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Correspondance Diplomatique de Bertrand de Salignac de La Mothe Fénélon, Tome Troisième
Correspondance Diplomatique de Bertrand de Salignac de La Mothe Fénélon, Tome Troisième
Correspondance Diplomatique de Bertrand de Salignac de La Mothe Fénélon, Tome Troisième
Livre électronique622 pages9 heures

Correspondance Diplomatique de Bertrand de Salignac de La Mothe Fénélon, Tome Troisième

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Date de sortie27 nov. 2013
Correspondance Diplomatique de Bertrand de Salignac de La Mothe Fénélon, Tome Troisième

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    Correspondance Diplomatique de Bertrand de Salignac de La Mothe Fénélon, Tome Troisième - Bertrand de Salignac de la Mothe Fénélon

    tournois.

    CORRESPONDANCE

    DIPLOMATIQUE

    DE

    BERTRAND DE SALIGNAC

    DE LA MOTHE FÉNÉLON,

    AMBASSADEUR DE FRANCE EN ANGLETERRE

    DE 1568 A 1575,

    PUBLIÉE POUR LA PREMIÈRE FOIS

    Sur les manuscrits conservés aux Archives du Royaume.

    TOME TROISIÈME.

    ANNÉES 1570 ET 1571.

    PARIS ET LONDRES.


    1840.

    DÉPÊCHES, RAPPORTS,

    INSTRUCTIONS ET MÉMOIRES

    DES AMBASSADEURS DE FRANCE

    EN ANGLETERRE ET EN ÉCOSSE

    PENDANT LE XVIe SIÈCLE.

    RECUEIL

    DES

    DÉPÊCHES, RAPPORTS,

    INSTRUCTIONS ET MÉMOIRES

    Des Ambassadeurs de France

    EN ANGLETERRE ET EN ÉCOSSE

    PENDANT LE XVIe SIÈCLE,

    Conservés aux Archives du Royaume,

    A la Bibliothèque du Roi,

    etc., etc.

    ET PUBLIÉS POUR LA PREMIÈRE FOIS

    Sous la Direction

    DE M. CHARLES PURTON COOPER.


    PARIS ET LONDRES.


    1840.

    LA MOTHE FÉNÉLON.

    Imprimé par BÉTHONE et PLON, à Paris.

    AU-TRÈS-NOBLE

    GEORGE HAMILTON GORDON

    COMTE D'ABERDEEN.

    CE VOLUME LUI EST DÉDIÉ

    PAR

    SON TRÈS-DÉVOUÉ ET TRÈS-RECONNAISSAINT SERVITEUR

    CHARLES PURTON COOPER.

    DÉPÊCHES

    DE

    LA MOTHE FÉNÉLON.

    LXXXIe DÉPESCHE

    —du IVe jour de janvier 1570.—

    (Envoyée jusques à Callais par Jehan Vollet.)

    Audience accordée par la reine d'Angleterre à l'ambassadeur de France.—Désir du roi de rétablir la paix en son royaume.—Satisfaction qu'il éprouve de ce que les troubles du Nord paraissent apaisés en Angleterre.—Protestation d'Élisabeth qu'elle ne désire rien tant que la réunion des églises.—Instances de l'ambassadeur en faveur de Marie Stuart.—Explications sur la conduite qu'il a dû tenir dans cette négociation.—Nouvelles arrivées à Londres sur l'état des affaires des protestans en France.—Nouvelles des troubles du Nord; déroute des comtes de Northumberland et de Westmorland.

    Au Roy.

    Sire, j'ay faict entendre à la Royne d'Angleterre que, pour la bonne estime que Voz Majestez Très Chrestiennes ont de sa bonne et droicte intention en l'endroit de voz affères et de la tranquillité de vostre royaulme, vous n'avez sitost veu donner ung peu de commancement et ouverture à la paciffication des troubles et guerres d'iceluy, que vous ne m'ayez incontinent commandé de le luy notiffier, affin que, devant toutz les aultres princes vos alliez, elle ayt le plaisir d'entendre que les choses s'acheminent par la voye qu'elle a désiré; et ainsy, luy particullarisant ce qui est advenu à la reddition de Sainct Jehan d'Angely, et les propos que le sieur de La Personne vous a tenuz, avec la vertueuse responce de Vostre Majesté, laquelle elle a vollu curieusement lyre par deux foys, j'ay suivy à luy dire: qu'encor que vous ayez grand occasion de vous rescentir des choses mal passées, du costé de ceulx de la Rochelle, de ce qu'ilz ont mené une très viollante et dangereuse guerre dans vostre royaulme, et y ont introduict les armes et armées estrangières, à la grand ruyne de vos bons subjectz; et qu'il soit maintenant en vostre pouvoir de prendre par force toutes les places qu'ilz tiennent, et de poursuyvre et venir bien à boult du reste qui est encore en campaigne; néantmoins vous aymez mieulx uzer envers eulx de la clémence toutjour accoustumée à vostre couronne, et plus usée de vostre règne, que de nul de toutz voz prédécesseurs, et les regaigner par doulceur, que de les mener à l'extrémité d'ung chastiment, espérant qu'ilz auront tant plus de regrect de leurs deffiances passées, et persévèreront dorsenavant plus constantment en la confiance, fidellité, et amour qu'ils doibvent à Vostre Majesté, leur prince naturel, que moins ils espéroient d'estre jamais receuz en vostre bonne grâce, laquelle néantmoins vous ne leur avez différée d'ung seul moment, aussitost qu'ilz ont offert de s'humilier et de se remettre en vostre obéyssance.

    La dicte Dame, d'ung visaige joyeulx, m'a respondu qu'à ceste heure me voyoit elle, et oyoit mes propos, de trop meilleure affection qu'elle n'avoit faict despuys ung an, et qu'elle rendoit grâces à Dieu d'avoir miz au cueur de Voz Majestez Très Chrestiennes, et pareillement en ceulx de vos subjectz, de retourner à ce mutuel bon ordre de vostre bénignité envers eulx et de leur subjection envers vous; qu'elle vous remercye mille et mille foys de luy avoir, ainsy soubdainement et particullièrement, faict entendre en quoy les choses en sont, ès quelles elle vous desire tant de bien et de bonheur que vous les puissiez effectuer à vostre grand advantaige et au repoz de toute la Chrestienté; et que, si son moyen y peult servyr de quelque chose, elle le vous offre de tout son cœur, bien qu'elle ne peult fère que ne porte quelque envye au bonheur de celluy qui a sceu si oportunéement mettre en avant ce sainct et desiré propos, qu'il ayt heu meilleur rencontre que quant, d'aultre foys, elle a entreprins d'en parler; et qu'elle n'a regrect sinon à ce que voz subjectz peuvent monstrer au monde que, pour leur avoir esté viollé vostre propre éedict de la paciffication, tant par attemptatz contre leurs vies, que par contraires lettres contre l'exercisse de leur religion, ilz ayent heu quelque aparante coulleur de prendre les armes; non que pourtant elle aprouve qu'ilz ayent bien faict, car plustost s'en debvoient ils estre allez, et qu'il est tout certain que de quelles persuasions qu'on luy ayt usé, qui n'ont esté petites, sur la justiffication de leur cause, elle ne les a jamais volluz secourir.

