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La dame aux chiens blancs
La dame aux chiens blancs
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Livre électronique451 pages5 heures

La dame aux chiens blancs

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À propos de ce livre électronique

Cette autobiographie retrace la vie des années cinquante à nos jours d'une dame passionnée depuis son plus jeune âge par les animaux. La dame aux chiens blancs vous invite dans un voyage au cœur de sa Normandie natale, de son berceau aux bancs de l'école communale, de son adolescence à son mariage, de la naissance de ses enfants à celle de son petit-fils. Au fil des années, de nombreux animaux ont pris possession de sa maison, mais ce sont tous les chiens qui l'accompagnèrent tout au long de sa vie qui inspirèrent ces écrits. Même si ce petit monde cohabitait en parfaite harmonie avec sa famille, il y eut parfois des moments de tensions, de tristesses, de doutes ou de regrets mais toujours beaucoup d'amour. De sa naissance à la soixantaine passée, elle vous en livre les secrets au cœur d'une famille aimante et respectueuse à souhait.
LangueFrançais
ÉditeurLes Éditions du Net
Date de sortie26 janv. 2015
ISBN9782312035574
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    Aperçu du livre

    La dame aux chiens blancs - Jocelyne Delahoulliere

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    La dame aux chiens blancs

    Jocelyne Delahoulliere

    La dame aux chiens blancs

    Une vie pleine de chien

    Préface d’Allain Bougrain Dubourg

    LES ÉDITIONS DU NET

    22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes

    © Les Éditions du Net, 2015

    ISBN : 978-2-312-03557-4

    Préface

    Sacré personnage que cette « dame aux chiens blancs » ! D’abord parce qu’elle a le talent de nous entraîner dans son épopée personnelle. Ensuite, car elle ne manque pas de nous éclairer « scientifiquement » en clair, au-delà des émotions, on découvre avec bonheur les singularités de telle ou telle race de chien auxquelles elle s’est attachée.

    Ainsi, de « Fifi » à « U’Nyls » et même à « Clochette » et « Ghosta », la délicieuse famille canine qui a accompagné sa vie devient un peu la nôtre. En creux, l’auteur nous invite, du reste, à jouer les voyeurs !

    Au-delà de cette tranche de vie, il convient d’en dire davantage sur Jocelyne. Certes, sa passion pour les animaux remonte à ses premières heures (très certainement !) mais elle n’est jamais, pour autant, restée indifférente à la cause des bipèdes démunis. La compassion n’a pas de frontière…

    La voilà bénévole aux « Restos du Cœur », impliquée dans une association de vente de linge au bénéfice d’institutions caritatives de sa région, chantant dans une chorale pour des causes spécifiques, sans cesse attentive aux autres, en somme.

    Parmi ses projets, l’idée de subvenir aux besoins et aux frais vétérinaires que rencontrent certains bénéficiaires d’aide alimentaire s’impose comme une priorité. Cette démarche existe en partie, mais elle reste loin d’être suffisante. Alors Jocelyne poursuit avec détermination, se bat pour surmonter les obstacles. Dans la foulée, elle veut également développer plus encore la possibilité pour les personnes âgées d’emmener avec eux, en maison d’automne ou de retraite, leur petit animal de compagnie. L’aide d’une auxiliaire de vie pourrait y contribuer…

    Dans cet hommage légitime qu’il convient de rendre à Jocelyne, j’aurais pu m’attarder sur ses compétences admirables en matière d’ornithologie. Ses expériences avec les perroquets ont notamment démontré un savoir-faire exemplaire.

    Mais plus largement, je repense à une phrase qu’elle me lança lors de notre rencontre et qui résume peut-être tout le personnage :

    « Je sais qu’il faudra plus d’une éternité pour que chaque être vivant trouve son bonheur sur terre, mais le devoir de chacun est d’y contribuer… »

    Ces propos se conjuguent admirablement avec ceux de Pierre Rabhi, philosophe agriculteur, qui nous invite à jouer les colibris, à faire notre part, à notre mesure.

