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L' Inde et ses avatars: Pluralité d'une puissance
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Livre électronique852 pages10 heures

L' Inde et ses avatars: Pluralité d'une puissance

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À propos de ce livre électronique

Terre paradoxale, multiple, à l’opposé de notre univers familier, l’Inde est largement perçue à travers les stéréotypes. On trouvera dans ce livre - le premier du genre en français - les repères essentiels pour comprendre un pays à la mesure d’un continent, dont les défis seront inévitablement les nôtres. Les auteurs exposent tour à tour les dimensions socioéconomiques, politiques et culturelles d’une Inde « globalisante » qui a marqué et marquera l’histoire tant par sa philosophie que par son économie vouée à la croissance. Globalisante aussi, car l’Inde ne se limite pas à ses frontières : sa diaspora et ses relations extérieures forgeront un monde bien différent dans les années à venir.
LangueFrançais
ÉditeurPresses de l'Université de Montréal
Date de sortie10 sept. 2013
ISBN9782760632103
L' Inde et ses avatars: Pluralité d'une puissance

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    Aperçu du livre

    L' Inde et ses avatars - Karine Bates

    Mise en page : Yolande Martel

    ePub : claudebergeron.com

    Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

    Vedette principale au titre :

    L’Inde et ses avatars : pluralités d’une puissance

    Comprend des références bibliographiques.

    ISBN 978-2-7606-3208-0

    1. Inde – Civilisation – 21e siècle.

    2. Inde – Politique et gouvernement – 21e siècle.

    3. Inde – Conditions économiques – 21e siècle.

    4. Inde – Conditions sociales – 21e siècle.

    I. Granger, Serge, 1964- . II. Bates, Karine, 1972- .

    III. Boisvert, Mathieu, 1963- . IV. Jaffrelot, Christophe.

    DS480.853.I523        2013 954.05’3        C2013-940982-3

    ISBN (papier) 978-2-7606-3208-0

    ISBN (pdf) 978-2-7606-3208-0

    ISBN (ePub) 978-2-7606-3210-3

    Dépôt légal : 3e trimestre 2013

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    © Les Presses de l’Université de Montréal, 2013

    Les Presses de l’Université de Montréal reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour leurs activités d’édition.

    Les Presses de l’Université de Montréal remercient de leur soutien financier le Conseil des Arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).

    IMPRIMÉ AU CANADA

    REMERCIEMENTS

    Nous tenons à remercier les différentes institutions et instances qui nous ont appuyés dans cet ambitieux projet de publication, notamment le Centre d’études et de recherches internationales et le Pôle de recherche sur l’Inde et l’Asie du Sud de l’Université de Montréal, de même que le Vice-rectorat – Recherche, création et innovation et la Faculté des arts et des sciences de l’Université de Montréal, le Vice-rectorat, la Faculté des lettres et sciences humaines et l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke, la Faculté de sciences humaines, le Centre d’études et de recherche sur l’Inde, l’Asie du Sud et sa diaspora, ainsi que le Département de sciences des religions de l’Université du Québec à Montréal. La contribution financière du ministère des Relations internationales, de la Francophonie et du Commerce extérieur du Québec est également à souligner. Nous remercions Explorateur Voyages et François Latulippe pour les photos, ainsi que Valentine Deglaire.

    I n t r o d u c t i o n

    Les autres Indiens, qui habitent à l’est de ceux-ci, sont nomades, et vivent de chair crue. On les appelle Padéens. Voici les lois qu’on leur attribue. Quiconque parmi eux tombe malade, si c’est un homme, ses plus proches parents et ses meilleurs amis le tuent, apportant pour raison que la maladie le ferait maigrir et que sa chair en serait moins bonne. Il a beau nier qu’il soit malade, ils l’égorgent impitoyablement, et se régalent de sa chair. Si c’est une femme, ses plus proches parentes la traitent de la même manière que les hommes agissent entre eux. Ils tuent ceux qui sont parvenus à un grand âge, et les mangent ; mais il s’en trouve peu, parce qu’ils ont grand soin de tuer tous ceux qui tombent malades[1].

    Déjà au

    V

    e siècle avant l’ère commune, l’Occident se faisait une image de l’Inde. Hérodote présente ainsi un pays bien différent de la Grèce de l’époque en décrivant certains habitants comme appartenant à des tribus itinérantes cannibales. Solinus, au

    III

    e siècle de notre ère, est tout aussi imaginatif dans sa présentation de l’Inde : un pays peuplé, entre autres, de gymnosophistes, d’ascètes de tout genre et de monstres farfelus avec des têtes de chien, ou bien des « hommes qui n’ont qu’une jambe, et qui pourtant sont fort agiles : quand ils veulent se protéger contre une chaleur trop vive, ils se couchent sur le dos et se donnent de l’ombre avec le pied, qu’ils ont énorme. Vers la source du Gange, il y a des hommes qui, pour se nourrir, n’ont besoin d’aucune ressource : ils ne vivent que de l’odeur des fruits de leurs forêts[2]. » L’Inde, cette contrée paradoxale, peuplée de sages et de monstres, est présentée aux antipodes – et littéralement avec ce monopode au pied tourné vers le haut ! – de l’Occident. Pensée ancienne, imaginaire archaïque, pourrait-on juger. L’Inde demeure trop souvent, pour nos yeux d’Occidentaux, un pays imaginé, paradoxal, se situant à l’opposé de notre univers « connu » : la vision que nous en avons oscille donc entre un pays de sagesse, de richesse « spirituelle », et un pays qui abonde en monstruosités – telles la pauvreté excessive, l’immolation des veuves et l’amputation de membres d’enfants pour faciliter le quémandage. Il est temps de se défaire de ces stéréotypes qui régissent notre perception d’une Inde figée pour envisager une Inde actuelle, qui façonne notre avenir.

    L’Inde, le deuxième pays du monde pour la population, laquelle atteint 1,2 milliard d’habitants, peut se vanter, malgré ce que les critiques peuvent en dire, d’être la plus grande démocratie actuelle. De plus, en dépit de divers facteurs socioéconomiques apportant des défis considérables aux femmes, ce pays a tout de même élu à plusieurs reprises une femme – Indira Gandhi – à la tête du pays. Le Canada, les États-Unis et la France ne peuvent se féliciter d’être aussi progressistes à cet égard ! L’Inde n’est plus un pays en émergence ; depuis la libéralisation économique en 1991, elle se transforme rapidement pour devenir une puissance incontournable sur la scène internationale.

    L’objectif de cet ouvrage consiste à faire le point sur l’Inde contemporaine, à fournir les outils nécessaires pour déconstruire l’image de l’Inde entretenue dans notre imaginaire depuis de nombreux siècles et à offrir une vision plus réaliste de ce pays. L’Inde est plurielle. Une vingtaine de chapitres ne suffit pas pour expliquer l’effet globalisant de l’Inde sur l’humanité. Mark Twain qualifiait l’Inde de mère de l’histoire et de grand-mère de la légende. Nous préférons lui attribuer le terme « globalisante » parce qu’elle a marqué et marquera l’histoire tant par sa dimension philosophique que par son économie vouée à la croissance. Globalisante, car l’Inde ne se limite pas à ses frontières. Sa diaspora et ses relations extérieures forgeront un monde bien différent dans vingt ans quand la population de l’Inde dépassera celle de la Chine.