    Je luy ay répliqué que tout le tort de ceste guerre se manifeste en ce que ceulx de l'aultre party, en leur plus grande résistance, se trouvent vaincuz par vos forces, et sont par vostre clémence surmontez en leur humillité, et que cella vous faict prendre meilleure espérance de voir bientost remiz vostre royaulme en son premier estat et grandeur; adjouxtant, afin de parler de la réunion du sien, que ce que je luy ayt dict de ceste réconcilliation de vos subjectz, Voz Majestez desirent qu'elle le preigne pour ung tesmoignage que, comme vous estes correspondant à son desir sur le bien de vostre royaulme, qu'aussi bien le serez vous sur le bien et paciffication du sien, et sur ce que vous entendrez bientost que ceste eslévation, qui a apparu en son pays du North, est esteinte ainsi que je le vous ay desjà mandé.

    La dicte Dame, usant là dessus de beaucoup de mercyementz, m'a fort prié de vous assurer que toute ceste guerre du North est véritablement achevée, et que le comte de Northomberland, se retirant en Ecosse, est tumbé ez mains du comte de Mora; que le comte de Vuesmerland s'en est fouy seul, et abandonné des siens, aux montaignes des frontières; et que plus de cinq cents gentishommes des leurs sont prins, le reste discipé, et plusieurs exécutez; et qu'elle ne prendroit que pour une risée toute ceste entreprinse, tant elle a esté folle et légière, n'estoit qu'il luy faict mal au cueur qu'il s'y soit trouvé meslé ung seul homme de qualité.—«Car jamais subjectz, dict elle, n'eurent moins d'occasion que les siens de mouvoir choses semblables contre leur prince.»

    Et luy ayant seulement répliqué ce mot: «c'est qu'il est fort à craindre que, tant que la division de la religion durera, que l'on sera toutz les ans à recommancer,» elle m'a soubdain respondu qu'à la vérité, puisque les Protestans commancent de proposer entre eulx, assavoir s'il y a aucune cause pour laquelle l'on puisse, sellon Dieu et conscience, se soubstraire de l'obéyssance d'ung prince, et le démettre de son estat; ainsy que le Pape, de son costé, déclaire aussi les estats de ceulx, qu'il tient pour scismatiques ou hérétiques, toutz comis et vacquans; elle estime que toutes les couronnes de la Chrestienté sont assez mal asseurées, et que, de sa part, elle ne se montrera jamais opiniastre de ne se conformer aulx aultres princes chrestiens, quant Dieu leur aura mis au cueur de procurer, toutz ensemble, la réunyon de l'esglyze de Dieu.

    Après cella, Sire, j'ay mené le propos à parler de la Royne d'Escoce, faisant toutjour instance de sa liberté, bon traictement et restitution. Sur quoy elle m'a dict que Voz Majestez Très Chrestiennes en avez parlé amplement à son ambassadeur, et qu'elle vous prie de considérer que le différand est entre deux princesses qui vous sont parantes, allyées et confédérées; desquelles vous debviez égallement peser leur droict, et n'avoir en tant d'affection celluy de la Royne d'Escoce que ne regardiez à conserver le sien; et qu'elle vous fera remonstrer encores d'aultres choses par son dict ambassadeur, ès quelles elle espère que vous luy ferez favorable responce; et ay cogneu, Sire, que les propos que Voz Majestez ont tenu là dessus au dict ambassadeur ont grandement esmeu la dicte Dame, à laquelle j'ay dict que, puysque vostre intention se trouve conforme aulx continuelles instances que je luy ay faictes icy de vostre part pour la Royne d'Escoce, que je la suplye de déposer à ceste heure le cueur et le courroux qu'elle a contre elle, puysqu'elle s'est justiffiée de toutz ces troubles du North, pour se la randre désormais tant attenue et obligée, qu'elle n'ayt à estre jamais rien tant que toute sienne; et que, pour l'amour de Voz Majestez Très Chrestiennes, qui tant l'en priez, elle veuille aussi faire quelque chose pour son bien, n'estant possible que vous puyssiez laysser de le pourchasser tant que vous la voyez restituée, ce que vous desirez toutesfoys estre sellon son gré et contantement.

    Elle m'a promiz là dessus, qu'aussitost qu'une responce, qu'elle attant d'Escoce, sera arrivée, elle ne diffèrera d'ung seul jour d'entendre en l'affaire de la dicte Dame, et y prendre ung si bon expédiant qu'elle espère que vous en serez contant; dont de tout ce qui s'en résouldra elle mettra peyne que vous en soyez adverty: et remettant, Sire, plusieurs aultres choses, que j'ay notées de ses propos, au premier des miens que je vous dépescheray, je bayseray en cest endroict très humblement les mains de Vostre Majesté, et supplieray le Créateur qu'il vous doinct, Sire, en parfaicte santé, très heureuse et très longue vie, et toute la grandeur et prospérité que vous desire.

    Ce ıve jour de janvier 1570.

    Je crains assés qu'on veuille mettre en avant l'eschange de la Royne d'Escoce et du comte de Northomberland; vray est qu'il ne s'en entend encores rien.

    A la Royne.