    La Dame aux chiens blancs mérite d’être connue et reconnue. Cet ouvrage nous y invite avec bonheur.

    Allain Bougrain Dubourg

    Préambule

    C’est au sein d’une famille aimante et attentionnée que le 8 juin 1953 naquit une petite fille que l’on prénomma Jocelyne. Jocelyne, un prénom parmi tant d’autres que mes parents m’ont donné un jour de grand bonheur. Sans imaginer que ce dernier allait me rattacher inéluctablement à la vie de ceux qui m’ont toujours entourée : les animaux de compagnie.

    Car bien longtemps après ma naissance, il me fut rapporté qu’un joli chat roux aimait se blottir contre moi lorsque je m’endormais, me berçant de ses ronronnements doux et apaisants. Un sommeil profond fidèlement protégé par Mouton, le bon chien de la maison, qui veillait sur moi tel un ange gardien.

    Je ne sais si mon attachement pour les animaux est inné, mais ce dont je suis certaine, c’est que tout au long de ma vie, des petits êtres couverts de poils ou de plumes me comblèrent d’une affection et d’un bonheur réciproques.

    De nombreux cobayes et lapins partagèrent ma vie ainsi qu’une douzaine de chats, douces pelotes de poils qui jamais ne taquinèrent mes oiseaux. Les perroquets constituaient pour moi une véritable passion, particulièrement au temps du balbutiement de l’élevage en captivité auquel je participai activement. Et même si je n’étais pas une adepte d’aquariophilie, il me plaisait d’entretenir et d’admirer ce merveilleux univers silencieux et coloré qui ornait le plan de travail de ma cuisine. Mais ce sont tous les chiens qui m’accompagnèrent tout au long de ces années qui m’inspirèrent ces écrits…

    Néanmoins, ce petit monde cohabitait en parfaite harmonie avec ma famille, même si parfois nous traversâmes des moments de tensions, de tristesses, de doutes ou de regrets. Aujourd’hui, je demeure convaincue que le respect, le partage, la compassion et l’amour sont les seules clés qui permettent de vaincre les épreuves au quotidien.

    Chapitre I

    LES MAISONS DE MON ENFANCE

    C’est dans une petite maison située en plein cœur de Saint Romain de Colbosc, localité normande réputée pour son boudin noir à la crème et au calvados, que je fis mes premiers pas.

    J’ai très peu de souvenirs des animaux que mes parents possédaient mais lorsque j’avais environ 3 ans, je me souviens de cet ours brun en peluche à qui je vouais beaucoup d’attention.

    Un soir d’hiver, alors que je le soupçonnais d’avoir attrapé un gros rhume, je pris la décision de le mettre au chaud. Le serrant dans mes bras, je l’installai confortablement dans son lit en bois et introduisis le tout dans le four à charbon de la cuisine. Quelques minutes plus tard, une odeur de grillé envahit la maison. Maman qui s’occupait de mon petit frère à l’étage s’écria :

    – Oh mais ça sent le roussi en bas !!

    En proie à une vive inquiétude, elle descendit quatre à quatre les marches et me vit, l’air penaud, debout face à la porte du fourneau, les yeux remplis de larmes.

    Instinctivement, elle me saisit énergiquement par le bras et, m’écartant de la source de chaleur, jeta un coup d’œil à l’intérieur du four.

    Comprenant la situation, elle sourit et gentiment, m’interrogea du regard :

    – Que fait ton ours dans ma cuisinière ?

    Redoutant d’être grondée, je me mis à pleurer.

    – Nounours a un gros rhume alors je l’ai mis au chaud, dis-je en étouffant un sanglot.

    – Mon Dieu, les enfants ont parfois des idées étranges !

    Maman ouvrit aussitôt le four et sortit non sans se brûler les doigts la caissette contenant l’ours bien malade cette fois-ci ! Le compagnon de mes nuits enfantines avait perdu sa belle couleur. À sa vue, je fondis en larmes.

    – J’ai fait brûler mon nounours ! murmurai-je, pétrifiée.