    Il va sans dire que nous avons tenté de décrire cette puissance globalisante afin de mieux comprendre le monde de demain. En proposant un portrait actuel de l’Inde (partie I), il nous apparaissait important de souligner les caractéristiques sociopolitiques du pays afin de démontrer la complexité de la gouvernance sur un ensemble humain si vaste et diversifié. La culture de l’Inde (partie II) nous permet de croire que sa superposition culturelle au monde demeurera malgré les changements profonds des sociétés au

    XXI

    e siècle. La culture indienne, tant par son théâtre et ses films, sa littérature et sa philosophie, fera de plus en plus partie de nous. La puissance internationale de l’Inde (partie III) concerne directement ses voisins et sa diaspora qui continue incontestablement d’être active dans notre mondialisation.

    Depuis quelques années, la francophonie s’intéresse davantage à l’Inde par des colloques, des voyages d’affaires ou des échanges culturels. Le Pôle de recherche sur l’Inde et l’Asie du Sud du CERIUM (Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal) organise régulièrement une « école d’été » qui réunit plusieurs spécialistes de l’Inde – tous domaines confondus – où chacun anime une, deux ou trois sessions de trois heures offrant une vision de l’Inde contemporaine qui tient compte de ses différents aspects. Dans le cadre de nos rencontres avec nos collègues, le désir de rassembler en un seul volume les différents points de vue disciplinaires sur l’Inde est devenu impérieux. Nous avons donc réuni une dizaine de spécialistes afin d’offrir à un large public un ouvrage de synthèse en langue française qui pourra alimenter « les idées » que l’on se fait sur ce pays. Nous sommes convaincus que l’Inde agit comme une force globalisante dont l’intensité s’accentuera du fait de sa démographie, son économie émergente et ses besoins immenses.

    L’expression « Ma Bharata », la Mère Inde, fait référence à une Inde divinisée, élevée au rang de déesse. Le terme sanskrit Bharata est issu de la littérature védique et, par le fait même, intimement lié à la tradition hindoue. Bien que la généalogie mythique de l’Inde attribue l’origine des Indiens à un empereur du nom de Bharat, l’idée de cette « mère patrie », aussi paradoxale que soit l’expression, se développe davantage au

    XIX

    e siècle et est utilisée comme pierre angulaire par les mouvements nationalistes indiens afin de stimuler la ferveur populaire hindoue anticoloniale. Une fois l’indépendance du pays obtenue, cette même Ma Bharata devient le symbole par excellence, non pas d’une Inde laïque, comme le veut sa constitution actuelle, mais plutôt d’un pays fondamentalement hindou et, selon certains penseurs radicaux, dépourvu de tout « colonialisme religieux », à la différence de l’islam et du christianisme.

    Cette « Déesse Inde », cette grande « Ma-trice », si l’on joue avec les mots, s’incarne (avatara – littéralement, « traverser vers le bas »), tel Vishnu – ce dieu hindou dont la fonction est de préserver l’univers –, sous différentes formes selon les besoins du moment. C’est ce que nous avons voulu souligner en choisissant comme titre pour ce livre L’Inde et ses avatars : ce pays se manifeste sous différentes formes selon les besoins ou les attentes disciplinaires de l’observateur. Comme le soulignent plusieurs chapitres, l’Inde est multiple, elle se manifeste sous des aspects fort variés, selon les régions bien entendu, mais également selon la sphère qui est considérée : selon que notre regard se tourne vers l’éducation, l’économie, la politique ou la religion, une facette particulière du pays apparaît. Notre objectif n’est donc pas de présenter une Inde monolithique, mais bien de tenter de donner une image globale de ce pays complexe. Objectif impossible, inéluctablement voué à l’échec en raison, d’une part, de la multiplicité même de l’objet étudié, et d’autre part, du caractère « vivant » de cette Ma Bharata. L’Inde est une culture ou plutôt une mosaïque de cultures, de cultures vivantes dont le propre est justement le dynamisme, le mouvement, la transformation.

    Tout de même, nous fixons ici sur papier une vision de l’Inde, vision qui devient automatiquement figée et que le lecteur se doit de remettre immédiatement dans son contexte : toute culture est vivante et, inéluctablement, se transforme. Impossible de décrire l’Inde en détail dans un seul livre, si volumineux soit-il. L’Inde est aussi multiple que les individus qui la composent, qui l’ont composée… Cependant, nous traçons ici des frontières, nous établissons certaines balises. Nous offrons au lecteur une vision du pays se déclinant en 21 chapitres – ou avatara – qui, nous l’espérons, lui permettront de se forger une image du pays – plus complète mais toujours limitée – qui aille bien au-delà de l’imaginaire occidental que nous évoquions plus haut.

    C H A P I T R E 1

    Les grandes tendances sociales

    Christophe Jaffrelot

    D’après un cliché tenace, l’Inde serait une «   terre-de-contrastes   ». Ce stéréotype doit beaucoup à la méconnaissance du pays, mais il recèle une bonne part de vérité que l’on retrouve d’ailleurs dans la devise officielle de l’Inde   : L’unité dans la diversité .

    L’Inde est plurielle. Sa masse continentale (3,9 millions de km²) et sa démographie (1,2 milliard d’habitants) y contribuent, bien sûr, mais son voisin chinois, qui soutient la comparaison en ce qui concerne la superficie et la population, est bien plus homogène. L’Inde est d’une diversité atypique.

    Ce pays est d’abord la terre de toutes les religions. Certes, l’hindouisme représente 80 % de la population totale, mais, outre que le milieu hindou est divisé en de nombreux courants sectaires, il laisse plus de 250 millions d’âmes à d’autres cultes. L’islam, d’abord, est une grande religion de l’Inde, non seulement parce que les musulmans, avec près de 170 millions de croyants, font quasiment de l’Union indienne le deuxième pays musulman du monde, derrière l’Indonésie, à égalité avec le Pakistan et le Bangladesh, mais en outre parce que le sédiment islamique a marqué l’histoire indienne, comme en témoignent les monuments hérités de l’Empire moghol et les miniatures persanes – sans parler du syncrétisme observable en matière de musique et de cuisine.