    Madame, je mectz en la lettre, que j'escriptz au Roy, aulcuns propos de la Royne d'Angleterre, touchant ceulx que, par les deux dernières dépesches de Voz Majestez, vous m'avez commandé de luy tenir, sur lesquelz me reste à vous dire, Madame, qu'il semble que ceste princesse et les siens soyent bien ayses, mais diversement, qu'il se face une paciffication en vostre royaulme; elle, affin d'estre exempte de bailler secours à ceulx de la Rochelle, et ne venir à vous faire quelque manifeste offance pour eulx, et mesmes aura plaisir que les choses se facent à votre grand advantaige; et eulx, pour n'ozer meintenant guières presser leur Mestresse de les secourir, ny d'attempter rien qui vous puysse desplayre; mais ilz vouldroient que l'advantaige demeurât à ceulx de l'aultre party, sur la soubmission desquelz, laquelle leur ambassadeur a escripte par deçà, encores que le jeune comte de Mensfelt fût desjà despêché, ilz le font temporiser, affin d'attandre quelle yssue prendra ce que le Sr de La Personne en a commencé de traicter. Et doublant assés que la paciffication ne s'en puysse bien ensuyvre, luy et le Sr de Lombres incistent grandement de fayre résouldre icy quelque secours de pouldres et d'armes, et de quelque nombre de gens de cheval, pour l'envoyer à Mr l'Admyral, s'esforceans de persuader qu'il est encores si fort qu'avec bien peu d'ayde, il se monstrera plus relevé que jamais, et qu'on luy veuille aussi (soubz caution) assister de quelques deniers, pour envoyer au duc de Cazimir, affin de souldoyer des gens de pied, sans lesquelz il n'oze mettre en campaigne les gens de cheval qu'il a toutz prestz; et que d'ailleurs le prince d'Orange, voyant qu'une sienne entreprinse qu'il avoit en Flandres est descouverte, se dellibère de tourner tout son aprest aulx choses de France; lesquelles propositions demeurent encores en suspens; et je metz peyne, en tout évènement, de les retarder ou empescher, aultant qu'il m'est possible.

    Quant à ceulx du North, j'ai vollu vérifier si ce que m'en a dict la dicte Dame estoit vray, parce qu'on luy déguyse assés souvent les nouvelles; mais l'on m'a confirmé la route des deux comtes et de toute leur armée, laquelle a esté de quinze mil hommes; dont y en avoit sept mille de pied bien armez, et deux mil de cheval en aussi bon équipaige qu'il s'en peult trouver en Angleterre; et que n'ayantz, pour leur irrésolution et mauvais accord, ozé venir au combat, ilz se sont retirez en la frontière d'entre l'Angleterre et l'Escoce, où celluy de Northomberland et sa femme sont tumbez ez mains d'un armestrang[1], qu'on a estimé le devoir incontinent livrer au comte de Mora; et que celluy de Vuesmerland, en habit déguysé, s'en est fouy au plus haut des montaignes, ayant pour ceste occasion ceste Royne envoyé casser incontinent son armée, et révoquer le comte de Vuarvic. Mais aulcuns estiment que le dict armestrang n'est pour consigner le comte de Northomberland à celluy de Mora, ains plustost pour le relever et pour luy ayder à remettre sus nouvelles forces.

    Au reste nul propos n'esmeust tant ceste Royne que quant on luy parle de la Royne d'Escoce, et ce que Voz Majestez en ont dernièrement dict à son ambassadeur a faict beaucoup d'effect envers elle. J'ay bien vollu, pour mon regard, tirer de la propre parole de la dicte Dame ma justiffication de ne luy avoir, sur les affaires de la dicte Royne d'Escoce, ny en nulle autre matière, jamais dict ung seul mot qui l'ayt peu offancer; de quoy elle m'a randu le tesmoignage tout clair et prompt, que non seulement elle n'a trouvé jamais mauvaise, ains très agréable, ma façon de parler, et la substance de toutz mes propos, ainsy que je les luy ay dictz, et qu'elle vous fera expliquer que ce qu'elle a prins à cueur de mon dire est pour luy avoir asseuré que Voz Majestez réputeroient toucher à leurs propres personnes les torts et indignitez qu'on feroit à celle de la Royne d'Escoce; et qu'elle s'estime vous apartenir en si bonne part, qu'elle doibt bien estre tenue en quelque compte et respect envers Voz Majestez aussi bien que la dicte Royne d'Escoce. A quoy je luy ay satisfaict si bien que, prenant rayson en payement, elle a promis d'entrer bientost en quelque expédiant touchant les affaires de la dicte Dame; et m'a prié au reste de vous escripre fort affectueusement que, à ce changement de gouverneur de Bretaigne, il vous playse de commander à celluy qui l'est meintenant, et à son lieutenant, de donner libre et sûr accez aulx Angloix, de leur pouvoir aller demander justice; et que dorsenavant ilz la leur vueillent administrer eulx mesmes, puysqu'il n'est possible qu'ilz la puissent aulcunement avoir des officiers et magistratz du pays, car ses dicts subjectz ne peuvent plus supporter les oltraiges qu'ilz y reçoipvent ordinairement.

    Depuis le partement du Sr Chapin, l'on a fait exorter les estrangiers de s'abstenir de tout commerce avec les subjectz du Roy d'Espaigne et de ne couvrir aulcunement leurs trafficqs par lettres, ny soubz noms empruntez d'aultres merchantz; et néantmoins la dicte Dame a vollontairement offert au dict Sr Chapin d'admettre l'ambassadeur d'Espaigne à parler et traicter avecques elle comme auparavant, sur le moindre mot que le Roy d'Espaigne luy en vouldra escripre.

    Je bayse très humblement les mains de Vostre Majesté et prie Dieu, qu'il vous doinct, etc.

    Ce ıve jour de janvier 1570.

    La Royne d'Angleterre, outre les susdicts propos, m'a très honorablement parlé, et avec aparance de bonne affection, de Voz Majestez et de Monseigneur vostre filz, et qu'elle avoit avec grand playsir ouy, du filz de Mr Norreys, plusieurs actes généreux et de grand vertu du Roy et de mon dict Seigneur, lesquelz elle luy avoit faict réciter plus de deux foys, sellon qu'il disoit les avoir veuz et les avoir aprins de ceulx qui les sçavoient bien.—Ceulx de ce conseil, et mesmement le comte de Lestre, m'ont faict pryer d'octroyer mon passeport au Sr Barnabé, qu'ilz dépeschent, avec commission de ceste Royne, pour aller recouvrer une grande nef vénicienne, chargée de plus de cent cinquante mil escus de merchandize, qu'on envoyoit en ceste ville, laquelle le capitaine Sores a prinse despuys ung mois; affin que, si le dict Barnabé est rencontré par les gallères ou navyres françoys, ilz ne luy facent poinct de mal. Je ne sçay s'il yra poursuyvre le dict Sores jusques à la Rochelle.

