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J'étais plus américain que les Américains: Sylvère Lotringer en conversation avec Donatien Grau
J'étais plus américain que les Américains: Sylvère Lotringer en conversation avec Donatien Grau
J'étais plus américain que les Américains: Sylvère Lotringer en conversation avec Donatien Grau
Livre électronique89 pages1 heure

J'étais plus américain que les Américains: Sylvère Lotringer en conversation avec Donatien Grau

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À propos de ce livre électronique

Au milieu des années 1970, Sylvère Lotringer a créé Semiotext(e), un groupe philosophique devenu magazine puis maison d'édition. Depuis sa création, Semiotext(e) est le lieu de rencontres libres: John Cage lisant Nietzsche, à travers Deleuze; punk et philosophie; la possibilité de sexualités et de politiques alternatives; le dialogue immédiat entre artistes et philosophes. La vie artistique et intellectuelle américaine des cinquante dernières années en est largement tributaire. Le modèle de la revue et de la maison d'édition tourne essentiellement autour de la notion de collectif, et leur créateur Sylvère Lotringer s'est rarement livré à la continuité de son parcours personnel: son existence d'enfant caché pendant la Seconde Guerre mondiale; l'expérience libératrice puis traumatisante du collectif dans le kibboutz; son activisme parisien dans les années 1960; son temps d'errance, qui le mena, par Istanbul, aux États-Unis; et puis, bien sûr, ses années américaines, la façon dont il mêlait sa vie nocturne à l'expérimentation formelle qu'il a inventée avec Semiotext(e) et avec ses cours. Depuis le début des années 2010, Donatien Grau a pris l'habitude de rendre visite à Sylvère Lotringer lors de ses voyages à Los Angeles; certains de leurs dialogues ont été publiés ou tenus en public. Ceux-ci nous donnent accès à la vie de Sylvère Lotringer, ses amitiés, ses choix, son admiration pour certains des plus grands penseurs de notre temps. Les conversations montrent des éclats de vie, des traces d'un voyage, à travers les textes et l'existence elle-même, avec une intensité rare.
LangueFrançais
ÉditeurDiaphanes
Date de sortie30 juil. 2021
ISBN9782889280865
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    J'étais plus américain que les Américains - Sylvère Lotringer

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    COMMENCEMENTS

    Donatien Grau. — Tu es unanimement reconnu comme celui qui a introduit la French Theory aux États-Unis au cours des années 1980 et changé la face du monde de l’art de façon permanente. Cela ne s’est pas fait en un jour, je suppose.

    Sylvère Lotringer. — Rien n’était planifié, et, à dire vrai, personne ne semblait s’y intéresser. Les éditeurs trouvaient les textes trop techniques, et les artistes en vogue haïssaient profondément les intellectuels, probablement parce qu’ils en étaient de parfaits spécimens. Les Français se passionnaient pour New York, mais ils ne savaient pas grand-chose de la ville elle-même. Moi guère plus, si ce n’est que je me rendais compte de tout son potentiel. Disons que je me trouvais au bon endroit au bon moment et que je devinais ce que je pourrais y faire, même si tout aurait pu se passer très différemment.

    D. G. — Fils d’une famille juive polonaise de Varsovie, tu as dû vivre caché pendant la Seconde Guerre mondiale. Plus tard, alors que tu étais encore enfant, tu as fait partie d’un groupe sioniste d’extrême-gauche. Dirais-tu que ces deux expériences – le sentiment d’appartenir à une minorité persécutée et la production d’une communauté – ont exercé une influence durable sur ton existence ?

    S. L. — Elles ont façonné ma vie. Je me suis entraîné à surmonter n’importe quelle situation. En 1949, mes parents ont émigré en Israël pour rejoindre des parents proches qui s’étaient installés en Palestine au début des années 1930. Nous avions tellement souffert en France pendant la guerre qu’ils nous ont dit : mais venez donc ici, en Israël ! J’avais dix ans quand nous nous y sommes établis. L’État n’existait pratiquement pas. C’était le Wild West. Il n’y avait ni infrastructures ni économie. J’y suis resté pendant environ un an et demi. Je collectionnais les tortues et les peaux de serpent. À l’école, j’ai appris l’hébreu, mais mes parents n’ont pas trouvé les moyens de rester. Ils travaillaient tous les deux comme fourreurs, et Israël n’était pas exactement idéal pour ce métier, même s’il était tombé un peu de neige sur Jérusalem cette année-là. N’ayant pu trouver d’appartement, ils ont dit : « On a été dispersés pendant la guerre, on ne va tout de même pas se laisser disperser à nouveau en Israël. On rentre à Paris. » Et nous sommes partis.

    D. G. — Curieusement, à ton retour en France tes parents t’ont inscrit dans un mouvement sioniste militant.

    S. L. — Ils avaient déjà fait partie du « Mouvement », comme nous l’appelions, à Varsovie. Après la guerre, il était juste en train de renaître à Paris sur le modèle des organisations de jeunesse soviétiques. Israël était devenu mythique, même pour moi, et le Mouvement nous encourageait à le voir ainsi. Âgé de onze ans, j’étais le plus jeune et le seul à l’époque, avec ma sœur, à avoir vécu en Israël. Nous ne parlions jamais des Arabes qui y vivaient, à l’exception des sympathiques Druzes qui nous invitaient à l’occasion sous leur tente. L’idée qu’un autre peuple ait pu appartenir avant nous à cette terre et qu’il en ait été chassé en 1948 pour nous faire de la place ne nous aurait pas traversé l’esprit. Nous venions de vivre l’enfer, et l’épopée de l’Exodus ne remontait qu’à trois

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