    Les chrétiens, s’ils ne forment que 2 % de la population, constituent une minorité très appréciable aussi. D’une part, ils se disent « fils du sol » du seul fait que saint Thomas a évangélisé le pays avant d’y mourir et d’y être enterré en 52. D’autre part, même s’ils ne sont que 25 millions, ils jouent un rôle important dans le domaine de l’éducation et des soins (comme en témoigne l’œuvre de Mère Teresa), et en matière théologique (tant en Inde qu’à l’étranger, comme le montrent les répercussions de ses théoriciens de l’inculturation, notamment en milieu jésuite). Les sikhs représentent 2 % de la population indienne, mais leur poids social, politique, économique et culturel est également sans commune mesure avec ce faible pourcentage : ils sont toujours surreprésentés au sein de l’armée du fait, notamment, du statut de martiale race que les Britanniques leur avaient reconnu et aussi à cause de leur ardeur au travail à l’origine du formidable essor économique (agricole et industriel) du Punjab, le seul État où les sikhs sont majoritaires. Viennent ensuite des communautés qui ne représentent pas plus d’un point de pourcentage, mais qu’on aurait tort de prendre pour quantité négligeable. Le bouddhisme est né en Inde et s’il a été évincé du pays dès l’époque médiévale, il appartient au patrimoine national au point d’apparaître sur le drapeau indien dans la roue du Dharma qui en orne le centre (les bandes ocre, blanche et verte renvoyant, elles, chacune à l’une des religions évoquées plus haut).

    Le zoroastrisme compte moins d’adeptes encore que le bouddhisme – surtout depuis l’installation du Dalaï Lama en Inde en 1959 et la conversion de milliers d’intouchables depuis 1956 – puisque ses disciples, les Parsis, ne sont plus qu’une soixantaine de milliers. Mais cette poignée d’hommes pèse lourd dans l’économie indienne étant donné la présence de firmes familiales très anciennes comme les Godrej, les Wadia et surtout les Tata. Les juifs sont moins nombreux encore depuis le départ en Israël de milliers d’Indiens après la création de l’État hébreu. Mais New Delhi peut se targuer du fait que le pays n’a jamais connu l’antisémitisme – le pays met d’ailleurs volontiers en avant la synagogue de Cochin datant du

    XIV

    e siècle pour l’attester.

    De fait, l’incroyable efflorescence religieuse que nous venons d’exposer (et qui ne serait complète que si on y ajoutait le jaïnisme, les formes d’animisme que cultivent les aborigènes et les sous-ensembles musulmans formés par les chi’ites, les ismaéliens, etc.) a donné lieu à une coexistence relativement pacifique. Il ne faut, bien sûr, pas sous-estimer les conflits qui ont opposé les hindous et les musulmans (débouchant même sur la Partition en 1947 et un véritable pogrome au Gujarat en 2002). Mais sans oublier les violences récurrentes dont les musulmans sont encore aujourd’hui victimes, il faut reconnaître à l’Inde un succès méritoire dans ses efforts pour transcender le pluralisme religieux au nom d’un principe d’unité qui s’incarne dans l’idée de sécularisme, un « isme » qui n’est pas la laïcité à la française, car il n’est pas ici question de séparation de l’État et d’une ou plusieurs Églises, mais bien plutôt d’une égale bienveillance manifestée par le pouvoir à l’égard des différentes communautés religieuses.

    Le raisonnement qu’on applique au fait religieux vaut pour la question linguistique. Là aussi, l’Inde se singularise par une extrême diversité. Certes, les grammairiens ont distingué, depuis le

    XVIII

    e siècle, deux familles de langue seulement, l’indo-européenne au Nord et la dravidienne au Sud. Mais cette simplification est trompeuse. Au sein de la famille dravidienne, on distingue en effet au moins quatre grandes langues régionales : le tamoul au Tamil Nadu, le malayalam au Kerala, le télougou en Andhra Pradesh et le kannada au Karnataka. La famille indo-européenne, elle, compte encore davantage de membres : certes le hindi domine l’ensemble, puisque cette langue du Nord représente jusqu’à 40 % du total, mais certaines autres langues de cette famille comptent autant de locuteurs que certains idiomes parlés en Europe : le gujarati, le marathi, le bengali, le punjabi, etc., sont autant d’exemples pertinents.

    Au total, l’Inde compte 23 langues officielles reconnues par la Constitution. Toute la production de la bureaucratie nationale doit emprunter l’ensemble de ces idiomes de façon simultanée. L’article 30 de la Constitution permet d’ailleurs aux écoles des minorités linguistiques de solliciter des subventions publiques. Cette diversité linguistique s’est trouvée réduite par suite de la reconnaissance fort pragmatique d’un idiome commun dans l’anglais qui a été déclaré langue officielle associée après l’indépendance. Il faut là aussi se garder de tout irénisme, car cette décision n’a pas été prise sans mal. Le Nord hindiphone n’en voulait pas, mais le Sud a opposé une telle résistance au hindi que Nehru a pu imposer l’anglais comme langue officielle associée aux côtés du hindi, langue nationale, en guise de compromis. Aujourd’hui, même les nationalistes hindous partisans du « tout hindi » recourent à l’anglais, la langue qui permet à l’élite indienne de communiquer sans problème aux quatre coins du pays. Grosso modo, l’Inde compte aujourd’hui 80 millions d’anglophones, un chiffre qui en fait le deuxième pays anglophone du monde (derrière les États-Unis) et qui correspond à peu près à celui des abonnés à Internet. Au-delà de l’élite, la classe moyenne – même dans ses couches inférieures – se met à la langue de Shakespeare, comme en témoigne le succès des écoles English medium. Mais, dans le même temps, le hindi progresse du fait de la lente expansion de l’enseignement secondaire où il est obligatoire, et de l’essor des médias – et d’abord du cinéma dont le hindi est l’idiome de prédilection. Du coup, il n’est pas rare qu’un Indien instruit maîtrise trois langues : celle de sa région – sa langue maternelle –, le hindi et l’anglais. Ce pluralisme linguistique se retrouve dans le florilège des littératures de l’Inde, puisque, à côté de la littérature indo-anglaise qui conquiert chaque année de nouveaux lecteurs en Occident, il y en existe d’autres, en langues vernaculaires, qui sont tout aussi vivantes.

    Le contraste Nord/Sud

    De toutes les lignes de clivage géographique qui parcourent l’Inde, celle qui oppose le Nord au Sud est sans doute la plus significative, parce qu’elle est liée à plusieurs critères culturels, sociaux et économiques.

    Le monde dravidien, un monde à part

    Sur le plan culturel, le Sud se définit d’abord comme l’espace linguistique où rayonnent quatre langues de la famille dravidienne, le tamoul, le kannada, le malayalam et le télougou. Idiomes de communication, ces langues ont aussi donné naissance à une riche littérature dont la plus ancienne et la plus sophistiquée est sans aucun doute celles des Tamouls, qui témoigent d’un patriotisme littéraire presque aussi ardent que celui des Bengalis ! Sur le plan architectural et même urbanistique, le Sud contraste naturellement avec le Nord par la magnificence de ses temples – véritables villes dans les villes – car ils ont survécu aux invasions musulmanes. Le Sud apparaît d’ailleurs comme un conservatoire de l’hindouisme, ce qu’illustre aussi la vitalité de ses écoles de danse classique, de chant et de musique.

