Sauvetages ordinaires
Par Philian Wipper
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEUR
Après une carrière de chercheur, Philian Wipper laisse libre cours à son imagination, en se documentant préalablement afin de garantir l’authenticité de ses récits. Ainsi, il poursuit son intérêt pour les situations ordinaires, veillant à ne pas laisser l’essentiel lui échapper. En 2023, il a également enrichi son répertoire littéraire en publiant deux autres nouvelles, "Les Cueilleurs d’eau" et "Promesse de Gascon", parues dans des recueils édités par JDH Éditions et Éditions Passiflore.
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Aperçu du livre
Sauvetages ordinaires - Philian Wipper
Georges
Alex quitte la chambre sans bruit. Il fait encore nuit. Quelques minutes plus tard, il arrive chez lui et s’équipe rapidement. Un bol de thé fumant, le reste dans la bouteille Thermos glissée dans le sac à dos. Il se force à manger une ou deux tartines de miel pour éviter une fringale tout à l’heure.
La dispute d’hier soir, toujours pour la même raison, ne passe pas. Il commence à en avoir assez. Cette maison perdue à retaper, il la recherche évidemment, sur Internet tous les jours ou presque. Et il ne rate aucune occasion d’en parler à qui pourrait les aider. Ce n’est pas de sa faute s’ils n’ont encore rien trouvé. Depuis longtemps les massifs sont écumés. Et la battue aux vieilles maisons est devenue un sport depuis le confinement. Ils ne sont pas seuls à explorer, évidemment. Mais ça, Claude ne veut pas le comprendre. Ce n’est pas parce que son travail l’amène à sillonner toutes les montagnes du Gapençais et au-delà, qu’il devrait trouver facilement. Pour Claude, si cela tarde c’est parce qu’au fond il ne veut pas vivre en couple. Cette nouvelle prise de bec l’a particulièrement agacé. Alors aujourd’hui, chacun de son côté. Rien de mieux pour calmer les esprits.
Pour une fois, il ne trouve aucun plaisir à faire cette route qu’il connaît par cœur. L’engueulade, évidemment, mais également la météo. Avec la pluie de cette semaine, la neige est un peu remontée et la vallée du Drac est dans la grisaille. Aujourd’hui il n’y aura pas grand-monde sur les skis. Il ne s’en plaint pas.
À la sortie de Corps, il tourne en direction du Lac du Sautet. La route descend en serpentant. Personne. Il passe rapidement le barrage et remonte pour retrouver la longue ligne droite en direction de La Posterle. Ensuite, la route se rétrécit et se faufile à flanc de forêt. De l’autre côté, le haut des falaises du Gigon est caché par les nuages. Le petit pont qui enjambe la Souloise apparaît. L’endroit est superbe, mais ce matin on ne voit rien. Les pleins phares balaient le bas des parois qui encadrent la gorge étroite. À la sortie du défilé, Saint-Didier. À cette heure, le hameau est sans vie. La portion de route qui suit a été refaite cet été, il est venu à vélo, c’était très roulant. Elle serait facilement avalée sans le brouillard qui se forme, mais là il est obligé de ralentir.
Il surveille la température extérieure qui s’affiche sur le tableau de bord. Elle baisse régulièrement, ce n’est pas bon signe. S’il fait trop froid, le brouillard sera épais et surtout tenace. Pour une randonnée à ski, ce n’est pas le mieux. Son oncle qui l’a initié à la peau de phoque l’a toujours prévenu du danger. Pourtant aguerri, il s’est lui-même fait piéger à plusieurs reprises. Non seulement le brouillard fait perdre l’orientation, mais surtout peut priver de tous repères. À ne plus rien voir, on ne parvient plus à se situer dans une pente. On ne sait même plus si on monte ou si on descend. Dans ce cas, il faut s’arrêter et attendre au milieu de nulle part. Mais ça, c’est contre notre instinct. Alors on prend le risque de poursuivre et de se perdre.
Enfin le col du Festre, les rares maisons, le foyer de ski de fond, évidemment fermé à cette heure et peut-être même pour la journée. Aucune voiture garée, pourtant il est huit heures un peu passées. Moteur coupé, au chaud, Alex attend quelques instants. Il fait moins six et un petit vent agite légèrement les arbres alentour. La couche de brouillard ne paraît pas très épaisse. De toute façon, le jour est en train de se lever et le soleil va parvenir à la dissiper. Il n’a aucune raison d’hésiter. Et si la météo ne s’améliore pas, il s’arrêtera au col de Darne. Un petit dénivelé, mais au moins il ne sera pas venu pour rien. En tout cas, il a besoin de bouger pour évacuer la dispute. En plus, avec le froid de la nuit la neige portera bien et les risques de coulées sont limités. Il n’y a pas eu de vent fort ces derniers jours, par conséquent, la possibilité de plaques qui pourraient casser est quasiment nulle.
Petit choc thermique en sortant de la voiture. Bonnet, anorak et gants aussitôt enfilés, Alex quitte ses bottes pour les chaussures de ski et les crochète le plus rapidement possible. Les skis avec les peaux de phoque déhoussés, bâtons et sac à dos sortis du coffre, il verrouille la voiture. Il adore ces moments. Tôt, en tenue de randonnée, contre le froid, un itinéraire en tête et personne autour. Il traverse la route et pose les skis sur la neige. C’est le point de départ habituel. Petits coups de bâtons, la neige est dure, c’est du béton. Les couteaux s’imposeront plus haut dans la pente. Pour l’instant, enclencher les fixations et partir au bon rythme. Pas trop vite avec ce froid, d’abord chauffer le corps, sentir peu à peu les gestes simples devenir fluides. Glisser, ne pas marcher.