    LXXXIIe DÉPESCHE

    —du Xe jour de janvier 1570.—

    (Envoyée jusques à Callais par homme exprès.)

    Ferme persuasion où l'on est en Angleterre que la paix sera conclue en France.—Nouvelles du Nord et de la Flandre.—Meilleur traitement fait à la reine d'Ecosse.—Crainte des Anglais que le roi, délivré de la guerre civile, ne donne assistance aux Espagnols dans les Pays-Bas pour attaquer l'Angleterre.

    Au Roy.

    Sire, il est venu adviz à la Royne d'Angleterre, par la voye de la mer, que ceulx de la Rochelle tiennent déjà comme pour conclud le propos qu'ilz vous ont faict requérir de la paix; et, par ainsy, que vostre royaulme s'en va hors de troubles, et vous, Sire, en bon trein de remettre sus fort bien et bientost vos affères, sans qu'il aparoisse que, pour toutes ces horribles guerres passées, il vous y soit advenu aulcune diminution, ny en l'estendue de vostre estat, ny en l'affection de vos subjectz, ains plustôt, une augmentation partout de vostre grandeur; de laquelle le fondement, en cette mesmes division, s'est monstré si ferme qu'on a opinion, s'il est une foys bien réuny, que nulles forces humaines le pourront jamais esbranler. Dont ceste Royne et les siens continuent, à ceste heure, de me fère meilleure démonstration que jamais de vouloir persévérer en bonne paix et amytié avec Vostre Majesté; et n'ont encore dépesché le jeune comte de Mensfelt, ny rien respondu au Sr de Lombres, attendans si la fin du dict propos viendra à bonne conclusion, ou bien s'il sera rompu. Et, cependant, est arrivé ung homme d'Allemaigne, lequel, à ce que j'entans, raporte que le Cazimir ne lève pas encores ses reytres, mais qu'il a distribué, ces jours passés, une somme de deniers aulx capitaines, affin d'estre pretz, quant il les mandera; et il parle aussi des praticques et menées du prince d'Orange.

    Les choses d'icy ne monstrent, à ceste heure, guières grand mouvement, estantz ceulz du North séparez et rompuz d'eulz mesmes, ainsy que je le vous ay confirmé par mes précédantes du ııııe de ce moys. Il est vray que, de tant que les deux comtes ne sont au pouvoir de la Royne d'Angleterre ny ne sont pour y estre aiséement livrez, parce qu'on dict que celluy de Northomberland est avec milor de Humes et avec le ser de Farmihirst, comme avecques ses amys; et celluy de Vuesmerland, avec le comte d'Arguil, qui le trette bien; la chaleur de leur entreprinse n'est encores réfroydie aulx cueurs des Catholiques, ny en ceulz des malcontantz; lesquelz demeurent d'ailleurs en quelque espérance du duc d'Alve, par la mesme peur et grande souspeçon qu'ilz voyent que la Royne d'Angleterre et ceulx de son conseil se donnent des aprestz qu'il faict, qui leur sont confirmez par plusieurs secrectes lettres qu'arrivent ordinairement à la dicte Dame des Pays Bas; et mesmes l'asseurent que, despuys le retour du marquis de Chetona, le dict duc s'est résolu de vouloir recouvrer, commant que ce soit, ses deniers, et les marchandises d'Espaigne arrestées par deçà, et que, pour y commancer par quelque bout, il a commandé de consigner toutz les biens des Anglois, qui estoient en Anvers, à certains Gènevois qui ont faict ung party de six centz mil escuz avec le Roy d'Espaigne; dont ceulx cy se préparent, avec grand dilligence, au long de la coste qui regarde vers Flandres, pour résister à ses entreprinses. Je prendray garde à quoy, jour par jour, cella s'acheminera, affin de vous en donner toutjour adviz.

    Despuys la dernière instance que j'ay faicte à ceste Royne pour la Royne d'Escoce, elle l'a faicte ramener à Tutbery, en la compaignie du comte de Cherosbery seul; s'en estant celluy de Untington allé, qui a esté du tout deschargé de sa garde, et elle remise en ung peu plus de liberté, avec démonstration à monseigneur l'évesque de Roz de quelque faveur davantaige en ceste court, et d'y mieulx recepvoir ses remonstrances, qu'on n'avoit faict toutz ces jours passez. Ce qui nous remect en quelque espérance que nous pourrons bientost (si nouvel accident ne survient) obtenir une ou aultre provision ez affères de la dicte Dame. Sur ce, etc.

    Ce xe jour de janvier 1570.

    A la Royne.

    Madame, ce qui s'espère de la paciffication des troubles de vostre royaulme ne monstre aporter, à ceste heure, tant de soupeçon à la Royne d'Angleterre ny aulx siens, comme il sembloit que, du commancement, ilz eussent très ferme opinion que la fin de nostre guerre seroit ung commancement à eulx d'y entrer. Il est vray qu'ilz ne sont du tout dellivrez de cette peur, craignantz, à ce qu'ilz disent, que l'estroicte intelligence, que le duc d'Alve a avecques Voz Majestez, vous attire de son party contre l'Angleterre; car, aultrement, il leur semble qu'ilz n'ont guières à le craindre, veu le crédict et faveur de ceste Royne en Allemaigne. Et ainsy, ilz vont temporisant avecques luy, sans admettre ny rejecter aussi les termes de l'accord, espérantz qu'ilz se pourront, dans peu de jours, esclarcyr de vostre cousté, pour sçavoir commant mieulx se conduyre du sien; et n'estantz encores bien asseurez si le propos de la paix prendra bonne résolution en France, ilz tiennent leurs dellibérations en suspens, dillayantz la dépesche du jeune comte de Mansfelt, et leur responce au Sr de Lombres; et pareillement de ne toucher aux affères de la Royne d'Escoce, jusques à ce que leur ambassadeur, Mr Norrys, leur ayt mandé la certitude du tout; et n'ont faict plus grand empeschement à ung courrier du duc d'Alve, qui est arrivé depuys cinq jours, que de l'avoir conduict à la court et visité seulement le dessus de ses pacquetz, lesquels, se doutans bien qu'ilz estoient en chiffre, l'ont renvoyé avec les dicts pacquetz bien cloz à Mr l'ambassadeur d'Espaigne, et luy ont ottroyé passeport pour s'en pouvoir retourner de dellà, bien qu'ilz ne layssent pourtant de vivre toutjour en grande deffiance du dict duc. A l'occasion de quoy ilz dressent de grandes forces et ordonnent beaulcoup de gens de cheval, pistoliers, et renforcent les garnysons tout le long de la coste qui regarde les Pays Bas; sur ce, etc.