    En même temps, c’est sans doute la partie du pays où la présence de la civilisation hindoue a été contestée le plus tôt. En effet, s’inspirant des découvertes de linguistes européens, des leaders de basse caste du Sud dravidien ont dénoncé la domination des brahmanes, en prétendant que ces derniers étaient les descendants des Indo-Européens qui avaient envahi l’Inde à l’époque antique, alors qu’eux-mêmes étaient les fils du sol. Ce nationalisme pétri de résistance sociale, de fierté culturelle et linguistique a donné lieu à des mouvements politiques qui ont pris le pouvoir dans la province de Madras (Chennai), dès les années 1920. Les partis politiques qui s’en réclament sont, aujourd’hui encore, au pouvoir au Tamil Nadu, l’État où ce culte du dravidianisme est le plus solide. Il s’y est notamment manifesté dans un cinéma plus vivant dans le Sud et qui, du fait de sa popularité, a conduit bien des acteurs à passer à la politique.

    L’essor socioéconomique du Sud

    Il est aujourd’hui possible de tracer une ligne passant du Punjab à l’Andhra Pradesh pour couper l’Inde en deux : au sud-ouest se trouve « l’Inde qui brille », tandis qu’au nord-est correspond « l’autre Inde ». Le revenu par tête mensuel dépasse 22 000 roupies dans la première, alors qu’il se situe au-dessous dans la seconde – les seuls États échappant à cette règle sont le Rajasthan, qui, bien qu’à l’ouest, appartient à « l’autre Inde » ainsi que deux États du Nord-Est – le Bengale occidental et le Tripura –, qui sont à rattacher à la première Inde, malgré leur position géographique. Une autre façon d’analyser le fossé séparant l’Inde du Nord et de l’Est de l’Inde du Sud et de l’Ouest consiste à mesurer la part de la population vivant sous le seuil de la pauvreté. On retrouve la même géographie à quelques détails près. Les seules exceptions sont l’Assam qui, bien qu’à l’est, jouit d’un niveau supérieur à la moyenne, et le Maharashtra, qui fait partie de « l’autre Inde » tout en se situant à l’ouest. Le Bengale occidental se situe quant à lui à peine au-dessus de la moyenne nationale.

    En 2001 – date du dernier recensement dont les chiffres sont disponibles –, 71,65 % des pauvres de l’Inde se concentraient dans seulement six États : l’Uttar Pradesh (qui comptait 17 % des pauvres de l’Inde), le Bihar (10,69 %), le Maharashtra (9,42 %), le Madhya Pradesh (7,91 %), le Bengale occidental (7,81 %) et l’Orissa (3,57 %) – aucun d’entre eux n’appartient au Sud où l’on observe au contraire des indicateurs sociodémographiques supérieurs à la moyenne, par exemple.

    L’Inde du Sud a réalisé sa transition démographique, avec des taux de croissance de la population allant de 0,9 à 1,7 % par an selon les États, pour une moyenne nationale de 2,15 % pour la décennie 1991-2001. Les filles y sont moins victimes qu’ailleurs de la préférence masculine, comme en témoigne le sex-ratio d’après le recensement de 2001 : les États du Sud comptent entre 965 et 1 058 filles et femmes pour 1 000 garçons et hommes, alors que la moyenne indienne est de 933 pour 1 000. Si l’on excepte l’Andhra Pradesh – un peu à la traîne –, les taux d’alphabétisation du Sud varient entre 66,6 % et 90,9 %, pour une moyenne nationale atteignant 64,8 % en 2001.

    La classe moyenne

    La montée en puissance de la classe moyenne est à l’origine de nouveaux modes de consommation, et de lieux et styles de vie inédits : shopping malls, galeries d’art, mode, sport, magazines (apparition des adolescents et de leurs problèmes jusqu’alors peu débattus). Cette classe moyenne, fruit de la croissance des années 1990-2010, est sans doute le phénomène social le plus marquant des dernières années.

    Définir la classe moyenne en Inde n’est pas aussi facile qu’en Europe ou en Amérique du Nord, d’abord parce que tout le monde veut en être et déclare appartenir à cette prestigieuse catégorie sociale, y compris les travailleurs manuels dès lors qu’ils sont salariés. Dans un pays où une proportion de 90 % de la population active travaille dans le secteur informel, jouir d’un emploi stable procure en effet un statut d’exception.

    Le meilleur institut de sciences sociales de l’Inde, le Centre for the Study of Developing Societies, à Delhi, considère comme membres de la classe moyenne les personnes qui se disent telles et qui possèdent deux des quatre caractéristiques suivantes : une fréquentation du système d’éducation pendant dix ans au moins ; la possession d’au moins trois de ces quatre objets : un véhicule à moteur, un poste de télévision, une pompe électrique et une terre non agricole ; une maison construite en dur (en brique ou en ciment) ; un emploi de col blanc. Sur la base de ces critères, le CSDS évalue que la classe moyenne représente 20 % de la population indienne.

    Un autre institut indien, le NCAER, répartit quant à lui les 200 millions de foyers indiens en cinq catégories dans une estimation concernant les années 2006-2007 : 5 millions d’entre eux gagnaient 13 000 dollars (9 700 euros) par an (soit 62 000 dollars ou 46 600 euros en parité de pouvoir d’achat), 75 millions gagnaient 7 700 dollars ou 5 800 euros (soit 37 500 dollars ou 28 100 euros en PPA), 82 millions gagnaient 2 000 dollars ou 1 500 euros (soit 9 600 dollars ou 7 200 euros en PPA), 45 millions gagnaient 1 130 dollars ou 850 euros (soit 5 300 dollars ou 4 000 euros en PPA) et 33 millions gagnaient 920 dollars ou 720 euros (soit 4 650 dollars ou 3 500 euros en PPA). Parmi les très riches Indiens, on compte un nombre croissant de milliardaires en dollars puisque l’Inde est devenue le pays d’Asie qui en abritait le plus grand nombre, soit 36, contre 24 au Japon en 2006, et 55 en 2011, selon Forbes.

    Ceux que l’on inclut dans la classe moyenne appartiennent aux deux premières catégories identifiées par le NCEAR. Si leurs modes de vie sont nécessairement différents, étant donné leurs revenus très contrastés, ils partagent grosso modo les mêmes valeurs et les mêmes goûts.

    Un système de valeurs à cheval sur deux cultures

    La classe moyenne indienne est une catégorie sociale en transition : elle aspire à la modernité, mais reste attachée aux traditions, d’autant plus qu’elle y trouve des sources de fierté nationaliste. C’est ainsi qu’il faut comprendre la persistance de valeurs familiales fort anciennes. La jeune mariée indienne, même si elle est issue d’un milieu éduqué et financièrement à l’aise, va vivre sous le toit de ses beaux-parents avec son mari. Le mariage lui-même n’est pas une décision individuelle, mais est généralement arrangé par les parents qui cherchent le bon parti au sein de leur caste. Certes, les futurs époux peuvent refuser les propositions qui leur sont faites, mais seulement dans une certaine limite – temporelle en particulier. Il existe en outre un véritable marché matrimonial où la dot, institution des plus vivaces, joue un rôle important. Le cas du mariage témoigne mieux que tout autre des réticences de la classe moyenne à l’égard des valeurs individualistes.

