Le Baiser de la Mangouste
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À propos de ce livre électronique
Entre les mains libres de quelques oligarques et d'une poignée de personnages influents mais en panne de créativité dans les domaines de l'économie, de la finance, de la sociologie et de la politique, l'Europe est aujourd'hui une toupie qui tourne sur elle-même au bord de l'abîme, avec infiniment de balourd. Aussi, à tout moment, risque-t-elle de succomber au baiser mortel de quelque mangouste sortie soudain de la poche d'un des grands administrateurs de cette communauté européenne-là. En outre, affligée d'une absence de cohésion structurelle et sociale patente, vide duquel procède une entropie qui sur l'échiquier politique profite inexorablement aux extrêmes, elle est le lieu de magouilles éhontées, de corruption, de passe-droits, de laisser-faire, de laisser-aller et, en contrepartie à cela, d'une pression fiscale sans cesse accrue sur les citoyens ordinaires ; de sorte que la plupart d'entre eux ont le sentiment tout à fait légitime d'être non seulement pris en otage par les Etats mais aussi d'être mis en esclavage, dans l'obligation de travailler toujours plus pour, au bout du compte, se retrouver année après année bien plus pauvre que l'année précédente en raison de la lourdeur des impôts dont il leur faut s'acquitter. C'est dans un tel contexte de crise, exacerbé par la mondialisation et les pays de par le monde dont la faillite économique est à l'origine d'une émigration de masse toujours renouvelée vers l'Europe, que Nunzio Oreto, avocat brillant et homme politique charismatique et avisé, a créé son propre parti en France, dont le sigle est ADN : Alliance Démocratique Nationale. Ce parti, qui se situe au centre, jouit auprès de la population d'un écho favorable en raison de l'idéal qu'il prône, adossé à des valeurs et des idées orientées concrètement vers la résolution des grands problèmes auxquels se confrontent actuellement la France mais aussi les autres pays de la communauté européenne. Nunzio est marié à la belle et intelligente Emilie, la fille d'un éminent chirurgien spécialisé dans les affections cardiaques. De l'extérieur, cet homme semble comblé par la vie. Mais, en vérité, contrairement aux apparences, Nunzio n'est pas heureux. Cette incapacité à se sentir touché par la grâce du bonheur est due à sa blessure existentielle, une plaie qui ne veut pas guérir et dont les démangeaisons à l'âme sont incessantes. Alors il gratte celles-ci par l'action, mettant inlassablement ses pas dans les pas de son père, mystérieusement assassiné un soir à Palerme. Mais cette quête, désapprouvée par sa femme, émaillée de dangers de toutes sortes, où l'entraîne-t-elle ? Vers la réconciliation avec lui-même ? La perte de l'amour d'Emilie ? Vers son propre trépas ? À l'histoire de Nunzio se rattachent d'autres histoires, précisément celles des personnages de ce roman coloré de suspense, d'amour et, je crois, sans aucune outrecuidance, d'inventivité. En effet, d'un bout à l'autre du roman, la narration s'appuie sur divers supports de la communication, anciens et actuels : photographies, lettres, téléphones fixes ou portables, SMS, CD-rom, e-mails et, bien entendu, mêlée ici et là, la voix du narrateur lui-même. Entre autres situations singulières, auxquelles les divers personnages du roman se confrontent délibérément ou pas, il est expliqué par exemple en quoi consiste, du moins ici, d'une manière fictive, la mise en résonance d'un esprit sain avec un esprit déstructuré par quelque démence comme la maladie d'Alzheimer afin que celui-là appréhende concrètement de l'intérieur et non pas de l'extérieur l'univers de celui-ci. Cher lecteur potentiel, j'ose croire que cette histoire, intitulée "Le Baiser de la Mangouste" (avec l'idée romanesque que cet animal, dont le baiser est mortel, possède un don d'ubiquité, mais aussi, à l'instar de Zeus, celui de revêtir selon les circonstances telle ou telle apparence fallacieuse), saura susciter votre réflexion à propos des évènements qui y sont relatés.