Le brouillard joue avec le paysage. Il y a ce que l’on voit ou distingue, prés enneigés, bosquets, taches noires des pierres qui émergent des clapiers, et ce que l’on imagine. Être seul dans ces conditions est excitant, c’est un petit défi même si ce n’est pas la haute montagne. Alex part à l’aveugle, mais les sommets sont bien en place dans sa tête.
Grimper dans ces conditions exige de l’attention. Alex le sait, ce n’est pas la première fois. Décider de la direction et tenir le cap, rester concentré. Il se sent bien, à la fois plein de forces et la tête finalement disponible. Les skis glissent facilement, la visibilité d’environ cent ou cent cinquante mètres est suffisante. De nombreuses traces de skis et de raquettes facilitent la tâche, il suffit de les suivre. Pour le moment toutes se dirigent vers le col, c’est l’itinéraire classique.
En un quart d’heure, il arrive au pied du Chauvet. La petite combe l’attend. La neige tient bien, la descente sera excellente. Il est heureux, il avance. La pente est remontée sans difficulté. Il cherche la cabane d’alpage qui a été reconstruite. Elle devrait être à droite, mais il ne la voit pas encore. Ce n’est pas grave, il poursuit. Le toit apparaît enfin. Avec le brouillard ce n’est pas évident. Il cherche à mieux caler sa mémoire du lieu.
Passer par la cabane est important. C’est à ce niveau que l’on traverse, en la remontant, la pente plus raide qui débouche dans le vallon. De là, il reste à pousser jusqu’au col qui sépare le Chauvet à gauche et sur la droite la Tête du Jas des Arres. Une courte pause s’impose pour sortir les couteaux et les emboîter sur les fixations. La neige est très dure, ce serait idiot d’avoir besoin de déchausser en plein dévers pour les mettre. Il a chaud, il enlève l’anorak et le fourre dans le sac. Il en profite pour se soulager. Il remet le sac au dos et le redépose immédiatement. Il allait oublier de mettre en marche son Arva. Une fois l’appareil sorti de la poche du dessus, il le sangle autour du buste. Il est prêt et repart immédiatement pour ne pas refroidir.
Le brouillard est toujours aussi tenace, la visibilité se réduit même un peu. Il grimpe, les couteaux accrochent bien, mais leur crissement le prive du seul bruissement des skis. Son pas redevient fluide une fois dans le vallon, la pente ne l’oblige plus à se tenir sur les carres et à marquer chaque pas. Face à la pente, les skis bien à plat, il commence à remonter le fond de la combe qui va l’amener entre les deux versants. Avec les cales de montée, il prend une bonne inclinaison et avance en limitant le nombre de conversions. Tout va bien, mais si le brouillard se levait cela irait mieux. Le rythme lui convient, il poursuit sûr de lui.
À un moment cependant, les traces de skis qu’il suivait jusque-là disparaissent. Alex s’arrête pour scruter la neige. Plus rien. Un petit vent en début de nuit a dû les combler. Il va devoir se fier à sa mémoire. Le brouillard s’épaissit. Il continue, mais plus lentement. Au pire, mais vraiment au pire, il redescendra en suivant ses traces de montée. En prévision, il marque, à chaque pas, davantage la neige en enfonçant plus profondément les couteaux. Sans visibilité ça ne sera pas du grand ski, tant pis. Mais dans ces conditions également, il y a un plaisir à prendre.
Le col n’est toujours pas en vue, pourtant il ne doit plus être loin. Alex poursuit lentement, cherchant du regard le replat qui signale l’arrivée. Le col doit être juste au-dessus. Il continue, puis le cliquetis des couteaux s’arrête. Il est arrivé. La dernière traversée l’étonne. D’habitude, il débouche par la droite après avoir contourné une dernière bosse. Or cette fois, il est sorti par la gauche. C’est curieux mais sans importance. Il est au col, c’est ce qui compte.
Alex libère les skis et pose le sac. Pas question de prendre froid. Il ne sait pas si ses vêtements respirent comme le vantent les fabricants, lui, en tout cas, transpire énormément. Il enfile au plus vite l’anorak. Léger et très chaud. Claude le lui a offert à Noël. Il pense à leurs retrouvailles, tout à l’heure.
Bien protégé dans ses couches de vêtements, il ramollit une barre de céréales dans un gobelet de thé chaud et l’avale en deux grosses bouchées. Déjà dix heures. Le brouillard l’a beaucoup ralenti. Et la descente dans cette purée de pois ne sera pas des plus rapides. Il fera pour le mieux et enverra de toute façon un texto à Claude une fois à la voiture. Un autre gobelet avant de redescendre. Il lui en restera un peu une fois en bas.
Les couteaux enlevés, les peaux de phoques retirées et pliées, le tout rangé dans les poches en nylon, il fourre le matériel dans le sac à dos. En mettant les fixations en position de descente, il relève la tête pour estimer la visibilité. À cause du plafond bas et du peu de vent, un jour blanc l’a enveloppé. C’est le pire. Il ne s’en est même pas aperçu.