    Parallèlement, néanmoins, ce groupe cultive une valeur phare de l’individualisme : la méritocratie. En écho à l’accent traditionnellement mis sur l’étude par les brahmanes, l’élite indienne a toujours placé l’éducation au sommet de ses priorités. Combien de familles se saignent aux quatre veines pour financer les cours de tutorat (coaching classes) de leurs enfants ? Et combien d’enfants se lèvent à l’aube pour réviser leurs leçons avant la classe ? La classe moyenne croit dans les vertus du travail qui permet l’ascension sociale, non seulement par l’éducation mais aussi par une carrière professionnelle dans le secteur public ou – mieux encore – dans une entreprise privée. Son attachement pour le mérite individuel va directement à l’encontre des politiques de discrimination positive mises en œuvre par le gouvernement indien pour venir en aide au plus démunis (voir plus loin).

    Une frénésie de consommation à l’occidentale ?

    Les critères du CSDS mentionnés plus haut suffisent à montrer qu’appartenir à la classe moyenne, c’est aussi, et peut-être surtout, consommer. Cette caractéristique revêt une valeur particulière en Inde étant donné l’immense pauvreté dans lequel vit encore le pays et les décennies passées au cours desquelles les magasins n’étaient ni bien nombreux ni bien achalandés. Pendant la décennie 2000-2010, l’Inde a connu un taux de croissance annuel de 7 %. Le taux de croissance du secteur des services, et même, certaines années, celui de l’industrie a atteint plus de 10 %. Les salaires de la classe moyenne augmentaient au minimum de 15 % par an et battaient à l’occasion des records, un ingénieur informaticien de Bangalore ayant un revenu parfois trois fois supérieur à celui de son père, pourtant haut fonctionnaire ou officier dans l’armée. La crise financière de 2008 a été plutôt bien digérée par l’Inde, mais le marasme européen et nord-américain a changé la donne, tirant le taux de croissance indien vers le bas, en raison de sa dépendance vis-à-vis des marchés occidentaux.

    Les goûts de la classe moyenne, contrairement aux apparences, sont tout aussi complexes que leur système de valeurs. À première vue, la mode occidentale tient le haut du pavé, tant sur le plan alimentaire (voir l’essor des fast-foods) que vestimentaire (Nike chausse tout le monde en Inde !). Les grands magasins, qui poussent comme des champignons dans toutes les grandes villes, reproduisent le modèle occidental du shopping mall. Des familles indiennes y passent volontiers leurs week-ends en combinant les achats, la restauration (plutôt rapide) et des séances de cinéma sur place. Mais, là encore, il importe de tenir compte du nationalisme culturel de la classe moyenne. Tout d’abord, la mode occidentale séduit beaucoup moins les femmes, gardiennes des traditions, qui continuent de s’habiller à l’indienne (saris pour les sorties et kurta/pyjama en temps ordinaire) et de défendre les produits traditionnels. Sur le plan alimentaire, ce conservatisme – qui n’est pas seulement le fait des femmes – se traduit notamment par un solide attachement au régime végétarien (McDonald’s a d’ailleurs dû inventer le hamburger végétarien) et la persistance d’interdits alimentaires concernant tant la viande de bœuf que celle de porc.

    Les loisirs illustrent le même phénomène de métissage culturel. Les hindi films du cinéma de Bollywood, par exemple, incorporent des traits hollywoodiens – d’où son nom –, comme le caractère de plus en plus musculeux des héros à la Rambo, mais l’intrigue – souvent centrée sur la famille – et la scénographie – à commencer par les séances de danse – sont typiquement indiennes.

    Les basses castes

    L’essor des basses castes est, avec la montée en puissance de la classe moyenne, le phénomène social marquant de la dernière décennie. Le système des castes est consubstantiel à l’hindouisme, même s’il va au-delà, et concerne aussi les musulmans et les chrétiens. On en trouve la trace la plus ancienne dans le premier des Veda – les textes pionniers de la littérature sanskrite – qui date d’environ 2000 av. J.-C. L’une des strophes de ce livre – le Ṛig Veda 90-X – relate un mythe d’origine, récit cosmogonique où l’on apprend que le monde est issu du démembrement sacrificiel d’un homme primordial – le Virata Purusa – dont la bouche a donné naissance aux brahmanes, les bras aux kshatriyas, les mains aux vaisyas et les pieds aux shudras. Au commencement fut donc le groupe – et non pas l’individu de la genèse judéo-chrétienne où Ève sort de la côte d’Adam, et l’humanité entière de ce couple.

    La quadripartition de la société dont témoigne le Ṛig Veda est hiérarchique : la bouche est naturellement supérieure aux pieds, d’autant qu’au-dessous des shudras prend place un autre groupe apparu dès l’Antiquité, celui des intouchables (appelés aujourd’hui ex-intouchables ou dalits). L’intouchabilité ayant été abolie dans la Constitution indienne, il n’est plus possible de désigner une personne ou un groupe comme des intouchables ou de leur faire subir une discrimination pour des raisons qui tiennet à l’existence des castes. Lorsque l’on parle d’ex-intouchables ou de dalits, on fait donc référence aux castes qui étaient auparavant considérées comme des intouchables (ou dalits), dont l’origine a fait l’objet d’innombrables hypothèses. Le nom même de cette cinquième catégorie reflète un principe cardinal de la hiérarchie des varna, le rapport au pur et à l’impur. Le brahmane incarne la pureté par excellence, tandis que l’intouchable suscite la répulsion, son contact étant polluant. Entre les deux, on observe tout un dégradé marqué par deux seuils : brahmanes, kshatriyas et vaisyas forment un ensemble supérieur, celui des « deux fois nés », les enfants mâles de ces varna recevant un nouveau nom à l’âge de six ans, lors du rituel de l’upanayana ; les shudras sont clairement inférieurs, mais bien au-dessus des intouchables. Dans un village indien, cette segmentation sociale se traduit traditionnellement par une séparation des espaces, chaque caste habitant un quartier distinct, les intouchables étant même parfois relégués dans un hameau à part.

    Au critère du pur et de l’impur s’ajoute, pour définir la caste, la fonction socioéconomique, qui va, bien sûr, de pair avec le statut. Le brahmane se spécialise ici dans le travail de l’esprit, qu’il soit prêtre servant au temple – ce qui n’est pas le plus prestigieux, loin de là – ou agent de l’État (du haut fonctionnaire au Premier ministre, les brahmanes ont quasiment monopolisé la fonction publique supérieure dans les royaumes hindous pendant des siècles). Le kshatriya, lui, est le guerrier par excellence. Il a pour charge de défendre la société et de conquérir des territoires l’arme au poing. Le roi est appelé à venir des rangs des kshatriyas et à s’appuyer sur des lieutenants de sa varna, tel un primus inter pares. Les descendants des uns et des autres – maharajahs ou simples hobereaux de village – géraient les fiefs ainsi acquis en notables régionaux ou locaux, puis en propriétaires fonciers à l’époque où les Britanniques ont introduit la propriété privée de la terre. Les vaisyas, à l’origine, étaient des artisans et des commerçants. Avec le temps, la première fonction est passée aux shudras et ils n’ont gardé que la seconde. D’abord marchands et usuriers, ils ont la capacité de manier l’argent sans faire preuve d’aucune inhibition, voire de l’amasser. L’entrée de l’Inde dans l’ère capitaliste après la colonisation fit passer bien des vaisyas dans le monde de l’industrie, et aujourd’hui encore, une bonne partie des entreprises cotées à la bourse de Mumbai est aux mains de membres de cette varna (à laquelle appartient d’ailleurs Laxmi Mittal, pour ne citer qu’un exemple). Les shudras sont donc des artisans – du forgeron au joaillier en passant par le tisserand –, mais plus encore des cultivateurs et des éleveurs. C’est la varna dont le poids démographique est de loin le plus important. Les shudras, qui possèdent le plus de terres et sont les plus nombreux, forment une caste dominante qui peut, de fait, exercer le pouvoir local. Quant aux intouchables, leurs fonctions économiques sont naturellement en accord avec leur statut. Les tâches les plus viles leur reviennent, à commencer par le tannage et la cordonnerie, le travail du cuir étant particulièrement stigmatisé dans la société hindoue où la vache est l’animal sacré par excellence.

