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Christiana ou les enfants de l'utopie: Reportage de société au cœur de la capitale danoise
Christiana ou les enfants de l'utopie: Reportage de société au cœur de la capitale danoise
Christiana ou les enfants de l'utopie: Reportage de société au cœur de la capitale danoise
Livre électronique195 pages2 heures

Christiana ou les enfants de l'utopie: Reportage de société au cœur de la capitale danoise

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À propos de ce livre électronique

Partez à la découverte du quartier le plus "peace and love" de Copenhague

Christiania a été fondée en 1971 au cœur de Copenhague sur une friche militaire de 34 hectares. Héritage du mouvement peace and love, la « ville libre » autoproclamée reste de nos jours un quartier mythique où flotte un drôle de drapeau et un parfum de liberté. Si aujourd’hui l’on ne s’y promène plus nu avec des fleurs dans les cheveux, Christiania demeure un immense squat urbain où près de mille personnes, dont deux cents enfants, expérimentent l’autogestion et la démocratie directe, et où le haschich et le cannabis sont en vente libre.
Qu’est-ce que Christiania ? Dix-sept Christianites ont ouvert leur porte et accepté de raconter leur quotidien à Laurène Champalle.
Christiania est la plus grande expérience de vie alternative au cœur d’une capitale européenne. Christiania est aussi un espoir : l’espoir qu’un autre mode de vie urbain est possible au XXIe siècle. Christiania est un chantier, une expérience en cours, un lieu unique au monde où rien n’est figé, où tout reste à inventer.

Une enquête sociologique format grand angle sur la vie urbaine au Danemark

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

- "Au travers de leurs parcours de vie s’inscrit l’histoire de Christiania : création utopique et expérimentale." (Globe-trotters magazine)

EXTRAIT

Mette et Søren, tous les deux architectes, ont construit la maison de leurs rêves au bord du lac de Christiania : l’un des endroits les plus charmants de l’enclave. Comme l’ensemble des constructions sauvages bâties aux abords des anciennes fortifications de Copenhague, aujourd’hui classées, elle est menacée de démolition.

Un nouveau jour se lève sur le lac de Christiania. Mette ne se lasse pas du spectacle : à travers les roseaux blonds, elle observe les cygnes et les canards glisser tranquillement sur l’eau étale.
Réunie autour de la table familiale en bois clair dessinée par Mette et Søren, confortablement assise sur des chaises Eames vintage vert amande, coquelicot et crème, la famille assiste tous les matins au lever de soleil sur la pièce d’eau, à travers les baies vitrées.
A PROPOS DE L'AUTEUR 

Laurène Champalle est née à Paris en 1981. Journaliste, elle se spécialise dans les questions de société et le grand reportage. Utopie réalisée mais fragile et menacée, Christiania est un sujet qu’elle suit depuis 2003. à cette époque, elle était correspondante à Copenhague des quotidiens Libération et La Tribune. Elle collabore depuis sept ans à de nombreux titres de la presse française (Le Figaro MagazineUlysseManagement...)
LangueFrançais
ÉditeurIntervalles
Date de sortie10 nov. 2015
ISBN9782369561248
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    Aperçu du livre

    Christiana ou les enfants de l'utopie - Laurène Champalle

    À Pierre et Baptiste.

    Utopie

    n.f, du grec ou, « non » et topos, « lieu ».

    1. L’Utopie : pays imaginaire où un gouvernement idéal règne sur un peuple heureux. 2. Plan d’un gouvernement imaginaire, à l’exemple de La République de Platon. 3. Idéal, vue politique ou sociale qui ne tient pas compte de la réalité. Conception ou projet qui paraît irréalisable. Chimère, illusion, mirage, rêve, rêverie. (Le Petit Robert)

    Introduction

    1971, Copenhague. Une crise du logement sans précédent sévit dans la capitale danoise. Les forces de l’ordre expulsent les occupants des squats, rasent les bâtiments insalubres. Les plus précaires se retrouvent à la rue. Deux ans plus tôt, la marine danoise a abandonné la caserne de Bådsmandsstræde, sur la presqu’île de Christianshavn, au sud-est de la capitale. Un vaste terrain boisé de 34 hectares (soit une fois et demie le jardin du Luxembourg) à deux pas du centre-ville, abritant des bâtiments militaires du XVIIIe et du XIXe siècles, une forêt, un lac et même une petite plage : la seule de Copenhague ! En bordure des anciens remparts de la ville érigés au XVIIe siècle par le roi Christian IV, cette enclave de verdure est à quelques minutes du centre de Copenhague et pourtant isolée du reste de la ville par un haut mur d’enceinte et un canal qui se jette dans le port.