    Maman me prit alors dans ses bras et me consola en me disant :

    – On va le laisser se reposer et puis demain tu verras, il sera guéri…

    Comme à l’accoutumée, le lendemain, à mon réveil, maman vint m’embrasser et me fit une surprise des plus agréables. L’espace d’une nuit, mon ours fétiche avait retrouvé sa pleine forme.

    Certes une autre matière douce de même couleur cachait la misère, mais il ne souffrait plus et pour moi, c’était l’essentiel.

    Quelques années plus tard, la petite famille déménagea pour d’autres lieux. En effet, une cité située en retrait du village allait devenir notre nouvelle terre d’élection. La maison que nous allions occuper ressemblait à une construction préfabriquée, aux allures de chalet.

    Ce dernier était constitué de trois pièces. L’une, plus grande, faisait office de cuisine-séjour tandis que l’autre, séparée d’une cloison légère, était réservée aux chambres, celle de mes parents et celle de mon frère et moi-même. Ce nouveau logement ne disposait guère de salle de bain ni même de toilettes. Dans le cellier attenant aux chambres, une tinette cloisonnée se substituait à ces dernières.

    À l’extérieur, des clapiers pour lapins longeaient ce bâtiment ouvrant sur le jardin. Dans la cour d’entrée de cette modeste demeure, un garage jouxtant la maison abritait la 2 CV familiale que mon père utilisait occasionnellement. Il se servait davantage de sa mobylette, plus économique pour se rendre au travail.

    Mes parents ne nous emmenaient jamais en vacances, non par manque de moyens mais parce que c’était ainsi… J’ai très peu de souvenirs de la mer qui pourtant ne se trouvait qu’à une vingtaine de kilomètres de la maison… Le village de la cité constituait le centre de loisirs privilégié de bon nombre d’enfants. Ainsi, mon frère et moi évoluions joyeusement dans cette grande cour improvisée, tout au long de l’année.

    Au bout de notre terrain, un sentier desservait d’un côté les pavillons et de l’autre une vaste prairie en jachère.

    Je me souviens que lorsque je courais dans cet herbage, les épis des longues tiges de graminées me chatouillaient le menton… Je m’arrêtais devant les fleurs sauvages, observant en silence les papillons multicolores savourer leur pollen… Je reprenais ensuite ma course folle à travers champs, laissant se volatiliser tous les insectes dérangés par mon passage impromptu. Plus loin, une mare ceinturée d’arbres aux cimes infinies hébergeait une multitude de batraciens et autres bestioles. Au-dessus du plan d’eau tourbillonnaient de majestueuses demoiselles aux ailes translucides en quête du moindre appât qu’elles gobaient furtivement.

    Le matin lorsqu’il faisait encore un peu frais ou le soir lorsque le soleil s’évadait vers d’autres horizons, je m’asseyais à quelques pas de cet étang et savourais ce merveilleux spectacle de la nature.

    Pour me rendre à l’école primaire des filles, je devais emprunter un chemin communal bordé de marguerites, coquelicots et de boutons d’or. Il m’arrivait souvent d’en cueillir une brassée pour les offrir à ma maîtresse, espérant ainsi atténuer ses mauvaises humeurs quotidiennes. Je pensais que ce geste lui apporterait un peu de douceur et de tolérance face à des élèves qui la craignaient tant. Mais la patience n’était pas mentionnée dans le contrat de cette enseignante dont l’abondance des punitions lui avait valu une certaine renommée. Malheureusement, nous devions subir son autorité durant trois années consécutives.

    Sa classe était divisée en plusieurs sections : le CP que je venais d’intégrer puis le CE1 et le CE2 que j’appréhendais de poursuivre. Le silence était une règle d’or. Les pupitres se rabattaient discrètement. Pas un chuchotement ne devait troubler l’ambiance studieuse et oppressante sous peine de sanction collective. Le moindre oubli dans quelque domaine que ce fût coûtait cent à cinq cents fois l’écriture de la même phrase. Voire plus si des pâtés d’encre violette venaient altérer les pleins et les déliés des caractères sur lesquels les élèves s’efforçaient de s’appliquer.