    Au critère pur et impur, et aux fonctions socioéconomiques s’ajoute un troisième et dernier principe structurant, l’endogamie, qui complète logiquement le dispositif, puisque le mélange des castes est à éviter si on veut maintenir le système. Le périmètre de l’endogamie définit d’ailleurs la varna au sens strict du terme. En fait, brahmanes, kshatriyas, vaisyas et shudras sont présentés comme des castes par abus de langage : ce sont des varna (couleurs) ; la vraie caste, c’est l’unité endogame, la jati, un mot d’ailleurs dérivé du verbe jana, « naître ». En ce qui concerne les brahmanes, pour prendre un exemple entre cent (et même plus !), on distingue la caste ayant la connaissance des quatre Veda, les chaturvedi, qui se marient entre eux et ont un statut supérieur aux trivedi (trois Veda), lesquels jouissent de plus de prestige que les dwivedi (deux Veda). Les unions matrimoniales ont longtemps été l’affaire des parents qui faisaient généralement convoler leurs enfants en justes noces lorsque ceux-ci étaient encore très jeunes – en tenant compte de leurs thèmes astraux. Aujourd’hui encore, l’endogamie reste la règle dans les villages et, dans une moindre mesure, à la ville, sauf parmi une petite élite cosmopolite.

    De la sanskritisation à l’idéal égalitaire

    La société des varna crée un système – d’où l’idée d’un système de castes – parce que les valeurs dominantes, brahmaniques, sont perçues comme fournissant des références universelles. D’où la diffusion des mécanismes de sanskritisation, une pratique sociale que l’anthropologue indien M. N. Srinivas a définie comme « le processus par lequel un hindou de basse caste, un aborigène ou le membre de tout autre groupe change ses coutumes, son idéologie et son mode de vie pour imiter des castes supérieures – et souvent deux fois nées, c’est-à-dire des brahmanes, des kshatriyas ou même des vaisyas[1] ». Des membres de la basse caste adoptent, par exemple, les traits les plus prestigieux du régime alimentaire des brahmanes et deviennent végétariens. Un tel processus reflète une forme de cohérence sociale étant donné que tous les groupes considèrent les valeurs des hautes castes – et particulièrement du brahmane – comme les seules légitimes. Mais cohérence ne veut pas dire cohésion. En fait, la sanskritisation témoigne en elle-même de l’aspiration des basses castes à une forme d’ascension sociale.

    Celle-ci ne fut toutefois vraiment possible qu’à partir de l’époque coloniale, sous l’effet conjugué des valeurs individualistes et d’une politique originale de discrimination positive. Les écoles missionnaires furent, dès le

    XIX

    e siècle, le premier canal par lequel les valeurs d’égalité et de liberté atteignirent la société indienne. Des hommes de haute caste virent alors la nécessité de moderniser leur société – comme Gandhi et plus encore Nehru, qui fut le premier Premier ministre de l’Inde indépendante et un contingent moins nombreux de membres des basses castes firent preuve d’un zèle réformateur, voire révolutionnaire, comme Periyar au Tamil Nadu ou Phule et Ambedkar – le premier leader des intouchables, qu’il préférait appeler les dalits (les hommes brisés) – dans l’État du Maharashtra.

    La réforme sociale devint la politique officielle de la République indienne au lendemain de la proclamation de l’indépendance en 1947. L’intouchabilité fut abolie et toute discrimination fondée sur l’appartenance à une caste punie par la loi. Cette égalité formelle n’empêcha toutefois pas la ségrégation de se poursuivre, souvent de façon non dissimulée, la loi sur l’accès aux temples des intouchables n’étant guère respectée, par exemple. Les choses ne changèrent vraiment qu’à la suite de la ferme mise en application d’une politique de discrimination positive, dès l’époque coloniale.

    Le salut par la discrimination positive

    Les Britanniques mirent en place, dès la fin du

    XIX

    e siècle, un dispositif de discrimination positive visant à favoriser l’éducation des intouchables. En 1892, ils établirent des écoles réservées à ces derniers dans la province de Madras (Chennai), l’accès aux écoles publiques leur étant difficile en raison aussi de l’attitude des maîtres et des parents des élèves. Une politique de bourses se mit peu à peu en place. Les intouchables furent alors rebaptisés depressed classes et comme ceux qui étaient diplômés ne parvenaient pas à trouver un emploi, les Britanniques allèrent plus loin en introduisant des quotas d’embauche dans la fonction publique. En 1934, 8,5 % des postes vacants de la fonction publique leur furent attribués. Ce taux fut porté à 12,5 % en 1946. Enfin, les Britanniques réservèrent aussi des sièges dans les assemblées élues aux scheduled castes (castes répertoriées), autre euphémisme bureaucratique utilisé à partir de 1935. Ce dispositif qui favorisait les dalits – le nom que les intéressés préfèrent se donner en général – fut maintenu dans la Constitution adoptée en 1950, ainsi que le principe de proportionnalité. L’État porta le pourcentage des places qui leur étaient garanties à l’université, celui de leur quota de postes dans la fonction publique et celui de leurs sièges réservés à 15 %, chiffre correspondant au poids démographique des scheduled castes selon le recensement de 1951 – ces castes étant les seules à être désormais recensées tous les dix ans pour ajuster le niveau des quotas.

    La politique de discrimination positive en faveur des intouchables a tardé à produire ses effets en raison du retard accumulé par cette partie de la population et de la réticence des autorités à respecter les quotas, notamment dans la fonction publique. Mais, depuis les années 1980, les quotas sont respectés à tous les niveaux et le système s’est perfectionné en prenant aussi en compte les promotions. Du coup, cette politique a donné naissance à une petite élite d’où sont sortis de véritables leaders dalits, qui ont créé des associations et des partis politiques. La formation de cette élite n’est cependant pas uniquement due à la discrimination positive. Le mouvement de transformation sociale lancé dès les années 1920 par Bhimrao Ramji Ambedkar a également porté ses fruits. En effet, Ambedkar a exhorté – avec un certain succès – ses frères de caste à s’instruire, puis à se convertir au bouddhisme, une religion qui a donné aux dalits une identité de rechange, hors du système des castes.

