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La Caque: De la pestilence à la plus douce fragrance !
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Livre électronique280 pages3 heures

La Caque: De la pestilence à la plus douce fragrance !

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À propos de ce livre électronique

Merci à Fabienne de nous avoir offert cette chronique. où transparaît la vie martiniquaise du milieu du 20e siècle à nos jours. Partie d’expériences personnelles, elle nous plonge dans la vie quotidienne insoupçonnée du siècle dernier.
Dans un style léger alliant l’humour, la poésie et le documentaire, elle passionnera et étonnera la jeune génération, à l’heure de l’Internet et du Smartphone.
Elle réveillera les souvenirs des plus anciens et intéressera les citadins qui pourraient ignorer les réalités du monde rural de leur époque
C’est un texte riche, instructif qui saura se faire apprécier.
Prose et poésie, français et créole tracent les contours d’une victoire remportée de haute lutte.
LangueFrançais
Date de sortie24 oct. 2020
ISBN9782312077840
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    Aperçu du livre

    La Caque - Fabienne Sorrente

    précieuse.

    Avant-propos

    « Il faut faire le récit de sa vie. » C’est là une suggestion lancée récemment sur une radio locale. Elle reprenait cette autre incitation à marquer de son empreinte son pèlerinage terrestre : « Il faut faire le récit de soi » Boris Cyrulnik, neuropsychiatre. Et depuis peu, le curé de la paroisse conseille, à tous ceux qui en ont les moyens, de laisser une trace de ces années offertes par le Dispensateur des biens.

    Cette existence peut avoir été marquée par des événements destructeurs. En pareil cas, l’éminent bordelais contemporain avertit : « On est hébété par un traumatisme ; qu’est-ce qu’on fait ? Si on ne fait rien, on reste hébété ; si on se débat pour se remettre en vie, c’est le processus de résilience ».

    Avant lui, le philosophe Nietzsche déclarait : « Ce qui ne me tue pas me rend plus fort ; l’adversité va élever et non rabaisser »

    Ne répondant pas aux canons de son lycée, Prudence, une « paysanne » de quatorze ans, se voit vilipendée par une de ses professeures pour avoir osé fouler des plates-bandes réservées, puis clouée au pilori par une autre à cause d’une supposée pestilence.

    Surprise mais non abattue, elle choisit de se classer parmi les individus qualifiés de « supérieurs » qui dépassant le sentiment de honte, foncent tête baissée, vers la victoire.

    La caque, l’objet du délit !

    Nombreux sont ceux qui, lettrés ou non, en ont découvert l’existence, le jour où la rescapée de l’attaque dont vous dégusterez ou recracherez les effets, a annoncé sa décision de la porter au grand jour.

    D’origine néerlandaise, « kakki ou kaak » désignait le tonneau où étaient entassés les harengs salés ou fumés.

    De ladite barrique se dégageait une odeur difficile à atténuer tant elle était imprégnée dans le bois. Certains prétendaient même qu’aucun produit ne parviendrait à l’éliminer.

    Cette scandaleuse image s’appliquait, au XVIIe siècle, à ceux qui n’avaient pas eu la chance de bien naître et se voyaient contraints de consommer, très souvent, cet aliment qualifié de « saur ».

    En clair, « Lorsqu’on a de basses origines, on en conserve la vulgarité malgré une éventuelle réussite. »

    Et voilà une adolescente honnie et emprisonnée dans une barrique dont elle n’a aucune chance de se libérer. La voilà réduite à empester toute sa vie. Mais quel aspect présentaient-ils ces harengs qui lui réservaient un tel sort ?

    Serait-il exagéré de penser, qu’en flagellant ainsi leur victime, ces éducatrices indignes, exhalaient une méprisable suffisance, ou mieux encore, une impardonnable cruauté ?

    Préface

    Mes premiers mots sont pour remercier l’auteure d’avoir fait de moi, le premier lecteur de son ouvrage La Caque, ce en quoi je vois un grand honneur, mais aussi une marque évidente de confiance de la part de cette professeure d’Espagnol. J’ai eu le bonheur d’être un de ses élèves au collège en classe de quatrième ; elle m’avait beaucoup marqué par la qualité de son enseignement. Ayant appris, lors d’une rencontre fortuite, qu’elle profitait d’une retraite bien méritée, je lui suggérai l’idée de s’adonner à l’écriture. Surprise, elle accueillit ma proposition par un large sourire.