    Les enfants récalcitrants encouraient des tours de piquet pendant la récréation. Ils devaient former un cercle autour de la cour et marcher les mains dans le dos, suffisamment espacés les uns des autres pour ne pas communiquer entre eux.

    En fin d’année scolaire, les élèves apportaient de la cire pour briquer les bureaux ternis par le frottement des cahiers et des livres. Je me souviens combien cette odeur d’encaustique me semblait agréable. Elle sentait bon les vacances qui me permettaient d’oublier ces laborieuses journées d’études.

    Cette campagne magique et envoûtante qui me fascinait tant était le seul moyen pour moi de m’évader. Qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il neige ou que le soleil soit au rendez-vous, chaque saison m’entraînait dans un savoureux mélange de bonheur et de mélancolie.

    Mes parents avaient la chance de posséder deux jardins : celui attenant à la maison, où en-dehors de l’élevage des lapins étaient cultivés divers légumes, baies pour confitures, fleurs. Le second était situé au pied d’un château d’eau à quelques lieues du domicile.

    Je me demandais ce que l’on pouvait bien planter dans ce terrain inhospitalier en forme de cuvette, parfois très sec et souvent si détrempé… Il n’y avait même pas un abri pour stocker les outils du jardin, pour se protéger du soleil ou d’une averse.

    Cependant, en escaladant la butte de terre qui le surplombait, on pouvait découvrir un paysage digne d’un tableau de maître que j’aurais aimé survoler si la nature m’avait donné des ailes.

    Un curieux sentiment de liberté et d’aventure m’envahissait lorsque de cette colline je dominais toute la vallée jusqu’au fin fond de l’horizon. De cette esplanade à la végétation luxuriante et sauvage, des évents jalonnaient le sol permettant ainsi l’aération de la réserve d’eau stockée sous terre.

    Cet endroit surnaturel demeura longtemps un excellent terrain de jeux qui nous occupait mon frère et moi, le temps nécessaire à notre père pour ramener suffisamment de légumes à la maison. Lorsqu’il terminait son dur labeur, il nous intimait l’ordre de le suivre en s’écriant :

    – Les enfants, il faut redescendre, il est l’heure de rentrer…

    Nous dévalions alors le talus pour le rejoindre.

    Ces conditions de vie ne me semblaient guère difficiles car à l’époque il n’y avait pas de télévision pour éveiller notre esprit, attiser nos envies. Néanmoins, sous l’apparence d’une enfant enjouée, se dissimulait une fillette rêveuse et souvent angoissée. Fréquemment tourmentée par d’horribles cauchemars, je réveillais la maisonnée par d’effroyables cris de terreur. À cela s’ajoutaient des problèmes intestinaux, de fréquentes crises d’urticaire qui m’empêchaient de manger les aliments que j’adorais comme les délicieuses fraises du jardin. Parfois, mon cou se mettait brusquement à gonfler (prémices d’un kyste dont je serais opérée quelques années plus tard) et me provoquait une gêne terrible… Tous ces petits ennuis de santé me fragilisaient et me rendaient extrêmement sensible et vulnérable.

    Lorsque je reprenais de la vitalité après divers traitements, je retrouvais mes amies et ma joie de vivre en attendant le véritable compagnon à quatre pattes que maman me promettait depuis toujours.

    LES ANIMAUX DE MON ENFANCE

    Un jour, mon père trouva un chaton sur son lieu de travail. Aussitôt, je le pris personnellement en amitié et m’en occupai avec beaucoup d’attention. Mes mauvais rêves s’atténuèrent au fil du temps, laissant place à un sommeil plus serein. Je n’ai plus mémoire du nom qu’il lui fut donné. Mais je me souviens qu’il prit rapidement ses marques dans la maison où il séjourna de longs mois.