    L’information circule et, petit à petit, une foule hétéroclite afflue vers la friche militaire : artistes fauchés, chômeurs libertaires, étudiants idéalistes, émigrés en quête d’un Eldorado, militants anarchistes et communistes, hippies sur la route… Des dizaines d’entre eux escaladent les barrières de la caserne désaffectée et investissent le terrain. Les forces de l’ordre les délogent à plusieurs reprises, puis, dépassées par leur nombre, elles renoncent à expulser les squatteurs, qui fondent leur cité idéale, oasis libertaire au cœur de Copenhague.

    Christiania n’est pas née en un jour, mais ses habitants ont retenu une date : le 26 septembre 1971 naît donc Christiania, autoproclamée « fristaden » – « ville libre ». Ses occupants forment une communauté composite. Si chacun poursuit son propre rêve, un esprit de pionniers les rassemble tous. Christiania ressemble à un immense chantier. La ville libre se construit dans un joyeux désordre. Les anciens entrepôts de munitions et les baraquements, pillés par les ferrailleurs au départ de l’armée, sont transformés en logements collectifs. Leurs murs de briques sont rapidement recouverts de fleurs et de fresques psychédéliques. Les bords du lac et les anciens remparts de la ville sont investis par des roulottes et des constructions sauvages de bric et de broc, où les hippies vivent d’amour et d’eau fraîche.

    Le gouvernement social-démocrate reconnaît Christiania comme « expérience sociale ». La vie de la communauté s’organise au jour le jour et Christiania devient un bastion de la contre-culture. De nombreux équipements collectifs et des commerces ouvrent : un jardin d’enfants, un centre de santé, des bains-douches et un sauna, un service de ramassage des poubelles, un magasin de matériaux de construction de récup’, des ateliers d’artistes, une fabrique de vélos, un atelier de restauration de poêles, une fonderie, une imprimerie, une radio libre, un cinéma, une épicerie, une boulangerie et une foule de bars, de restaurants et de salles de concert. Un surréaliste marché à ciel ouvert des drogues douces, aussi : Pusher Street – la rue des dealers – où le haschich et le cannabis sont en vente libre sur de petits étals, bien qu’ils soient hors-la-loi au Danemark.

    État dans l’État, Christiania se dote d’un drapeau, trois points jaunes sur fond rouge, d’un hymne, intitulé « I kan ikke slå os ihjel » – « Vous ne pouvez pas nous tuer » –, et d’une monnaie, le « lone » – la « paie » : une pièce de cuivre qui représente symboliquement une heure de travail et équivaut à 50 couronnes (6,70 euros). Le lone n’est jamais devenu une monnaie d’échange : si certains commerces de Christiania l’acceptent, les dealers de Pusher Street, eux, n’acceptent que les couronnes !

    Née dans l’anarchie, la ville libre se dote aussi d’un règlement intérieur : les voitures sont bannies de l’enclave au profit des vélos, les armes à feu au profit de l’amour, les drogues dures au profit du haschich et du cannabis. Christiania est un bien collectif : la propriété privée et la spéculation immobilière sont interdites. Nul ne peut louer ou vendre le logement qu’il occupe, car nul ne possède ni logement ni terrain : le site, librement accessible à tous, appartient à l’État danois. Au ministère de la Défense, plus précisément. La sélection des nouveaux arrivants par les habitants de l’enclave fait également partie des principes fondamentaux de Christiania, car la communauté a besoin de gens impliqués. Christiania ne peut fonctionner que si un maximum de personnes joue le jeu, en travaillant au sein de ses collectifs et en participant à ses nombreuses assemblées.