    L’idée ayant fait son chemin, voilà qu’apparaît, cinq ans plus tard, sa première création.

    La caque, qu’est-ce à dire ? C’est une barrique où l’on pressait les harengs salés ou fumés ou encore la caisse qui servait ou sert encore à les expédier au même titre que la morue salée aux Antilles françaises. D’emblée, ce titre annonce une métaphore développée par l’auteure tout au long de son récit ; et, du point de vue de cette démarche métaphorique, l’on songe tout naturellement à Émile Zola, et singulièrement à son roman « La Curée ».

    À l’analyse de cet ouvrage ce qui me frappe, ce sont les trois récits parallèles ou superposés dont il est constitué.

    Le premier est celui de la vie de son personnage central, une femme dénommée Prudence, de son passage au Lycée de jeunes filles, de la classe de sixième au baccalauréat ; des problèmes auxquels elle s’est trouvée confrontée ; de son évolution de l’université à sa fonction de professeure. Récit parcouru manifestement d’éléments autobiographiques.

    Le deuxième présente une radioscopie de la Martinique des années 50 et 60, de Sainte-Marie sa commune natale par excellence rurale, où les traditions culturelles sont fortement ancrées, mais aussi de son quartier de naissance : Fourniols. En somme, non seulement de son environnement géographique, mais aussi et surtout, de ses origines familiales et sociales qui l’ont fortement marquée.

    Le troisième enfin évoque ces deux éléments fondamentaux qui, de manière générale règlent la vie sociale : l’École, véritable planche de salut aux yeux de tous les Martiniquais et singulièrement de ceux issus de la même classe sociale que Prudence et la Religion représentée ici par l’Église catholique.

    Ces récits ne sont pas à saisir isolément les uns des autres. Au contraire, ils s’entrecroisent, se complètent mutuellement. Se répondent sans se répéter.

    Du point de vue du style, d’un bout à l’autre, cet ouvrage où s’entremêlent le créole et le français, la prose et la poésie, est écrit dans une langue belle et élégante.

    Une poésie non avant-gardiste et anti conformiste à l’instar de celle d’Aimé Césaire, poète surréalisant et péléen, des poètes maudits ou symbolistes tels que Arthur Rimbaud, Stéphane Mallarmé et Baudelaire, Isidore Ducasse Comte de Lautréamont entre autres.

    Par-delà le style, ce qui attire particulièrement l’attention dans cet ouvrage, c’est tout à la fois le rapport étroit que l’auteure établit entre le personnage central Prudence, la famille dont elle est issue, le peuple et la société auxquels elle appartient et tout ce qui les caractérise. C’est son départ du niveau le plus bas, à l’ascension sociale qu’elle connut en dépit de tous les obstacles auxquels elle fut constamment confrontée.

    L’objet même de ce témoignage, est de décrire la situation sociale des travailleurs des secteurs de la canne et de la banane, la misère croissante de cette classe sociale ; celle des « gens de maisons » au service de la petite ou de la grande bourgeoisie, ces hommes et ces femmes qui percevaient de très maigres salaires par rapport aux efforts titanesques qu’ils fournissaient et qui éprouvaient d’énormes difficultés à nourrir leurs familles, à envoyer leurs enfants à l’école.

    À la lumière de ce qui précède, à travers sa ligne de force se dégage, la problématique de l’humiliation : l’idée nullement élogieuse que se faisait la bourgeoisie martiniquaise qu’on appelait aussi « les grands gens » des « petites gens » pour lesquelles, elle avait le plus grand mépris.

    En suivant de près le parcours de Prudence, visiblement, elle n’est pas seulement une femme de raison, une cartésienne désireuse de se battre farouchement contre vents et marées afin d’atteindre son objectif : REUSSIR, mais c’est aussi une femme qui a la foi en Dieu à qui elle rend grâce pour l’aide considérable qu’il lui a toujours apportée.

    Une femme qui ne cherche point à se renier, à se débarrasser de la caque à laquelle elle est symboliquement identifiée tout au long du récit.