    Puis un beau matin d’avril, il disparut. Un grand désarroi s’empara alors de moi. Inquiète et attristée, je partis à sa recherche en passant au crible tous les recoins du jardin. Je l’appelai désespérément dans toutes les ruelles de la cité et malgré la solidarité du voisinage, il demeurait introuvable.

    Quelque temps plus tard, les langues commencèrent à se délier. En effet, comme dans tout bon village qui se respecte, des rumeurs se propagèrent. Ainsi, certaines personnes affirmèrent que le chaton aurait été noyé par un voisin en froid avec mes parents. Une version des faits qui fut renforcée par d’autres témoignages plus horribles les uns que les autres. À l’affût du moindre cancan, certaines femmes expliquèrent que ledit voisin, après avoir commis son forfait, aurait suspendu la dépouille de l’animal sur une corde à linge. Qui croire ? Entre méchanceté, folie humaine et médisances, je ne savais que penser. Triste, je devais me résigner car désormais mon petit chat n’était plus. C’était mon unique certitude.

    Dès lors, de nombreuses questions hantèrent mon esprit et la tranquillité de mon sommeil fut de nouveau perturbée. Puis les semaines s’écoulèrent et je n’entendis plus jamais parler de cette affreuse histoire.

    L’automne s’annonçait prématurément. Petit à petit, les arbres se paraient de leurs somptueuses couleurs ocre. Des frondaisons cuivrées commençaient à tournoyer dans le ciel lumineux de ces premiers jours de septembre. La campagne sentait bon. La rosée du matin réveillait les essences subtiles de la terre endormie. Les vacances s’achevaient, il était temps de reprendre courageusement le chemin de l’école jusqu’au jour où j’allais redécouvrir l’amitié d’un nouvel animal.

    Dans la cité composée de plusieurs maisons quasiment identiques, l’une d’entre elles, la dernière du groupe était habitée par une dame âgée et un certain Loulou blanc, son unique compagnon. La maladie l’ayant rattrapée, la grand-mère effectuait fréquemment de courts séjours à l’hôpital. Aussi lors de son absence avait-elle pris l’habitude de confier la garde de son chien à l’un de nos voisins. Malheureusement, la bestiole ne semblait guère appréciée de ses maîtres occasionnels qui ne la ménageaient pas. Un jour, alors que ses aboiements s’amplifiaient, maman sortit de chez elle et se rendit sur le terrain afin de s’entretenir avec le propriétaire des lieux. Elle découvrit alors que jour et nuit, l’animal était enfermé à l’intérieur d’un garage, dormant à même la terre battue avec le minimum de soins.

    Ne supportant plus les gémissements de la pauvre bête, maman interpella un jour le fils de la vieille dame. Elle lui fit part de la situation désespérante du petit chien, mais le garçon n’en fut pas pour autant offusqué. Néanmoins, dès son retour de soins, nous eûmes la visite surprise de la Mamie.

    – Je sais que ma petite Fifi est malheureuse chez ces gens mais ils me la prennent au pied levé dès que je rentre en clinique et pour moi, c’est rassurant. Mais si vous pouvez l’accueillir dans ces mêmes conditions, je pense qu’elle serait plus heureuse dans votre famille…

    Aussitôt dit, aussitôt fait, nous prîmes avec beaucoup de bonheur et gracieusement la petite chienne en pension. Seule la nourriture restait à la charge de la dame qu’elle tenait absolument à régler.

    Depuis longtemps, maman rêvait d’avoir un Loulou blanc. Son désir se trouva du même coup exaucé.

    Fifi se plut très vite à la maison. Il faut dire qu’elle était l’objet de toutes les attentions. Assise sur une chaise, elle prenait part activement à nos repas, dormait sur les lits, jouait à la balle et adorait les promenades en voiture. Mais nous éprouvions tous une grande tristesse chaque fois qu’elle repartait chez sa maîtresse. Or quelque temps plus tard, son fils nous annonça le décès de sa mère. Avant de fermer les yeux, elle avait émis le souhait que nous gardions son petit chien….

