La légende de Wawa

Par Isabelle Rioux

Cassandre quitte sa famille pour faire un voyage vers l'Ouest canadien. Celle-ci a peur de faire un choix pour son avenir et sa sœur est récemment décédée. Elle se retrouve dans le village de Wawa en faisant de l'auto-stop, mais elle semble incapable de partir de l'endroit malgré toute sa bonne volonté. La jeune fille adopte un chien, développe des amitiés et un amour naissant, mais elle ne se sent pas totalement à sa place. Est-ce qu'elle restera prise au piège à Wawa le Hitchhiker's Hellhole ?

• Langue: Français
• Éditeur: Isabelle Rioux
• Date de sortie: 27 sept. 2023
• ISBN: 9798223339229

Aperçu du livre

Table des Matières

La légende de Wawa

Chapitre 1

Une paire de chaussures autour du cou, le pouce en l’air, j’attends patiemment sur le bord de la route.

Le soleil chauffe ma peau déjà brunie, ma casquette de baseball ne me protège guère le visage de ses rayons brûlants. Malgré mon débardeur marine et mes culottes courtes de jeans, je souffre de la chaleur.

Les champs vastes, autour de moi, n’offrent aucune ombre.

Des gouttes de sueur perlent sur mon front et de grandes traînées humides apparaissent dans mon dos.

Le bitume n’arrange rien. Des insectes morts déshydratés s’y trouvent.

Je n’en peux plus de cette canicule incessante et je rêve d’une bouteille d’eau bien fraîche.

Mon désir d’aventure et moi avions quitté le domicile de mes parents il y a quelques jours. Je croyais naïvement que faire de l’auto-stop à travers le pays serait facile, mais j’ai appris la réalité à la dure.

Ce ne sont pas tous les automobilistes qui sont sympathiques et peu d’entre eux osent s’arrêter pour prendre une inconnue.

Le peu de gazon vert qui se trouve sous mes pieds nus offre une sensation agréable. Ma peau, malmenée par les heures de marche, souffre terriblement. Quelques cloques se sont formées sur mon talon et des plaques rouges témoignent de mon inconfort. Résultat : je n’avance plus d’un pouce depuis plusieurs heures déjà.

Je m’interroge sur les raisons de mon départ. Avais-je pris la bonne décision ? Je ne me sens pas prête à affronter les études collégiales tout de suite. Je n’ai aucune idée du domaine pour lequel je devrais opter. Je ne suis pas assez mature, je ne suis pas assez moi-même, je me trouve des défaites... Comment choisir son avenir quand on ne sait pas par où commencer ?

C’est sans parler de ma sœur. Je soupire.

— Enfin ! m’écrié-je lorsqu’un petit véhicule rouge s’arrête sur le bas-côté à quelques mètres de moi.

Prestement, je ramasse mon paquetage qui traîne sur le sol et m’élance vers la porte alors que chaque pas me fait grimacer. J’ouvre celle-ci rapidement, afin que l’automobiliste ne m’abandonne pas. Et je me laisse tomber dans le siège du passager.

— Bonjour ! Je m’appelle Marie. Où vas-tu ? me questionne une brunette dans la trentaine.

— Moi, c’est Cassandre. Je me dirige vers l’Ouest, aussi loin que tu pourras me conduire.

— D’accord, c’est parti !

Marie pèse sur l’accélérateur et reprend la route. Une musique pop en provenance d’une station locale sort la radio. La femme au volant a un sourire radieux et pour une des rares fois depuis que j’ai quitté ma demeure, je me considère en bonne compagnie. Peut-être que ma chance tourne enfin ?

— Nouvelles du jour : La canicule est toujours en cours dans la région ce qui cause des pertes dans les récoltes. La police recherche activement un homme...

Elle jette un regard vers mes pieds et grimace.

— Vérifie dans le coffre à gants, je crois qu’une trousse de premiers soins s’y trouve.

— Es-tu certaine que ça ne te dérange pas ?

— Aucun problème. Vas-y ! Tu en as besoin.

— Un accident sur l’autoroute a créé un embouteillage monstre qui force plusieurs...

Elle baisse le son de la radio alors que je m’empare du sac rouge. J’applique de la crème avec minutie et des bandages. Je frémis de soulagement. Après avoir terminé, je me risque à mettre mes bas et mes souliers. 

— Pourquoi vas-tu vers l’Ouest dis-moi ?

— J’aimerais aller voir les Rocheuses et me trouver un petit travail là-bas pour quelque temps. Des amis m’ont affirmé que le salaire est bon. J’avais besoin de changer d’air. Est-ce que tu comprends ?

— Oui, totalement. Tu sembles toute jeune, c’est normal de vouloir explorer le monde à ton âge. Peu de gens ont le courage de le faire par contre !

Nous badinons ainsi pendant plusieurs kilomètres. Marie est en voyage d’affaires dans la région. Elle a prévu de s’arrêter dans un petit village du nom de Wawa pour rencontrer le propriétaire d’une boutique locale afin d’offrir les produits qu’elle fabrique dans son entreprise.

— Je fais entre autres des desserts, des savons et j’ai même quelques employés pour m’aider !

— Vraiment ! C’est génial que tu puisses faire tout ça. Je ne suis pas habile de mes mains.

— Tu as sûrement plusieurs talents. Tu dois juste les découvrir. Quand j’étais adolescente, je n’arrivais pas à faire des pâtes sans les faire brûler. Est-ce que tu imagines cela ? Les amas gluants et noirs avec une odeur épouvantable. Je me suis exercée, c’est tout !

Je rigole avec elle comme si c’était ma meilleure amie. Elle est très expressive et son visage rempli de taches de rousseur s’illumine lorsqu’elle parle de son travail. J’ai l’impression, pour une fois, que quelqu’un me comprend. 

Les forêts