    Une femme profondément enracinée dans son terroir, qui tout en demeurant soi-même a eu à cœur de s’ouvrir aux autres et au monde par le biais du savoir et par les voyages. Certes, il y aurait encore beaucoup à dire sur cette œuvre mais, en guise de conclusion, je voudrais exprimer quatre remarques essentielles :

    La première, c’est qu’elle a manifestement un caractère patrimonial et culturel, qu’il s’agisse du bèlè, du ladjia, de la flûte des mornes, du pitt, de la vannerie caraïbe, des contes, des croyances, de sites historiques tel que le Centre culturel et de recherches de Fonds Saint-Jacques,

    La deuxième, c’est qu’elle revêt le caractère d’un précieux héritage que lègue l’auteure aux jeunes générations afin de leur permettre de se faire une idée précise des modes de vie, des us et coutumes d’antan,

    La troisième, c’est la leçon à tirer de tout ce qui a été dit précédemment. Quand dans la situation de Prudence on est issu d’une classe sociale défavorisée, qu’on soit femme ou homme se garder de rester les bras croisés en l’attitude stérile du spectateur. Agir en quelque sorte à la manière du personnage central de « La Tragédie du Roi Christophe » d’Aimé Césaire.

    Du fond de la fosse profonde où l’on se trouve si l’on veut émerger, il convient d’effectuer impérativement, « une montée jamais vue ». Une montée qui ne soit pas le fruit d’un effort léger, mais exceptionnel, prodigieux même et qui doit consister concrètement en : « un pas, encore un autre pas, et tenir gagné chaque pas » Ce que le dramaturge a appelé la « politique des petits pas » et que Prudence a manifestement fait sienne avec succès à force de volonté et de ténacité.

    La quatrième, enfin, c’est qu’il convient de se battre avec détermination pour éviter de se perdre. Selon les mots de Césaire, « il y a deux manières de se perdre, par ségrégation murée dans le particulier ou par dilution dans l’universel » (in « Lettre à Maurice Thorez », p. 21). Prudence n’a opté ni pour l’une ni pour l’autre. Tout au long du récit, elle est demeurée profondément enracinée dans son terroir, fière de ses origines et de son histoire.

    Au terme de cette préface, chers lecteurs et lectrices, il ne me reste plus qu’à vous souhaiter bonne lecture de ce merveilleux témoignage.

    Christian Lapoussiniere

    Chapitre I. La Caque

    – Pourquoi ne nous ferais-tu pas revivre quelques épisodes de ton enfance à la campagne ?

    – Vous n’y pensez pas ! – Je ne me sens nullement dotée de la verve littéraire.

    Ce vœu, maintes fois exprimé par des amis, des proches, et même des élèves, s’est longtemps heurté à la réticence de l’interpellée.

    L’heure de la plongée dans l’inconnu sonna un certain mercredi d’un certain mois d’octobre, après une longue discussion avec une collègue qui, à force d’insister, parvint enfin à la convaincre.

    Janvier 1958

    Lundi soir, 16 h 30. Salle de Musique

    Ile aux fleurs. Rue du breton Ernest Renan.

    Pas de vocalises, ni de solfège encore moins de guide-chant !

    Mais un immense éclat de rire.

    Comme à l’accoutumée, Madame le Professeur est en train de relater un pan de sa vie.

    Tout à coup, un silence de plomb s’abat sur la salle : interrompant son discours Madame Doreil s’en était prise, avec une rare violence, à une élève qui, recroquevillée dans son coin, ne semblait guère apprécier sa prestation : « Vous ne sentez pas que vous n’êtes pas digne de la 4eAB1 ? Allez vous mettre au diapason ! » Sidération !

    L’abcès qui, depuis des mois s’emplissait d’un venin dévastateur, venait d’éclater. Et la question qui préoccupait les camarades, plutôt avares de sympathie, trouvait là sa réponse.

    Pourquoi la note de chant de celle qui avait essuyé un tel affront était-elle régulièrement amputée d’un demi-point au profit de sa voisine qui, avait peut-être été bercée par la merveilleuse voix de Madame La Callas. Et qui, à l’occasion, s’endormait aux Nocturnes de Monsieur Chopin. De leur art, elle savait bien plus que do, ré, mi, fa, sol, la, si, do. Noire, blanche, croche, silence, bécarre, bémol, gamme n’avaient pour elle aucun secret.