    Ce xe jour de janvier 1570.

    LXXXIIIe DÉPESCHE

    —du XVe jour de janvier 1570.—

    (Envoyée exprès jusques à Callais par Olivier Cambernon.)

    Efforts que l'on fait en Angleterre pour impliquer le duc de Norfolk et la reine d'Écosse dans la révolte du Nord.—Le comte de Northumberland livré dans sa fuite au pouvoir du comte de Murray.—Mission d'Elphinstone en Angleterre.—Proposition émise dans le conseil de demander l'échange du comte de Northumberland contre la reine d'Écosse.—Préparatifs de guerre faits en Allemagne pour soutenir les protestans de France.—Forces redoutables réunies sur mer par les protestans de France et d'Allemagne.—Négociations de l'Angleterre avec les Pays-Bas.—Motifs politiques qui engagent Élisabeth à soutenir les protestans de France; espoir que cependant la paix ne sera pas troublée.

    Au Roy.

    Sire, il ne se faict, à ceste heure, aulcune plus grande dilligence par deçà, après avoir esteint l'eslévation du North, que de cercher d'où elle est procédée, et qui sont les principaulx, qui ont heu intelligence avec les deux comtes; en quoy s'engendrent plusieurs malcontantemens et malveuillances qui se descouvrent toutz les jours en plusieurs endroictz et villes de ce royaulme, et se continuent jusques à la court; mesmes semble que, des champs où la guerre estoit, elle se soit transférée ez cueurs et affections des hommes, et dict on que de là procède le retardement de la liberté du duc de Norfolc, lequel aultrement estoit en trein de sortir bientost de la Tour pour estre remis en son logis de ceste ville; mais les divisions et compétances de ceulx du conseil l'empeschent, lesquels veulent monstrer qu'ilz concourent toutz contre la cause de l'eslévation, et, encor que nulz manifestement ne le chargent de rien d'icelle, néantmoins les ungs s'efforcent de l'y trouver embrouillé, et les aultres de l'en déclairer exempt; ny n'est moindre leur contention sur le faict de la Royne d'Escoce, soit pour le regard de la dicte entreprinse du North, ou soit pour ses aultres affères, ès quelz ses amys et serviteurs, qu'elle a en ce royaulme, ne se monstrent, pour chose qui soit advenue, moins fermes en sa faveur, ny aussi ses adversaires moins véhémentz contre elle que auparavant. Et cependant le gouverneur de Barvich a envoyé à la Royne d'Angleterre une lettre du comte de Mora, par laquelle, de tant que la dicte Dame ne l'a vollue communiquer à personne et qu'elle a fait semblant d'y avoir trouvé plusieurs vériffications de l'entreprinse du North, quelques ungs des grandz en demeurent en peyne; et bientost après, est arrivé devers elle le ser Nicollas Elphingston, très familier et inthime du dict de Mora, lequel elle a curieusement et avec grand affection ouy, mais ne se publie encores rien de l'occasion de sa venue, si n'est qu'on dict qu'il a aporté la depposition du comte de Northomberland, lequel estant enfin tumbé ez mains du comte de Mora, il l'a faict mettre dans Lochlevin, où la Royne d'Escoce estoit prisonnière; mais je crains que le dict Elphingston ayt charge de renouveller le propos de consigner la Royne d'Escoce au dict de Mora, moyennant les ostages qu'on luy a demandé, ou bien de fère l'eschange d'elle et du dict comte de Northomberland, ce que je sçay avoir esté déjà proposé en ce conseil, ainsy que je l'avois auparavant bien préveu; mais il semble qu'il ne peult aucunement venir au cueur de la Royne d'Angleterre de le debvoir fère, et y a aulcuns des siens qui ne sont pour le consentyr, tant y a que la pouvre princesse et ceulx, qui portons icy son faict, en sommes en grand peyne; mesmement à ceste heure que le comte de Lestre, lequel a accoustumé de procéder d'une plus honneste et généreuse façon envers elle que les aultres du dict conseil, s'en est, pour quelque occasion (et croy que pour les différans de court), allé en sa mayson de Quilingourt, où, toutesfoys, l'on croyt que la Royne d'Angleterre ne le larra longtemps sans le fère revenir.

    J'entendz que ung secrétaire du comte Palatin vient d'arriver, lequel fault que soit passé par Flandres (car la navigation de Hembourg et de Hendein est serrée des glaces jusques en mars) ou bien échappé par la France. Il est allé droict à Vuyndesor, et n'ay encores rien peu aprandre de sa commission, si n'est par ung qui l'a observé en passant, qui a comprins de luy qu'il vient pour avoir de l'argent, ou bien lettre de crédit et de responce à certains juifz qui ont promiz de fornir une somme en Allemaigne, et qu'il est tout certain que le Cazimir et le prince d'Orange ont une armée preste pour entrer en France, à ce prochain primtempz; dont le jeune comte de Mensfelt s'est eslargy de dire, qu'aussitost qu'il arrivera en Allemaigne avec la dépesche de ceste princesse, le dict de Cazimir commancera de marcher; ce que l'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy, lequel j'avois hier à disner en mon logis, m'a confirmé, bien qu'il crainct, si le propos de la paix se conclud en France, que tout cella aille tumber sur les bras du duc d'Alve; et, ce pendant, le capitaine Sores a prins une seconde nef vénicienne, plus riche que la première, et faict on compte que la charge des deux vault plus de trois cenz mil escuz, oultre quatre vingtz pièces de bonne artillerye qu'il y a dedans, et oultre les deulx vaysseaulx, qui sont les deux meilleurs de la mer; de quoy toutz les merchans, tant naturelz que estrangiers, de ce royaulme, demeurent fort scandalizez contre Mr le cardinal de Chatillon, et requièrent ceste Royne d'y pourvoir; mais, ou soit qu'elle et les siens n'ayent moyen de le fère, ou bien que, pour s'exempter de prester de l'argent à ceulx de la Rochelle, ilz leur veuillent permettre de se prévaloir de ceste riche et grande prinse, ilz dissimulent et prolongent les remèdes; et est à craindre que le dict Sores, avec tant de bons et grandz vaysseaulx, et bien artillez, qu'il a à ceste heure, et le Sr de Olain, et le bastard de Briderode, qui en ont ung aultre bon nombre, ne tiennent dorsenavant bien fort subjecte ceste estroicte mer, et mesmes qu'ilz ne dressent quelque entreprinse sur vos gallères; bien qu'on m'a dict, Sire, que le dict de Olain est allé jusques en Allemaigne porter soixante mil escuz au prince d'Orange du butin de ses prinses de mer.