    Pour que les quotas continuent à favoriser l’ascension des dalits, il faudra toutefois résoudre trois problèmes. Premièrement, les intéressés souhaitent voir étendre cette politique au secteur privé qui croît aujourd’hui à un rythme beaucoup plus rapide que celui du secteur public. Or, le monde de l’entreprise se montre très réservé, il fait valoir que le mérite doit rester le seul critère de sélection des salariés. Deuxièmement, les élites dalits se révèlent parfois faciles à recruter par l’establishment, qui peut donc acheter leur docilité en leur offrant de véritables sinécures à la tête d’administrations publiques ou d’universités. Troisièmement, les enfants de dalits ayant déjà bénéficié de mesures de discrimination positive tendent à monopoliser les quotas à l’université et dans la fonction publique aux dépens des autres jeunes dalits : en effet, étant donné l’environnement familial privilégié dans lequel ils ont grandi, les rejetons de l’élite née à la suite de l’adoption des quotas remportent aisément les concours qui les opposent à des concurrents moins favorisés. Certains observateurs pensent qu’il faudrait exclure de l’accès aux quotas les dalits ayant des parents qui ont bénéficié de ces derniers dans le passé. Mais alors les candidats qualifiés risquent de manquer, et on peut craindre que des fils de l’élite intouchable – tout éduqués qu’ils soient – fasse l’objet d’une discrimination.

    Les basses castes au pouvoir

    Si la politique des quotas a été mise en œuvre sans grande difficulté pour les dalits, il n’en est pas allé de même pour la caste des shudras, située juste au-dessus d’eux. Lorsqu’ils ont vu les intouchables s’élever grâce à cette politique, les shudras ont réclamé le même genre d’avantages, mais le gouvernement Nehru a rejeté leur demande, officiellement parce que les différences de caste étaient vouées à se dissoudre dans le socialisme, officieusement parce que les élites des hautes castes craignaient d’être délogées du pouvoir par des paysans bénéficiant déjà d’un poids économique et démographique appréciable.

    Si dans le Sud, certains États ont appliqué précocement des programmes sociaux en faveur de ces groupes qu’on appelle les other backward classes (OBC : classes arriérées autres que les dalits), il fallut attendre 1990 pour voir l’État fédéral mettre en œuvre les recommandations d’une commission datant de 1978. Cette commission Mandal, du nom de son président, avait identifié 3 743 castes OBC représentant 52 % de la population du pays. Constatant qu’elles n’occupaient que 12,5 % des postes de la fonction publique, la commission avait recommandé qu’il leur en soit réservé 27 %. Lorsque ce quota fut annoncé en 1990, des membres des hautes castes – surtout des étudiants – protestèrent véhémentement à la fois contre l’amputation de leurs débouchés et contre la mise en cause d’un ordre sociopolitique qu’ils dominaient encore. La Cour suprême suspendit la décision avant de la valider en 1992 à une nuance près : les enfants de l’élite des OBC (la creamy layer) ne pourraient pas bénéficier des quotas. Mais la résistance des hautes castes n’en avait pas moins suscité une contre-mobilisation des OBC qui avaient fait front pour défendre les quotas dont on voulait les priver. De nouveaux partis politiques se réclamant des OBC virent le jour et accordèrent leur investiture à un plus grand nombre de candidats de basse caste à partir des élections de 1991, avec un succès croissant, car les OBC – qui constituent partout en Inde une majorité au moins relative – ont voté pour les leurs et non plus pour des notables de haute caste. C’est ainsi qu’ils prirent le pouvoir dans les grands États de l’Inde du Nord, le Bihar et l’Uttar Pradesh. En 2013, l’écrasante majorité des chefs de gouvernement d’État appartient aux OBC ; seule une poignée d’entre eux sur 28 est brahmane (dont trois femmes).

    Le plus récent épisode de la montée en puissance des OBC s’est déroulé en avril 2008 sur le terrain de l’enseignement supérieur. Les leaders de basse caste souhaitaient étendre la politique des quotas pour les OBC aux universités, car elle leur paraissait nécessaire pour préparer ces castes aux responsabilités qui les attendaient dans la fonction publique. Le gouvernement dirigé par le Congrès accéda à leur demande en 2007, mais la Cour suprême suspendit immédiatement cette décision sous prétexte qu’aucune statistique ne permettait d’étayer la thèse d’une sous-représentation des OBC dans l’enseignement supérieur. Elle se rangea toutefois aux arguments du gouvernement l’année suivante en précisant que la creamy layer des OBC ne pourrait pas bénéficier de quotas et que la capacité d’accueil des établissements concernés devrait augmenter de 54 % pour ne pas réduire le nombre de places réservées aux groupes n’ayant fait l’objet d’aucune politique de discrimination positive.

    En un siècle et demi, la caste s’est beaucoup transformée. Elle n’est plus l’élément d’un système social vertical formant un tout : elle existe davantage par elle-même. Elle s’apparente à un groupe d’intérêt défendant ses propres valeurs – non plus tendu vers celles du brahmane – et doté d’associations de défense corporatistes, voire de partis politiques. S’il y a encore des castes, il n’y a plus de système des castes, du moins dans les villes, car dans les campagnes, la hiérarchie reste fortement intériorisée. Cependant, si le système des castes s’est métamorphosé, la caste demeure une des unités de base de la vie indienne, comme en témoigne l’importance accordée par les familles à l’endogamie au sein de la jati ou, liberté nouvelle mais relative, du varna – voire des varna « deux fois nés ».

    Les villes

    Les villes indiennes deviennent des lieux de référence à mesure que l’Inde se modernise, donnant naissance à une négociation permanente de la foule et des transports ainsi qu’à des enfers urbains : ségrégation spatiale, réflexion urbanistique et architecturale déficiente – et prise de vitesse par les promoteurs. Les bidonvilles sont des espaces emblématiques de la misère humaine et, plus généralement, de la pauvreté.

    Le phénomène urbain jouit en Inde d’une profondeur historique remarquable. La civilisation de l’Indus fut l’une des premières civilisations urbaines du monde, et par la suite l’hindouisme a favorisé l’éclosion de villes autour de sanctuaires au rayonnement panindien. Les sept villes saintes de l’hindouisme, par exemple, sont toutes des lieux de pèlerinage. Mais un nombre bien plus important d’agglomérations s’est constitué autour de grands temples, toujours très actifs dans le sud de l’Inde. La formation des royaumes hindous est allée de pair avec le développement de villes de pouvoir autour des palais de maharajahs ou de nawabs. Ce fut plus vrai encore des empires, les Moghols ayant même construit une capitale de toutes pièces près d’Agra, Fatehpur Sikri, qui s’avéra non viable. À l’époque médiévale, et plus encore à partir de l’époque moderne, l’artisanat et le commerce ont favorisé l’essor de villes d’un genre nouveau : ports tournés vers le grand large ou bourgs marchands au carrefour des voies de communication.