    Chopin ? À quoi ressemblait-il celui-là ? Internet était encore dans les limbes et l’encyclopédie inaccessible. Ne serait-ce pas le frère de chopine, cette mesure bien connue dans le quartier : cinquante centilitres d’huile, de rhum achetés à la boutique de Mademoiselle Titine ou cinq cents grammes de farine de manioc vendus au marché par sa tante Rose ?

    Diapason ! En prononçant ce terme, Madame D. demeurait fidèle à son domaine musical. Et pour elle, une présence discordante n’avait pas sa place dans ce concert si bien orchestré.

    Cependant, elle semblait ignorer que ce diapason n’émet que la note juste. L’élève aurait très bien pu lui renvoyer la balle. En effet, elle aussi elle détonnait car, pour un professeur de musique, elle n’avait jamais été en harmonie avec sa fonction. Timbre, tessiture, registre, qu’en était-il ? Se classait-elle parmi les contraltos, les mezzo-sopranos, les sopranos ou même les ténors, pourquoi pas ? Nul ne l’avait jamais entendue entonner la moindre mélodie.

    Le redoublement de la classe de Troisième ayant porté du fruit, Prudence gravit deux échelons. De la 3eB4, elle accéda à la 2eB2, réintégrant ainsi le groupe des meilleures.

    Hélas ! Cadeau empoisonné car là l’attendait une seconde humiliation plus tranchante qu’un glaive. C’était au tour de Madame Naidy, qui avait des lettres puisqu’elle les enseignait, de ressasser : « La caque sent toujours le hareng ». Cette réflexion lui venait sans doute de l’affirmation d’un certain Valéry Larbaud qui écrivait à son heure : « Ces sales femmes sont capables de tout. Du reste, on n’a qu’à voir d’où elles sortent. On a beau faire, la caque sent toujours le hareng ». Comment ne pas se sentir visée quand, à l’instar de l’invité au banquet de l’Évangile, on n’est pas revêtu de la tenue de noce ?

    Et ce mot « caque » ? Plutôt savant, non ? C’était tout simplement l’équivalent de la « tchès lan mory a » : La caisse en bois transportant la morue jusqu’à nos eaux. Quant au hareng, elle le dégustait avec les bananes et le concombre, objet certains jours de bien des souffrances, lui aussi. Comment cette paysanne pouvait-elle être en odeur de sainteté quand elle infligeait à ses voisines les relents de son sandwich garni d’une salade impliquant ce maudit légume ?

    De plus, ce poisson vulgairement appelé « gendarme », ne serait-il pas un rempart contre les attaques de l’ennemi visible ou caché ?

    En fait, quelle leçon fallait-il tirer de cette impitoyable semonce ? « Peu importe l’ascension sociale, on garde toujours les marques de ses origines ».

    Prudence comprit alors que, malgré son prénom, elle n’avait pas su s’inspirer de la prévoyance des titiris, ces alevins des Antilles qui, fuyant la haute mer, peuplent les embouchures ou se réfugient dans les rivières en certaines périodes de l’année.

    Elle s’était fourvoyée, elle devait donc payer. Elle détonnait certes, mais peut-être son silence avait-il fait détoner les Canons de Navarone de l’exaspération. Si tant est que cet épisode de la seconde guerre mondiale ait vraiment vu le jour.

    Tenue vestimentaire : Garde-robe à reconstituer.

    Coiffure : Désolée, des boucles, il n’y en aura jamais.

    Pigmentation : Pourquoi les ancêtres venaient-ils de la terre d’Afrique ? Pas « noire comme hier soir » ; mais « an ti coulè lapo sové », ne suffisait pas.

    Élocution : Accusée, la ruralité.

    Lourd fardeau pour des épaules bien frêles !

    Faut-il encore que vous soyez doté de patience, de persévérance ou tout bonnement de curiosité pour découvrir d’où pouvait émaner cette pestilence.

    Pénétrons le jardin secret de Prudence, en compagnie de son amie Gertrude.

    LE MONDE DE PRUDENCE

    img2.jpg

    Souffrez que je vous invite à visiter « le manoir » où notre héroïne a vu le jour : deux pièces, toit de chaume, sol en terre battue, « murs » de paille, cuisine extérieure !

    C’est là que la matrone du quartier, sage-femme de ces années-là, a libéré sa mère, du cordon ombilical, lui a prodigué les premiers soins et lui a remis entre les bras, son nouveau-né.

    Tout autour, le jardin créole, véritable pharmacie

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