Roger Henri Dobric
Je suis marié. Dany, mon épouse, est enseignante. Nous avons un fils, Raphaël, qui exerce avec compétence la profession d'ostéopathe. Quant à moi, j'ai une formation à la fois scientifique et orientée vers l'administration des entreprises industrielles. Tant dans la sphère familiale qu'en société je m'efforce (sans toujours y parvenir) de structurer ma conduite à travers un compromis entre la lucidité de la raison et l'intelligence du coeur. Celle-ci procède également de valeurs qui, à l'instar des étoiles pour le nomade ou le marin, m'orientent tout en scintillant dans mon propre ciel. Je fais allusion ici à l'honnêteté, le respect (de soi, d'autrui, des biens communs, quels qu'ils soient, culturels ou inhérents à la nature elle-même), l'engagement, afin de préserver une cohérence entre ce que je dis et ce que je fais. À propos des arts, dont je ne fais aucune distinction entre majeurs et mineurs puisque je suis essentiellement attaché à l'écho émotionnel qu'une oeuvre répercute dans mon univers intérieur, j'aime :Le cinéma d'auteurs qui se déclinent d'Ingmar Bergman à Clint Eastwood en passant par Roman Polanski, Bernardo Bertolucci, David Lynch et bien d'autres ; la peinture figurative qui par son style, sa facture, est capable de s'émanciper de la réalité immédiatement perceptible des choses, comme l'impressionnisme, certaines oeuvres expressionnistes et la peinture onirique de l'artiste Marie-Claire d'Armagnac ; la littérature qui, par le truchement de l'écrit, me permet d'entrer en relation avec des esprits et de regarder alors le monde à travers le prisme de perception de ceux-ci. J'aime une multitude d'écrivains, mais j'avoue être un inconditionnel d'Albert Camus. Enfin, comme quiconque, je chevauche malgré moi le temps qui passe, ce temps qui m'emporte vers mon destin à un rythme plus ou moins soutenu selon les jours, tantôt au galop, tantôt au trot.
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Aperçu du livre
Le Baiser de la Mangouste - Roger Henri Dobric
By
Roger Henri Dobric
Copyright 2015 Roger Henri Dobric
(The copyright concerns at the same time the text and the illustration of the cover.)
Du même auteur sur Smashwords.com
Les Mangeurs d’Âmes
Jesus : The Salt of the Men
Vivre et Mourir d’Aimer
https://www.smashwords.com/profile/view/Dobric
ISBN : 979-10-93010-09-0
Smashwords Edition
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Table des matières
Titre du livre
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
À propos de l’auteur
Chapitre 1 : Lettre de Nunzio Oreto à Guglielmo Alcantara en Sicile
Aix-en-Provence, France.
Le 19 avril.
