perdre... combien.... deux mille euros ?
— Un peu moins.... sauf que je ne les ai pas perdus. On a été cambriolés ! Volés ! Dévalisés ! On m’a menacé, insulté !
— Vous auriez pu éviter cela. Que va dire le patron ?
— Il va pas être content, forcément.
— Alors vous êtes viré.... Sauf....
— Sauf si quoi ?
— Retrouvez les sous, et je dirai rien au patron. Cherchez le bandit, bousculez-le, harcelez-le, faites-en du hachis pour la cheminée ou du petit bois pour le parmentier. Mais ramenez-moi ce fric !
— Et les flics ?
— Pas question d’appeler les flics. Retrouvez ce qui nous a été dérobé et j’oublie tout.
Je remarquai à quel point il était blanc. Je m’approchai un peu plus de lui. Il recula, faisant couiner les roulettes de son fauteuil de bureau. Apeuré.
J’aperçus une large tache, gris-humide, entre son auguste derrière et son fauteuil fatigué. C’est moi qui avais été braqué, et c’est cet abruti qui s’était pissé dessus !
Je fis alors demi-tour.
Je n’étais qu’un caissier de rien du tout, tout petit, tout maigre, sans rien d’autre qu’un poisson rouge pour compagnon et qu’une télé pour horizon exotique.
Mais il m’avait énervé ce con... Alors je venais de prendre une décision. J’allais le lui rapporter, son fric. Quitte à braquer une autre banque.
Mais pas pour lui faire plaisir. Juste pour montrer que j’en avais une plus grosse que lui.
M’apprêtant à quitter les lieux, je lui lançai par-dessus mon épaule, méprisant :
— Suceur de mouettes !
Deux fois dans la journée, ça commençait à devenir jubilatoire.
III
Après avoir fait le trottoir pendant un petit quart d’heure, remontant la rue jusqu’en haut et la descendant, à l’inverse, jusqu’en bas, je me dis que j’étais vraiment barré. Des gens marchaient sous la grisaille d’octobre. Des voitures s’agaçaient dans les rues. Des commerçants garnissaient leurs tiroirs-caisses. La vie quoi.
Mais retrouver le fric ? Comment ? Où ? Le braqueur était entré dans la banque, visage penché en avant, casquette vissée sur le crâne, et tombant bas sur le front. Il m’avait tourné le dos un moment, le temps d’enfiler un bas sur le visage, puis s’était tourné d’un coup, nez écrasé par l’élasthanne, son bras magnifié par son pistolet menaçant. Comment était-il vêtu ? Aucune idée. Pas le moindre souvenir. J’avais juste la vision de cet œil noir et métallique qui se précipitait à l’assaut de mon front. C’est tout.
Quel imbécile !
Après ce quart d’heure passé à arpenter le bitume, je pris une décision. J’irais voir les flics. Moi tout seul. Merde. Après tout, je n’avais rien à me reprocher. Et peut-être que Petit-Chef aurait eu le temps de changer de futal. Finalement, je n’avais plus envie de jouer, là…
De plus, il commençait à pleuvioter. Et j’aime pas être mouillé. Tiens, faudrait que j’en parle à Petit-Chef. Enfin, moi je ne risquais qu’une tête humidifiée. Lui,