    Le Sr Thomas de Fiesque poursuyt d'accomoder icy le faict des deniers et merchandises, prinses et arrestées par deçà sur les subjectz du Roy d'Espaigne, au nom des merchans à qui elles appartiennent, proposant que les deniers, qui sont en espèces, et pareillement ceulx qui proviendront des merchandises, demeurent ez mains de ceste Royne jusques à ung entier accord, en ce qu'elle leur permette de les vandre, et qu'elle leur veuille bailler pour respondant la chambre de Londres, de payer le tout à bons termes, après qu'elle s'en sera servye. Sur ce, etc.

    Ce xve jour de janvier 1570.

    A la Royne.

    Madame, le surplus que j'ay à dire à Vostre Majesté, oultre le contenu en la lettre que j'escriptz présentement au Roy, je le réserve à vous mander par le Sr de La Croix, aussitost que l'ung des miens, qui sont par dellà, sera arrivé, et n'adjousteray icy, Madame, si n'est qu'on parle diversement en ce royaulme de la paix qui se trette en France, estantz ceulx des deux religions en contraires espérances là dessus; sçavoir: les Catholiques, que des grandes et notables victoires, que Monseigneur vostre filz a gaignées, ayt à réuscyr ung accord fort advantaigeux pour nostre religion et très honnorable pour le Roy; et les Protestantz, que monsieur l'Admyral s'estant aulcunement reffect, et près d'estre, dans six sepmaines ou deux moys, secouru du prince Cazimir, n'ayt à quicter rien de ce qui apartient à la leur, ny en l'exercisse, ny en l'establissement d'icelle dans le royaulme; et estiment, les ungs et les aultres, que leur propre faict deppend du succez des choses de dellà; dont, encor que la Royne d'Angleterre et les plus modérez d'auprès d'elle dettestent assés les guerres des subjectz, néantmoins, ceulx qui ont plus d'auctorité et de manyement près d'elle, desirans que la part des Catholiques demeure fort oprimée par deçà, condamnent en toutes sortes l'entreprinse de ceulx du North comme inique, et luy coulorent de quelque équité celle de France et luy persuadent, que du maintien d'icelle deppend la seureté de son estat et du tiltre de son royaulme, et de la légitime qualité de sa personne; laquelle aultrement seroit par les Catholiques tenue illégitime. Ce qui faict, Madame, qu'encor que ceste princesse ayt grand regrect à la prinse de ces deux grandes nefz véniciennes, et qu'elle sente que, pour aulcun respect, il tourne au préjudice de sa réputation que, l'une, en partant d'icy, et l'aultre, en y arrivant, ayent esté prinses en la plaige et quasi dans les portz de son royaulme; néantmoins, pour n'incommoder ceulx de la dicte religion, iceulx de son dict conseil la contraignent de différer et dissimuler le remède, que très volontiers elle donroit aulx merchans; et le secrétaire Cecille a assés soubdain respondu à ceulx qui l'en ont sollicité, que ceulx de la Rochelle avoient guerre contre les Véniciens, parce qu'ilz ont preste de l'argent au Roy; et mesmes, aulcuns à ce propos m'ont interrogé si la Royne de Navarre n'estoit pas en actuelle possession de quelque partie de son royaulme, ayant esté proposé en ce conseil, si, comme Princesse Souveraine, elle ne pouvoit pas déclarer une guerre, après l'avoir jugée juste et légitime. Sur quoy, me doubtant bien pourquoy l'on me faisoit ceste demande, j'ay respondu que la dicte Dame n'a rien qui ne soit, ou mouvant de la couronne de France, ou tenu soubz la protection d'icelle, et ainsy n'ont rien gaigné sur moy de cest endroict.

    J'ay receu l'acte de mainlevée, qui a esté faicte à Roan, des biens des Anglois, de laquelle ceste Royne et les siens se sont fort contentez, et ont, de leur part, desjà procédé de mesmes à la restitution des biens que les Françoys ont peu monstrer leur apartenir par deçà, et continuent encores toutz les jours de leur faire justice. Ilz se plaignent seulement de Bretaigne, et suplient Vostre Majesté d'y donner ordre. Il me semble qu'en toutes sortes, ceste Royne et le général de son royaulme veulent persévérer en bonne paix, et ouverte amytié, avecques Voz Majestez Très Chrestiennes; mais que, en particullier, aulcuns passionnez feront toutjour, soubz main, tout ce qu'ilz pourront, et icy, et en Allemaigne, pour ceulx de la Rochelle, et feroient davantaige si, avec vostre authorité, je ne mettois peyne de les empescher. Sur ce, etc.

    Ce xve jour de janvier 1570.

    LXXXIVe DÉPESCHE

    —du XXIe jour de janvier 1570.—

    (Envoyée exprès jusgues à Callais par Letorne, estant le sieur de La Croix tumbé malade, dont il est allé à Dieu.)

    Intrigues à la cour de Londres; rivalités entre Leicester et Cécil.—Nombreuses exécutions faites par le comte de Sussex à la suite de la révolte du Nord.—Modération du comte de Warwick à l'égard des insurgés qui sont tombés en son pouvoir.—On croit que les Ecossais aideront le comte de Westmorland à rentrer en Angleterre.—Négociation d'Elphinstone.—Crainte que l'on doit avoir en France du côté d'Allemagne.—Sollicitation faite auprès de la reine d'Écosse par le comte de Huntingdon pour qu'elle consente à se marier avec Leicester.—Clauses d'un traité qui lui est proposé pour son rétablissement.—Préparatifs faits par le prince d'Orange contre les Pays-Bas.—Avis donné au roi de divers bruits que l'on fait courir à Londres sur les mésintelligences qui se seraient élevées à la cour de France.—Mémoire secret. Soupçons élevés contre le duc de Norfolk, le duc d'Albe, la reine d'Écosse, et l'ambassadeur de France au sujet de la révolte du Nord.—Menées du duc d'Albe en Angleterre.—Déclaration d'Élisabeth que la reine d'Écosse a formé le projet de s'emparer de la couronne d'Angleterre pour réduire le royaume à la religion catholique.—Proposition faite par l'ambassadeur d'Espagne au roi de France de former une ligue pour rétablir Marie Stuart sur le trône d'Écosse, et la religion catholique en Angleterre.—Conduite qu'a dû tenir l'ambassadeur de France à cet égard.—Projets que l'on doit supposer à l'Espagne.