    À dater de ce jour, Fifi nous appartenait définitivement. Mais sous ses airs de petite chienne à « mémère », elle nous donna quand même du fil à retordre.

    Fifi adorait les enfants que nous étions, mais les compagnons de jeux des autres familles n’étaient guère admis. Dès qu’un gamin franchissait la barrière du jardin, la chienne, dont la garde était irréprochable, s’élançait en aboyant et se risquait même à pincer les mollets du petit intrus. Bien souvent, celui-ci ne repartait pas indemne. Maman se transformait alors en infirmière pour soigner les blessures laissées par la chipie. Nous pensions qu’il s’agissait d’un acte de jalousie ; de ce fait, nous devions l’enfermer chaque fois que des camarades venaient jouer à la maison.

    Hormis cet aspect défensif, Fifi était extrêmement fine gueule. Elle adorait les œufs frais dont elle se délectait derrière notre dos… Dès qu’elle le pouvait, elle en dérobait un au hasard dans le panier abandonné négligemment sur une chaise par notre mère qui, de retour du marché, nous concoctait une de ses délicieuses pâtisseries.

    Un jour, mon frère et moi-même prîmes la voleuse en flagrant délit. L’œuf dans la gueule, elle le déposa délicatement sur le tapis, creva soigneusement la coquille pour en absorber le contenu avec sa langue. Sous nos éclats de rire, elle stoppa net sa goinfrerie et fit tête basse… Nous n’avions aucune envie de la réprimander tant la situation nous semblait cocasse.

    Fifi avait également d’indéniables qualités de chasseuse. Les taupes qui régulièrement détruisaient les cultures des deux jardins avaient une espérance de vie limitée. Sa technique très élaborée ne consistait pas à se jeter sur le tas de terre que le petit mammifère avait rejeté en creusant sa galerie mais plutôt à le surprendre au fond de celle-ci. Elle marchait doucement sur l’herbe à la recherche de vibrations. Dès qu’elle en percevait l’écho, elle grattait le sol avec acharnement jusqu’à la prise de la petite bête qu’elle déposait ensuite aux pieds de ses maîtres. Elle en tua ainsi des quantités sans jamais faillir à son instinct.

    Mais le plus embarrassant fut le jour où elle captura ce fameux gallinacé…

    Un dimanche matin, sous un ciel maussade, j’accompagnais mes parents dans les champs à la cueillette d’herbes pour les lapins… Derrière le talus planté de châtaigniers qui entourait une ferme, gambadaient des chèvres, moutons et diverses volailles…

    Tout à coup Fifi partit en trombe, grimpa sur la butte et fonça droit sur un malheureux poulet qu’elle prit à la gorge sans qu’il eût le temps de crier. La chasseuse ramena son trophée qu’elle déposa aux pieds de maman qui aurait dû apprécier ce geste de gratitude mais au lieu de cela, elle renvoya la bestiole par-dessus la haie. À peine eut-elle le temps de crier « Fifi » que la chienne réapparaissait avec le cadavre dans la gueule sous les yeux effarés du maître des lieux.

    Exaspéré, papa saisit la voleuse par la peau du cou, la gronda furieusement en lui flanquant une claque sur la cuisse avant de l’attacher. Tandis que je pleurais, mon frère riait aux larmes alors que nos parents se faisaient incendier par le fermier qui les menaçait d’appeler les gendarmes s’ils ne lui payaient pas tout de suite le dédommagement de la maigre volaille.

    Rouge de colère, papa sortit quelques pièces de la poche de son pantalon et nous quittâmes honteux la scène du crime.

    UNE VIE DE CITADINE

    Un soir, lorsque papa rentra de son travail, il annonça à sa petite famille qu’un nouveau poste l’attendait dans une usine du Havre. Étant logés par l’employeur, mes parents devaient se mettre rapidement à la recherche d’une nouvelle maison.

    Quelques mois auparavant, une de nos voisines de St Romain quittait la cité pour habiter dans cette ville portuaire à l’étage d’un imposant immeuble en briques rouges. La dame informa mes parents que les deux appartements du rez-de-chaussée étaient libres ; il suffisait d’appeler le propriétaire de sa part pour en obtenir la location.