    Pur produit du mouvement hippie, Christiania est une société égalitaire sans chef ni hiérarchie. Refusant toute ingérence des autorités dans leurs affaires, les Christianites ont fondé leur propre système politique et social sur le principe de l’autogestion et de la démocratie directe. La vie de la communauté est rythmée par des assemblées quasi quotidiennes tenues aux niveaux des quartiers, Christiania étant divisée en 14 quartiers, et des coopératives. Les assemblées sont les seules instances décisionnelles. L’Assemblée générale, convoquée sur les questions d’intérêt général concernant l’ensemble de la communauté, ou pour les arbitrages de conflits non-résolus aux niveaux inférieurs, est la plus haute autorité au sein de la ville libre. Il n’y a pas de police, ni d’institution de contrainte, ni de vote dans les assemblées de Christiania : après discussion, les décisions sont prises à l’unanimité, quand il semble qu’un consensus a été trouvé.

    Près d’un millier de personnes, dont deux cents enfants, vivent aujourd’hui à Christiania. Les Christianites ne paient pas de loyer, mais une cotisation à la Caisse commune, à laquelle il faut ajouter l’eau et l’électricité, la rénovation intérieure et extérieure du logement. Cette cotisation finance, avec la taxe sur les bénéfices des coopératives et des commerces locaux, le « service public » interne de Christiania, assurant le ramassage et le recyclage des ordures, la maintenance des bâtiments, l’entretien du site, le courrier, un jardin d’enfants et une maison des jeunes, un fonds social pour les personnes âgées et les plus modestes, un centre de soins… Ni la Ville, ni l’État ne participent au financement du service public et des infrastructures de Christiania.

    Si Christiania s’est construite en alternative à la société, elle n’a pourtant jamais réussi à s’en affranchir. Loin d’être autosuffisante, Christiania dépend largement du monde extérieur : une grande partie des Christianites travaille en dehors de l’enclave. Les autres survivent grâce à l’aide sociale. Les échanges avec l’extérieur sont nombreux, notamment le commerce du haschich et du cannabis : Pusher Street draine chaque jour des centaines de consommateurs.

    Après des décennies de social-démocratie et d’un relatif statu quo pour la ville libre, la tolérance à l’égard de Christiania a changé à partir de novembre 2001, à l’arrivée au pouvoir des libéraux-conservateurs, soutenus au Parlement par l’extrême droite. Sous prétexte de rétablir l’ordre dans la zone hors-la-loi, le Premier ministre Anders Fogh Rasmussen, aujourd’hui à la tête de l’OTAN, est parti en croisade contre Christiania, bien déterminé à « normaliser » la ville libre. « Normaliser », c’est-à-dire liquider le commerce illégal des drogues douces, toléré dans l’enclave du temps des sociaux-démocrates, et raser les constructions sauvages au bord du lac et sur les anciens remparts de la ville, afin de se débarrasser des squatteurs.

    Le gouvernement a commencé par démanteler, début 2004, Pusher Street. En vain : le trafic a continué sous le manteau avant de reprendre, à découvert. À l’heure où la pression immobilière fait flamber les loyers de Copenhague, Pusher Street représentait pour l’État le prétexte idéal pour s’attaquer à Christiania et remettre la main sur son précieux terrain de 34 hectares de verdure en plein centre-ville, illégalement occupé depuis 1971. Sans compter que les anciennes casernes taguées de fresques psychédéliques et les cabanes de guingois de la ville libre détonnent dans les quartiers de Christianshavn et de Holmen, fraîchement réhabilités.

    Pusher Street démantelée, le gouvernement révoque dans la foulée la « loi Christiania », adoptée par les députés en 1989. En légalisant l’occupation du terrain, elle reconnaissait à la ville libre une existence légale et cédait l’autorité sur le site à ses habitants. En 2006, les Christianites portent plainte contre l’État. Mais en 2009, la justice danoise estime que Christiania appartient à l’État et que l’État a donc autorité sur Christiania : à lui de statuer sur l’avenir du site. Les Christianites font appel. Mais la Cour suprême du Danemark les déboute à nouveau, le 18 février 2011. Une nouvelle période de négociations s’ouvre entre l’État et Christiania afin de trouver une solution. Une expulsion manu militari n’est pas envisageable : les Christianites sont trop nombreux et ils bénéficient d’un large soutien auprès de l’opinion publique. Or, les élections législatives doivent être convoquées au Danemark d’ici la fin de l’année 2011…

    Plusieurs options sont à l’étude, dont le transfert de la responsabilité de Christiania de l’État à la municipalité de Copenhague et le rachat de l’ensemble de la zone – terrain et bâtiments – à l’État de manière collective, via une association, pour 3500 couronnes (470 euros) le mètre carré, contre 31 000 couronnes (4155 euros) en moyenne dans le quartier de Christianshavn : un cadeau. Cette dernière option apparaît comme la plus probable. En levant des fonds et en souscrivant des prêts, la collectivité deviendrait propriétaire d’un maximum de bâtiments et de terrain, garantissant ainsi l’interdiction de propriété privée et de spéculation immobilière dans l’enclave.