    Au Roy.

    Sire, pour l'occasion des troubles du North, la Royne d'Angleterre, au commancement de ceste année, a advisé d'augmenter son conseil d'ung nombre de personnaiges miz à sa dévotion, lesquelz elle a pourveuz d'aulcuns offices qui vacquoient de longtemps, qui ont lieu en son dict conseil, comme est le contrerolleur, trézorier, vychambrelan, et aultres de sa mayson; en quoy la contention n'a esté petite en sa court, entre ceulx qui aspiroient à cella, ou pour eulx mesmes ou pour y en mettre de leur faction, ou bien pour empescher qu'il n'y en entrât plus grand nombre; et est advenu, par le moyen du comte de Lestre, que le sire Jacques Croft a esté faict contrerolleur, bien qu'on ayt cryé qu'il estoit papiste; mais, possible, l'y a t on admiz plus vollontiers pour estre auculnement estimé ennemy du duc de Norfolc, et le Sr de Frocmarthon, qui y prétandoit grandement, a esté du tout descheu pour ceste foys, demeurant comme banny de court; et semble que, pour ces contentions, le comte de Lestre se soyt despuys absenté, et qu'entre luy et le secrétaire Cecille, lequel est en plus grand crédict que jamais, y ayt beaulcoup de simulté, et que néantmoins il ne sera longtemps sans revenir.

    Le comte de Sussex poursuyt de fère de grandes exécutions à Durhem et Artelpoul, et aultres lieux de son gouvernement, sur ceulx qui avoient prins les armes, ayant desjà faict pendre, outre ceulx du commun, bien cent personnaiges de qualité, baillifz, connestables ou officiers, et pareillement les prestres qui estoient avec eulx, nomméement le Sr Thomas Plumbeth, estimé homme fort sçavant et de bonne vie, et pense l'on qu'il se monstre aussi véhément, pour effacer le souspeçon qu'on a heu de luy; et, au contraire, le comte de Vuarvich s'y porte fort modestement, lequel a envoyé supplier la Royne d'octroyer rémission à ces pouvres gens, ce que, en partie, elle a concédé; et l'admyral Clinton est demouré encores à Vuodderby, avec mil hommes, pour contenir le pays, et pour empescher que le comte de Vuesmerland, avec l'assistance des Escossoys, ne puisse rentrer en armes en Angleterre, ce que l'on crainct assés qu'il face, parce qu'il est avec le ler de Farnihyrst, affectionné serviteur de la Royne d'Escoce, et que les aultres principaulx de l'entreprinse sont avecques d'aultres seigneurs escossoys, leurs amiz, de ce mesme party; et que aulcuns se sont acheminez à Dumbertran. Le seul comte de Northomberland a esté prins et livré au comte de Mora, qui l'a incontinent faict mettre dans Lochlevyn; et a soubdain dépesché devers ceste Royne le Sr Elphiston, son familier, lequel, à ce que j'entendz, raporte plusieurs choses de la depposition du dict de Northomberland, et plusieurs aultres, pour fère acroyre que la Royne d'Escoce et l'évesque de Roz ont induict le dict de Northomberland de prendre les armes; à quoy semble qu'on n'adjoute grand foy: et, d'abondant, monstre excuser le dict de Mora de ne pouvoir, en bonne conscience, ny sellon son honneur, ny encores sellon les loix du royaulme d'Escoce, rendre icelluy comte, mais par mesme moyen, il faict instance à la Royne d'Angleterre de luy prester, pour chose fort importante au bien des deux royaulmes, une somme d'argent; et tout ainsi qu'on luy donne l'espérance qu'il en pourra avoir, il la donne, encores plus grande, que le dict de Northomberland pourra estre randu, et espère davantaige qu'en le rendant, il se pourra aussi tretter de randre au dict de Mora la Royne d'Escoce: dont il prépare de s'en retourner en grand dilligence devers luy.

    Cependant, Sire, nous ne serons paresseulx de luy préparer toutz les obstacles qu'il nous sera possible, et pareillement au secrétaire du comte Pallatin, lequel demande en général assistance de deniers, affin de lever gens pour les secours et deffance de la nouvelle relligion en France, et pour fère une descente contre le duc d'Alve en Flandres; dont aulcuns estiment qu'il ne s'en retournera sans quelque provision, tant y a qu'il ne luy a esté encores respondu sellon son desir. Néantmoins, je vous supplie très humblement, Sire, de fère soigneusement prendre garde aulx mouvemens d'Allemaigne; car l'on tient icy pour chose fort certayne qu'il y a armée preste, et qu'elle n'est pour aller en Flandres, ny pour s'adresser ailleurs qu'en France, tant que la guerre y durera, et que le Sr d'Olain a porté au prince d'Orange plus de six vingtz mil escuz, oultre que les bagues de la Royne de Navarre sont en Allemaigne, et les nefz véniciennes, riches de trois centz mil escus, sont desjà arrivées à la Rochelle; et quant bien ceste Royne ne vouldra rien débourcer, les esglizes protestantes de son royaulme ne lairront pourtant d'y envoyer quelque notable subvention, comme celle de l'année passée, qui fut de cent mil escuz, ny la dicte Dame, quant bien ne le vouldroit, ne le pourra contredire, tant le feu de cette matière est, à ceste heure, ardemment espriz en ce royaulme comme je croy qu'il est de mesmes ailleurs.

    La Royne d'Escosse est meintennant à Tutbery, accompagnée seulement du comte de Cherosbery et des siens, qui luy octroyent plus de liberté qu'ilz ne souloyent; elle se porte bien, et encores que plusieurs choses se soyent opposées aulx espérances que nous avions de ses affères, il nous en reste quelques aultres qui, possible, viendront à bon effect; et j'ay desjà quelque adviz que ceux de son party en Escosse prétendent de se mettre bientost en campaigne, remectant, Sire, au Sr de La Croix de vous faire entendre aulcunes aultres particullaritez, sur lesquelles je vous supplie très humblement luy donner foy. Sur ce, etc.

    Ce xxıe jour de janvier 1570.