    C’est ainsi que furent mises à notre disposition les deux habitations contiguës constituées de deux pièces chacune avec autorisation d’effectuer à notre charge les modifications indispensables à notre confort. Cependant, ce nouvel habitat était loin d’être la perle de la propreté. En effet, resté inoccupé depuis plus de deux ans, une odeur nauséabonde avait envahi les lieux. Le propriétaire confia à mes parents que la locataire de l’un des appartements n’avait pu vider l’épicerie stockée dans le placard envahi de charançons. Et pour cause, la pauvre femme avait été retrouvée décédée dans son lit. N’ayant plus de famille proche, le mobilier fut récupéré par un brocanteur après son inhumation et le reste oublié…

    Après avoir désinfecté l’endroit, il fallut condamner une des deux portes d’entrée et procéder à des ouvertures communiquant entre les deux logements. Dans la lancée, deux énormes cheminées envahissantes et inutilisables furent abattues.

    Malheureusement, il n’y avait pas de salle de bain et les toilettes se trouvaient dans une petite cour noircie du minerai de fer rejeté par l’usine d’à côté. Bien qu’il s’agît encore d’une tinette, nous avions la chance d’être les seuls à en détenir la clé, ce qui n’était pas le cas pour les locataires des étages au-dessus.

    Une fois les gros travaux achevés, un camion de déménagement apportait nos meubles dans les quatre belles pièces qui coûtèrent en réfection une petite fortune à mes parents.

    Lors de la remise des clés du chalet de mon enfance, maman fit remarquer au propriétaire l’état de moisissure entre les lattes du plancher où se trouvaient nos lits. En appuyant dessus, l’une d’elles s’affaissa, laissant apparaître d’énormes champignons qui tapissaient le terre battue. Notre famille vécut ainsi toutes ces années dans cette maison insalubre sans vide sanitaire, un parquet de bois posé simplement à une vingtaine de centimètres du sol.

    Concernant cette nouvelle habitation, je ne perdais pas au change ; mais l’air pur de la campagne, les prairies en fleurs, les papillons multicolores et les oiseaux des champs me manquèrent terriblement.

    Pour me redonner un peu de baume au cœur, une voisine me conseilla d’aller me promener le long de la voie ferrée qui longeait le groupe d’immeubles du quartier. Elle m’assurait que de belles maisons blanches méritaient le coup d’œil. Je ne manquais pas de m’y rendre accompagnée de Fifi qui comme moi aspirait à un environnement plus agréable. Je constatais en effet qu’un ensemble d’entreprises dont le ravalement venait d’être effectué apportait un peu de gaieté entre ces bâtisses noircies par les rejets de poussières des usines et le carbone des pots d’échappement des voitures.

    La prolongation des travaux avait retardé ma rentrée scolaire qui, malgré mon appréhension, se passa sous les meilleurs auspices car la maîtresse d’école me prit aussitôt en affection. Ce qui me permit de ne plus partir la peur au ventre et de rattraper rapidement les lacunes accumulées par mes nombreuses absences.

    Toutefois, je partais souvent après les cours avec la chienne à la recherche d’un carré de verdure… Malheureusement, je ne trouvais que des pavés jalonnant les trottoirs et du bitume recouvrant les routes, sans hélas une once d’herbe.

    Je fis rapidement la connaissance de mes petits voisins, mes nouveaux compagnons de jeux avec lesquels je m’amusais bien à courir dans les vastes couloirs de l’immeuble, les jours de mauvais temps. Un large escalier en bois verni desservait les nombreux étages. Assise à califourchon sur la rampe, je me laissais glisser jusqu’au rez-de-chaussée malgré les remontrances des locataires agacés par le va-et-vient des enfants.

    Trois familles se trouvaient ainsi réparties entre les appartements de personnes âgées qui, pour certaines, n’appréciaient guère notre présence sur leur palier. Cependant nous nous efforcions de faire le moins de bruit possible pour ne pas les déranger.