    La majorité pourrait bien changer aux prochaines élections législatives et les sociaux-démocrates revenir au pouvoir. Le retour de la gauche, après dix ans de gouvernement de droite, est vue d’un bon œil par les Christianites, même si les gouvernements de gauche n’ont, eux non plus, jamais su quoi faire de Christiania : ils se sont tous refilé la patate chaude à chaque élection. C’est aussi grâce à cela que Christiania, la plus grande expérience de vie alternative en Europe, existe toujours, après quarante ans.

    I

    Mette et Søren

    Des architectes au bord du lac

    Mette et Søren, tous les deux architectes, ont construit la maison de leurs rêves au bord du lac de Christiania : l’un des endroits les plus charmants de l’enclave. Comme l’ensemble des constructions sauvages bâties aux abords des anciennes fortifications de Copenhague, aujourd’hui classées, elle est menacée de démolition.

    Un nouveau jour se lève sur le lac de Christiania. Mette ne se lasse pas du spectacle : à travers les roseaux blonds, elle observe les cygnes et les canards glisser tranquillement sur l’eau étale.

    Réunie autour de la table familiale en bois clair dessinée par Mette et Søren, confortablement assise sur des chaises Eames vintage vert amande, coquelicot et crème, la famille assiste tous les matins au lever de soleil sur la pièce d’eau, à travers les baies vitrées.

    Mette, Søren et leurs enfants Solveig, Jakob et Rose vivent dans une drôle de bicoque posée comme un oiseau au bord du lac de l’enclave, à Nordområdet – le quartier Nord. La pièce centrale, haute de plafond, est coiffée d’un toit en double courbe. De part et d’autre, deux petites extensions ont chacune un toit qui s’élance vers le ciel, comme des ailes. Les habitants de Christiania surnomment la maison « Pagoden » – « la Pagode ». Les enfants du couple appellent l’une des extensions « le Poulet », pour sa toiture qui finit comme une petite queue de plumes. D’autres voient dans l’ensemble une cocotte en papier, plutôt qu’un temple bouddhiste ou un volatile. Chacun se représente ce que son imagination lui inspire ! « C’est une forme organique libre, en trois parties », résume Mette, 47 ans. Chaleureuse et tout en rondeur, cette petite blonde aux yeux verts a une tache marron dans un œil, qui lui donne un regard intrigant.

    Mette est architecte, tout comme Søren, son mari. Ensemble, ils ont créé leur agence en ville, à Nørrebro, mais Mette travaille depuis un an pour la municipalité de Copenhague à la réhabilitation du quartier d’Amager, voisin de l’enclave.

    Mette et Søren vivent à Christiania depuis près de trente ans. Søren y est venu la première fois pour rendre visite à une cousine hippie. Christiania était un monde totalement inconnu pour lui qui a grandi au nord de Copenhague dans une famille de la classe moyenne. Son père était ingénieur, sa mère laborantine. Søren avait une formation de charpentier. « J’ai vu dans Christiania une opportunité de m’amuser, d’expérimenter des choses… J’étais jeune, je n’avais pas un rond : je n’aurais rien pu faire à Copenhague. Je me sentais l’âme d’un bâtisseur, je dessinais sans cesse et j’avais beaucoup d’imagination ! L’idée de construire à l’échelle réelle un toit qui s’étire au-dessus de l’eau me plaisait », raconte Søren en désignant la petite maquette en carton qui lui reste de son tout premier projet : sa propre maison.

    En se promenant au bord du lac, le jeune charpentier repère un bout de terrain inoccupé, envahi par les roseaux. Il décide d’aller parler au voisin, lui explique son projet en lui montrant cette petite maquette. Le voisin, un vieux bonhomme, accepte que Søren s’installe à côté. « C’était un peu l’anarchie à l’époque : chacun n’en faisait qu’à sa tête », convient Søren. Aujourd’hui, les Christianites n’accepteraient plus un nouvel arrivant aussi facilement !

    Vient l’été et,

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