Très cher Guglielmo,
Mon ami ! Que deviens-tu ? Je n’ai pas de nouvelles de toi depuis si longtemps que je m’interroge souvent sur ton silence. Je me demande alors quel pourrait en être le motif. Mais, invariablement, aucune explication raisonnable ne vient jamais éclairer mon incompréhension. Aussi, quelquefois, alors que mes réflexions mêmes s’égarent dans l’obscurité de cette incompréhension, m’arrive-t-il de penser que le déclin de notre amitié est peut-être la cause de ton énigmatique silence. Si jamais cette hypothèse se confirmait un jour, il me faudrait alors admettre que, contrairement à l’idée que je m’en fais depuis toujours, notre amitié est au fond d’une essence périssable, mortelle comme la plupart des jolies choses qui ne fleurissent qu’un temps ici-bas. Je t’avoue que songer à cela me confond de regrets, de tristesse aussi. Car, figure-toi, j’ai toujours cru notre amitié indéfectible tant elle était lumineuse de franchise, si enrichissante dans nos incessants échanges de nos points de vue sur les choses ordinaires de la vie, mais aussi dans la confrontation de nos perceptions respectives à l’égard des sphères économiques, financières, sociales et politiques, cette nébuleuse de la globalisation en somme, dans laquelle tant la Communauté Européenne que tous les autres pays du monde se délitent sans savoir comment, à partir de leur propre effondrement, renaître démocratiquement à un autre soi-même. Mais par la faute de ton attitude, à la fois si imprévisible et si mystérieuse, le doute s’est immiscé en mon âme. Depuis, tel un ver à l’intérieur de quelque beau fruit, il taraude sans trêve ma foi en notre amitié. En effet, au cours des six derniers mois tu ne nous as pas écrit une seule fois, nous laissant ainsi sans nouvelles de ta famille et de toi-même — toi, Guglielmo, l’ami d’enfance qui étudia très tôt le Français pour se faire comprendre de ma mère autrement qu’en Sicilien. Cecina, ta fille, et Alma, ton épouse, comment vont-elles ? Ta dernière lettre est datée du 20 octobre de l’année dernière. Elle a été expédiée d’Assise, cette ville pieuse que je ne connais pas bien, ou du moins pas aussi bien que Pérouse ou certains villages autour du lac de Trasimène. Tu séjournais alors avec Alma, un peu souffrante, m’écrivais-tu, au pied d’Assise, sur la route qui conduit au refuge de Saint-François, dans une ferme agricole circonscrite de toutes parts par l’immensité d’une magnifique oliveraie. Tu avais entrepris ce voyage en Ombrie pour étudier les possibilités de t’associer les volontés des oléiculteurs de la région dans le but de créer, avec des agriculteurs siciliens orientés vers les cultures biologiques, une entreprise multirégionale d’exportation de produits sains, non contaminés par les pesticides et quantité d’autres poisons, vers différents pays de la Communauté Européenne et notamment vers la France. Ce projet d’exportation de denrées biologiques, qui semblait te tenir tant à cœur, où en est-il ? Dans ta dernière lettre, tu me demandais de t’exposer les difficultés administratives auxquelles tu te heurterais si jamais tu envisageais par la suite d’ouvrir une succursale d’une telle société commerciale en France. De ces difficultés, j’en ai fait un recensement exhaustif que je t’ai expédié. C’est alors que tu as cessé soudainement de m’écrire.
Tout au long du semestre écoulé j’ai essayé maintes fois de forcer l’énigmatique silence derrière lequel tu t’es retranché. Mais toutes mes tentatives se sont soldées par un échec : mes lettres sont restées sans réponse et, invariablement, à chacun de mes appels téléphoniques la voix d’une opératrice me répondait à l’autre bout de la ligne que le numéro demandé n’était pas attribué. Aussi, après ces vains essais d’entrer en communication avec toi, que puis-je faire d’autre, sinon patienter, attendre que tu te décides enfin à renouer avec mon amitié à ton endroit, toujours aussi grande aujourd’hui qu’autrefois ?
Néanmoins, malgré l’étrangeté du silence dont tu t’entoures, et qu’Emilie prend à tort ou à raison pour de l’indifférence à notre égard, je ne peux te taire l’immense joie que j’éprouve en ce moment. Car n’es-tu pas en vérité cet ami d’enfance avec lequel j’ai toujours partagé mes émotions, quelles qu’elles fussent, bonnes ou mauvaises ? Cette joie, dont la frénésie m’émeut jusqu’aux larmes, procède de deux succès en quelque sorte concomitants : d’une part celui que mon « blog », consacré exclusivement aux sujets d’ordre politique, rencontre auprès de mes concitoyens ; d’autre part celui que j’ai connu avant-hier, devant un parterre de personnes sans nombre venues écouter de bout en bout mon discours, le premier d’une série que j’espère longue et surtout enrichissante pour mes auditeurs.