    Quelques semaines plus tard, j’apprenais qu’il existait également en ville des espaces de verdure avec divers jeux pour les enfants. Puis par un dimanche ensoleillé, mes parents m’emmenèrent à la plage où je pris le premier bain de pieds de ma vie.

    Papa obtint rapidement un jardin ouvrier avec une cabane, juste en face de son usine et il reprit vite ses habitudes de jardinier confirmé. L’achat de quelques lapins lui permit de reconstituer le petit élevage qu’il avait abandonné à contrecœur en quittant St Romain. Ainsi, progressivement, nous nous accoutumions tous à cette nouvelle vie urbaine.

    FIFI ET SES BÉBÉS

    Tout allait pour le mieux quand un jour, la petite chienne en chaleur s’échappa pour retrouver un de ces congénères amoureux.

    Après de longues et vaines recherches, nous l’aperçûmes enfin. Elle n’était pas seule. Plusieurs chiens rodaient autour d’elle lorsque je la repérai à l’encoignure de la rue qui longeait le mur du chemin de fer. Craignant qu’à ma vue elle ne se sauve, mon frère et ma mère se joignirent à moi pour piéger la fugueuse. Un de nous chassa ses soupirants pendant que maman récupérait la petite dévergondée dans un état pitoyable d’épuisement et de saleté.

    Suite à cette escapade, un bon bain s’imposait. Sans plus tarder, je préparai une bassine d’eau tiède que je déposai au milieu de la cour. La petite chienne se laissa sagement toiletter quand tout à coup maman s’exclama : « elle est prise, c’est sûr ».

    Fifi n’avait jamais eu de portée et souffrait souvent de grossesse nerveuse, de fièvre de lait…. Il fallut attendre ses onze ans passés pour qu’elle se fasse saillir… Et deux mois plus tard, six bébés naissaient sans la moindre complication. En apparence, ils étaient loin de ressembler à leur mère. Leur couleur variait du beige au noir, de l’uni au moucheté. C’était dommage car nous aurions tant souhaité garder un petit Loulou blanc. Visiblement le géniteur était le Fox Terrier qui rôdait souvent autour de la maison, présent encore au moment de la capture de sa belle.

    Néanmoins, ils étaient adorables tous ces chiots qui passaient leur temps à gloutonner le lait maternel puis s’endormaient entrelacés sur le ventre nourricier. Leur mère s’en occupait avec beaucoup de tendresse et d’attention. Elle les nettoyait sans cesse, ne laissant aucune salissure autour de leur arrière-train. Sous un regard vigilant, elle nous autorisait à caresser ses petits et même à les prendre dans nos bras. C’était un vrai bonheur de les dorloter. Au fur et à mesure qu’ils grandissaient, les plus éveillés tentaient de s’échapper de leur tanière. La chienne se levait alors pour les récupérer en les transportant par la peau du cou jusque sur sa couche. De ce fait, papa dut bricoler un parc autour de leur habitat qu’il tapissa de papiers journaux pour mieux protéger le sol. D’ailleurs, les bouts de chou prospéraient à vue d’œil et les bêtises dépassaient souvent l’inacceptable. Ils sautaient par-dessus l’enclos, déféquaient n’importe où, dépouillaient toutes choses à portée de museau…. Leur fougue n’avait plus de limite et lorsque maman revenait de son travail, elle aspirait à autre chose que de ranger le désordre occasionné par les petits monstres. Il était donc temps de les placer.

    Cinq d’entre eux furent rapidement donnés en échange de quelques oranges, d’un paquet de bonbons ou tout simplement d’un « merci ». Mais au grand désespoir de mes parents, le dernier petit mâle ne trouva pas preneur. Certes il avait une morphologie singulière. Son corps long et rond ressemblait à un tonneau posé sur quatre pattes bien charpentées. Sur sa tête, une bosse occipitale particulièrement saillante apparaissait entre ses deux grandes oreilles de bourricot. J’interprétais personnellement

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