    A la Royne.

    Madame, par le contenu de la lettre que j'escriptz au Roy, et par l'instruction que j'ay baillée au Sr de La Croix, je fays entendre à Vostre Majesté les principalles choses, qui me semblent regarder meintenant icy l'intérest des vostres; et ne vous diray davantaige, Madame, si n'est que le comte de Huntington, pendant qu'il a esté à la garde de la Royne d'Escosse, l'a si souvant sollicitée de se départir du propos du duc de Norfolc, pour entendre à celluy du comte de Lestre son beau frère, que, pour ne se pouvoir la dicte Dame excuser de quelque responce, elle luy a dict que, pour ceste heure, elle n'avoit rien moins à penser qu'à se marier, et qu'aussi le comte de Lestre avoit bien toute aultre prétencion, avec ce que, si elle contradisoit meintennant au desir de ces seigneurs, qui luy avoient si expressément escript en faveur du duc, elle craignoit fort de les irriter et offancer, et que le comte de Lestre mesmes, qui en estoit l'ung, prendroit une fort mauvaise opinion d'elle. De quoy l'aultre ne se contantant, et la pressant de luy fère une plus particullière responce, elle, enfin, luy a dict tout rondement, que, si la Royne d'Angleterre et les siens, lesquelz luy avoient proposé le duc, ne trouvoient bon que le propos passât en avant, qu'elle estoit toute résolue de n'espouser jamais Anglois. Sur ce il s'est advancé de dire qu'elle faisoit fort bien, car aussi tout ce royaulme inclinoyt à ce desir, et qu'il voyoit que, nonobstant toutz empeschemens, avant ne fût deux ans, elle et le duc seroient maryés ensemble. Puys luy a parlé fort expressément de quatre choses; la première, de tretter conjoinctement, entre l'Angleterre et l'Escosse, de l'establissement de la nouvelle religion; la segonde, de fère une bien seure et perpétuelle ligue entre les deux royaulmes; la troisiesme, de consentyr que, par décrect de parlement, ce royaulme soit, après elle, toutjour transféré aulx mâles plus prochains de la couronne, parce que le dict de Huntington vient de l'estoc d'iceulx; et la quatriesme, que Voz Majestez Très Chrestiennes veuillez depputter aulcuns pour assister, de vostre part, icy, aulx choses qui seront proposées, entre la dicte Dame et ses subjectz, sur la restitution d'elle, et sur le faict du feu Roy d'Escoce son mary. Et a adjouxté que monsieur le cardinal de Lorrayne feroit bien, comme prochain parant, d'intervenir au jugement d'une si grande cause.

    Nous sommes après pour sçavoir d'où sont parvenus ces propos, et semble que le dict comte de Lestre ne les advouhe, et que mesmes il pense que la Royne d'Angleterre sera fort courroucée contre le dict Huntington, quant elle les saura, et que tout cella est party de l'invention du secrétaire Cecille. La dicte Royne d'Escoce a tiré ung adviz du dict de Huntington, que le prince d'Orange praticque de fère descendre dix mil Anglois en Flandres, et qu'avec cella, et ce qu'il prépare en Allemaigne, joinct l'intelligence du pays, il espère d'en chasser le duc d'Alve et les Espaignols, ce qui a esté notiffié à l'ambassadeur d'Espaigne. Sur ce, etc.

    Ce xxıe jour de janvier 1570.

    Aultre lettre a la Royne

    (du dict jour, écrite en chiffres).

    Madame, parce qu'on publie, icy, à mon grand regrect, qu'il n'y a bon accord entre le Roy et Monsieur, son frère, voz enfantz, et que douze des principalles citez de France s'opposent à ce que Voz Majestez ne puissent aulcunement accommoder, par voye de paciffication, les guerres de vostre royaulme; qui sont deux choses dont Vostre Majesté auroit, de la première, le plus extrême desplaisir, et nous, le plus notable dommaige qui nous pourroit onques advenir; et la segonde seroit pour torner à une fort pernicieuse conséquence contre l'auctorité du Roy, et droictement contre la vostre; mesmes qu'on m'a dict qu'en quelques endroictz du monde l'on faict desjà des desseings là dessus, et que ceste Royne m'en pourra possible toucher quelque mot, je vous suplie très humblement, Madame, me commander ce que j'auray à luy en respondre, ensemble à plusieurs seigneurs de ce royaulme, et mesmement aulx Catholiques, qui envoyent souvant m'en interroger, lesquelz demeurent toutz esbahys et desconfortez de ce que, sept sepmaines a, je n'ay nulles nouvelles de Voz Majestez; ausquelz toutesfoys j'ay bien desjà desnyé l'une et l'aultre de ces nouvelles, comme les tenant toutes deux fort faulces, et sur ce, etc.

    MÉMOIRE ET INSTRUCTION de ce que le Sr de La Croix a à dire à Leurs Majestez, oultre le contenu de la dépesche.

    De ces troubles du North, qu'encor qu'ilz ayent esté bientost apaysez, néantmoins, parce que, en mesme temps, s'est descouvert qu'en Norfolc l'on avoit entreprins de se saysir des armes, qui estoient ez maysons du duc de Norfolc, et de contraindre le sire Henry Hemart, son frère, d'estre chef d'une troupe de douze mil hommes qui se tenoient prestz pour marcher droict à la Tour de Londres, affin de tirer icelluy duc de pryson; et que, en Galles, les choses ne se monstroient guières plus paysibles, ceste Royne est demeurée en plusieurs doubtes et deffiances de ses subjectz.

    Ce qui luy est augmenté par l'opinion, qu'elle a, que l'intelligence du duc d'Alve y soit bien avant meslée, sellon que, par l'examen d'aulcuns du North, qui ont esté exécutez, et de la depposition du comte de Northomberland, laquelle celluy de Mora a envoyée, il semble que cella luy ayt esté confirmé.

    En laquelle depposition, oultre que le dict de Northomberland charge les plus grandz de ce royaulme, l'on dict qu'il affirme, qu'ainsy que luy et le comte de Vuesmerland furent en campaigne, l'ambassadeur d'Espaigne et l'évesque de Roz envoyèrent devers eulx ung homme exprès, avec lettres, pour les conforter à leur entreprinse, et leur promettre un prochain secours du duc d'Alve, et pareillement de France, s'ilz se saysyssoient de quelque port.

    Duquel acte de l'évesque de Roz la dicte Dame a prins argument que la Royne

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