À cette occasion, j’avais loué une salle de cinéma à Aix-en-Provence. Elle était comble. C’est grisant de constater que, par conviction ou par mimétisme, je ne sais pas, les gens rassemblés devant toi acquiescent soudain à ce que tu prêches, aux idées qui charpentent la vision que tu leur exposes, en l’occurrence celle d’une démocratie réellement participative et non plus représentative comme aujourd’hui, d’une société plus humaine, plus lucide aussi des dangers qui menacent l’humanité d’une imminente et irréversible descente aux enfers sans une prise de conscience collective et effective de la nécessité de préserver notre environnement naturel.
Avec le concours de Jean-Luc Foène, mon associé et conseiller en communication, j’avais longuement préparé ce discours, depuis son écriture jusqu’à sa mise en scène. Je voulais que, guidé par un souci de réel partage de son contenu avec mes auditeurs, il soit original, inédit dans sa présentation, sa progression depuis l’exorde jusqu’à la péroraison. Afin de satisfaire ce désir de nouveauté, je décidai de susciter l’imagination de l’auditoire tout en sollicitant ses émotions et ses sens, depuis l’ouïe jusqu’à la vue, sans omettre l’odorat. Ainsi Jean-Luc et moi-même optâmes pour un programme d’illustration de mes propos. Celui-ci, avions-nous convenu, se structurerait d’une manière théâtrale autour d’exemples visuels sous-tendus par des odeurs appropriées à chacun d’eux. Nous étions persuadés qu’en procédant de la sorte, l’auditoire, porté par un étonnement enjoué, me témoignerait non seulement une écoute bienveillante mais, en outre, comprendrait l’impérieuse nécessité de se rallier à ma vision politique.
Un rideau blanc était tendu d’un bout à l’autre de la scène, dans toute sa longueur. Dans de grands coffres semblables à ceux que les voyageurs utilisaient autrefois pour transporter leurs effets, nous avions dissimulé divers objets. Leur fonction, aux uns et aux autres ? Faciliter la compréhension de mon discours tout en exaltant l’imagination des auditeurs. En effet, brandissant ostensiblement tantôt les uns, tantôt les autres au fil de mon allocution, ces objets, par leur pouvoir de suggestion, devaient éclairer au-delà des mots les idées dont mon discours s’émailleraient, pensait-on, Jean-Luc et moi-même. Au premier plan, sur le devant de la scène, nous avions installé une table recouverte d’une nappe blanche. Un chapeau haut-de-forme trônait sur la table, voisinant avec une baguette magique parce qu’elle s’apparentait à celle que les illusionnistes utilisent pour faire surgir des lapins blancs ou des colombes de leur chapeau.
Je remerciai d’abord les gens d’être venus m’écouter en si grand nombre, puis je commençai mon discours à peu près de la sorte :
« Contrairement aux apparences, dis-je en montrant d’un geste ample et empreint d’ironie les objets disposés sur la nappe blanche de la table, je ne suis pas un de ces êtres merveilleux qui, apparaissant soudain sur la scène politique avec sa baguette magique dans la main, promet de faire advenir un beau miracle à la place de chacun des problèmes auxquels nous sommes confrontés. Non, je ne suis pas un de ces personnages-là ! Je ne suis donc ni un faiseur de mirages, ni un conteur d’histoires bleues ! » ai-je dit soudain la voix plus haute, frappant du poing ma poitrine.