    La colonisation britannique marque naturellement un tournant. Le colonisateur imprime sa marque en établissant des comptoirs qui donnent naissance à des villes qui figurent aujourd’hui parmi les mégapoles indiennes, comme Kolkata, Mumbai ou Chennai. Delhi, elle, devient bicéphale avec la création de New Delhi, qui, en 1911, remplace Kolkata comme capitale du pays. La ville coloniale est coupée en deux avec, d’un côté, la ville noire peuplée d’Indiens et, de l’autre, la ville blanche et ses bungalows aux gazons impeccables. Au début du

    XX

    e siècle, l’Inde est relativement urbanisée puisque 10,8 % de sa population vit en ville d’après le recensement de 1901. Mais le rythme de l’urbanisation reste lent jusqu’à la fin de l’époque coloniale en raison de la faiblesse du processus d’industrialisation, limité à quelques régions comme le Gujarat et l’ancienne province de Bombay.

    Une urbanisation paradoxale

    Depuis 1947, l’Inde est connue pour ses grandes villes – il est vrai qu’en 1872 Calcutta (aujourd’hui Kolkata) était déjà la plus grande ville du monde avec plus d’un million d’habitants. Ce sont d’ailleurs les grandes villes qui connaissent la croissance la plus vigoureuse. Actuellement, plus des deux tiers des citadins résident dans des villes de plus de 100 000 habitants comparativement à 40 % avant 1947. Cela tient en particulier à l’expansion des villes de plus d’un million d’habitants. Au nombre de 35, d’après le recensement de 2001, elles abritent 38 % de la population urbaine et 10,5 % du total, alors qu’elles n’étaient que quatre – Mumbai, Delhi, Kolkata et Chennai – en 1951, époque où elles n’abritaient que 13 % des citadins et 2,2 % de la population totale.

    Trois de ces quatre villes millionnaires occupent une place à part, puisque Mumbai (16,5 millions d’habitants), Kolkata (13,2 millions) et Delhi (12,8 millions) dépassent largement les 10 millions d’habitants, tandis que Chennai (6,5 millions) a connu une croissance plus modérée. Après ces grandes mégapoles viennent quatre villes comptant entre 4 et 6 millions d’habitants (Pune, Bangalore, Ahmedabad et Hyderabad), cinq villes ayant entre 2 et 4 millions d’habitants (Surat, Nagpur, Jaipur, Kanpur et Lucknow) et enfin une longue liste de 22 villes de 1 à 2 millions d’habitants. Si la croissance des villes millionnaires est très vigoureuse, celle des 393 autres villes comptant plus de 100 000 habitants est plus modeste et celle des « petites » villes l’est encore plus. Résultat : en dépit de l’essor des grandes villes, le taux d’urbanisation de l’Inde reste très bas et ne progresse pas très vite : il se situe à 27,8 % d’après le recensement de 2001, ce qui signifie qu’il a mis quarante ans à doubler.

    Le processus d’urbanisation ne suit toutefois pas une trajectoire identique dans tout le pays. Certains États, en particulier le Tamil Nadu – où le tissu urbain est très dense – et le Maharashtra – où Mumbai pèse naturellement très lourd – ainsi que le Gujarat – où l’urbanisation est due à l’industrialisation – font preuve d’un dynamisme urbain supérieur à la moyenne (si l’on excepte, bien sûr, Delhi et Goa qui sont des villes-États).

    La question migratoire

    La croissance des villes indiennes, surtout les plus grandes, est naturellement alimentée par d’importants flux migratoires. Historiquement, le plus important d’entre eux eut lieu au moment de la Partition, lorsque 10 millions de personnes franchirent la nouvelle frontière indo-pakistanaise pour aller s’installer en grande majorité dans les villes du pays voisin. Si au Pakistan, Karachi s’est ainsi trouvée entièrement transformée, en Inde, aucune grande ville n’a subi de changement appréciable, même si Delhi, Mumbai et Kolkata ont reçu de nombreux migrants. Cependant, de nouvelles villes à la taille beaucoup plus modeste sont littéralement sorties de terre. Depuis, les migrations internationales ont plutôt tendance à aspirer les citadins vers l’extérieur, tandis que les villes se nourrissent de migrations intérieures.

    L’exode rural constitue bien sûr un apport important à la croissance urbaine. Depuis les années 1970, le taux de croissance de la population urbaine est le double de celui de la population rurale. Les migrants viennent principalement des États les plus pauvres de l’Inde, notamment du Bihar, de l’Uttar Pradesh, du Jharkhand, du Chhattisgarh, et se rendent dans de grandes villes comme Mumbai et Delhi, mais aussi dans des centres industriels comme Ahmedabad, Surat et Pune. Si ces nouveaux arrivants ne travaillent pas dans des usines, ils s’emploient comme domestiques ou chauffeurs de taxi. Cet afflux – qui se traduit par des envois de fonds importants aux familles – exacerbe les réactions xénophobes de la part de mouvements de « fils du sol » qui, comme la Shiv Sena – et plus encore le parti qui en est issu en 2006, la Maharashtra Navnirman Sena –, à Mumbai, où le parti protège les Maharashtriens de souche, se mobilisent contre les migrants venus de l’extérieur (et notamment les Bangladeshis), mais aussi contre ceux qui proviennent d’autres régions de l’Inde.

    La ségrégation spatiale

    En Inde, les lieux d’habitation sont traditionnellement marqués par la ségrégation. C’est particulièrement clair dans les villages où chaque caste et chaque communauté religieuse est appelée à occuper un quartier, voire un hameau à part dans certaines régions quand il s’agit des intouchables. L’espace urbain est plus anonyme et permet davantage de brassage, d’autant que les grandes administrations et les grandes entreprises construisent leurs propres lotissements (les railways colonies, par exemple) où se retrouvent des employés de toutes origines, surtout dans le cas des institutions publiques qui pratiquent la discrimination positive. Néanmoins, la ségrégation spatiale reste forte en raison des inégalités de revenu qui coïncident souvent avec des inégalités sociales relevant de la caste ou de la communauté religieuse.

    La différentiation de l’espace urbain tend même à s’accentuer du fait de la mise en place d’enclaves privées, voire de gated communities (quartiers fermés), à la faveur de la libéralisation économique et de l’essor d’une classe de nouveaux riches qu’on qualifie en Inde de classe moyenne. Cette élite vit de plus en plus à l’abri de murs épais derrière lesquels, hormis les logements, se trouvent aussi des écoles privées, des magasins, des cliniques, etc. Complètement au bas de la hiérarchie urbaine, on trouve les bidonvilles. Ceux-ci poussent dans les interstices urbains (et peuvent côtoyer les beaux quartiers) ou à la périphérie des villes et peuvent abriter des centaines de milliers de personnes. En 2001, plus de 20 bidonvilles hébergeant chacun un minimum de 200 000 personnes ont été recensés. Le plus important d’entre eux reste Dharavi qui, à Mumbai, compte environ un million d’âmes. Nombre des habitants des bidonvilles sont issus de l’exode rural – eux ou

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