Je marquai ensuite un temps d’arrêt. Puis, présentant à l’auditoire les paumes de mes mains ouvertes, je repris :
« Ainsi que la plupart d’entre vous, mesdames, messieurs, je suis un citoyen tout à fait ordinaire ; oui, ordinaire mais digne de confiance parce que je suis accoutumé à accorder mes actes à mes paroles, à faire ce que je dis en somme ! Je suis aussi ce citoyen qui, bien qu’ordinaire, observe ici et là les manifestations des dures réalités de la vie, écoute palpiter le cœur d’un monde à bout de souffle, prêt à s’écrouler sur lui-même… »
À ce moment, alors que je venais de suspendre intentionnellement ma phrase avant qu’elle ne fût terminée, des photographies, projetées par l’opérateur technique sur le grand rideau blanc, apparurent dans un perpétuel mouvement de substitution des unes aux autres. Elles imageaient le drame écologique qui se joue actuellement un peu partout dans le monde, mais que nous nions collectivement par insouciance, peut-être aussi parce que dans nos sociétés modernes l’instinct de mort prévaut désormais sur l’instinct de vie. J’accompagnais chaque projection d’un commentaire. Car, aux problèmes exposés par les photographies, je voulais associer à chacun d’eux, par un langage intelligible, tant leurs causes que les conséquences sur notre destin commun. Les photographies rappelaient à l’auditoire les tempêtes de poussière et les grands incendies de plus en plus fréquents de par le monde en raison de l’universalité de la sècheresse qui sévit, l’atrophie croissante de notre petite planète de rien du tout à cause de la démesure avec laquelle on exploite son sous-sol, ses océans, ses forêts primitives… De chacune de ces photographies, outre les odeurs générées par des parfums de synthèse, s’exhalait le sentiment très fort qu’une catastrophe apocalyptique couvait tranquillement sous le couvert de notre inconscience collective.
Tandis que le public observait les dernières photographies qui lui étaient projetées, je sortis une grosse toupie en bois d’un des coffres, puis un gant noir, grossièrement ouvragé dans du cuir, dont les doigts se prolongeaient par de longues griffes. Je posai ces objets sur la table déjà encombrée par le haut-de-forme et la baguette magique. La projection étant maintenant terminée, je repris la parole :
« Je ne sais pas, mesdames, messieurs, quelles pensées, quels sentiments les photographies que vous venez de voir vous inspirent. Pour moi, du moins, elles annoncent le retour du monde au grand chaos originel, et cela à brève échéance si nous ne nous mobilisons pas immédiatement pour tenter d’infléchir tous ensemble la trajectoire d’une telle destinée. Voyez-vous cette toupie et ce gant, l’une représentant notre monde, l’autre la main diabolique dont il dépend ? Mais cette main, qui gouverne le monde, par quoi est-elle incarnée ? Par la démesure en toute chose : la globalisation, une logique financière qui privilégie les profits immédiats et faciles au détriment des investissements générateurs d’emplois et de bénéfices à long terme… »
Tout en parlant j’avais saisi la toupie d’une main, puis fourré l’autre main dans le gant. À présent, je jouais à lancer maladroitement la toupie sur la table. Et, dans la salle, on riait à cause de ma maladresse feinte.
« Avez-vous une idée de la couleur vers laquelle tend notre destin commun, jour après jour ?... Voyez le rideau suspendu entre l’avant et l’arrière de la scène sur laquelle je me tiens, face à vous. Il est blanc, il a la couleur des suaires, des linceuls ; il représente l’incertitude derrière laquelle se dissimule notre avenir. Je vais vous révéler maintenant quel futur nous partagerons si jamais nous ne réagissons pas, nous ne nous extirpons pas rapidement de notre apathie aux affaires publiques. »
J’écartai le rideau. Un castelet apparut alors dans un paysage de sable et de rochers, désertique en somme. J’allai relever le couvercle d’un autre coffre ; j’en sortis une marionnette en bois, que l’on pouvait mouvoir à l’aide de ficelles reliées à ses membres. Son nez était long, pointu et rouge. J’animai cette marionnette un instant. Et bientôt, tandis que je tirais assez maladroitement sur les ficelles dont elle était pourvue, son agitation souleva dans la salle quelques rires sporadiques. J’attendis que le silence revînt parmi le public. Je m’affublai alors d’une perruque aux cheveux filasses, aussi roux que la barbe du maïs, et d’une paire de lunettes sans verres, à la monture épaisse. Quand j’eus terminé de me déguiser de la sorte, je m’approchai du bord de la scène, brandissant la marionnette à bout de bras.
« Elle s’appelle Pinocchio, dis-je. C’est un petit garçon. Elle a été fabriquée par Gepetto, le menuisier d’un village toscan, dans une bûche, un vulgaire morceau de bois de chauffage. Pour une
