howlin’ Jaws
UNE FRAÎCHEUR. UN ENTHOUSIASME. Une immédiateté. Une étincelle. Les mots se bousculent un peu au portillon quand on s’essaie à rassembler les premières impressions que ces trois-là peuvent vous avoir laissées après trois quarts d’heure-une heure passés en leur compagnie. Un peu comme leurs mots à eux se télescopent et n’attendent pas forcément que ceux du copain se terminent pour embrayer, se chevaucher, mais jamais avec l’intention de s’imposer l’un à l’autre. “Ça fait quinze ans que l’on bosse ensemble, expliquera Baptiste Léon, le batteur. Alors, on arrive assez aisément à mettre les questions d’ego de côté.”
En vérité, c’est juste parce que chez (les) Howlin’ Jaws, ça fuse, ça jaillit dans tous les sens. Pas pour rien que dans ce pilonnage verbal à trois, le mot qui reviendra le plus souvent est “kiffer”? Voilà, on veut kiffer chez Howlin’ Jaws. Kiffer les concerts qui vont bientôt reprendre après quelques mois d’interruption, kiffer ce studio de répétition qui se peaufine doucement mais sûrement et qu’ils ne sont pas peu fiers d’en faire découvrir les détails au visiteur du jour.
Si ce côté vivifiant se retrouve dans la pop qui sert de fil rouge tout au long des onze titres de Half Asleep Half Awake, leur dernier (et second) album en date sorti à l’automne, on serait quand même en droit de s’interroger sur un premier point, à savoir cette veine 60’s qui transpire tout autant au fil de l’album. Comment des jeunes gens apparemment bien sous tous rapports peuvent-ils à ce point être “branchés” par une époque de plus en plus lointaine? “Déjà, ‘bien sous tous rapports’, c’est ce que tu crois!”, renvoie tel un retour de service imparable Lucas Humbert, le guitariste de l’équipée. “Ça s’est fait naturellement, reprend à la volée Djivan
Abkarian, la voix et la basse du trio. Quand on a commencé à jouer ensemble, gamins, on faisait du punk-rock. À partir de là, on a remonté le temps, en quelque sorte, pour découvrir qu’il y avait une énergie incroyable dans le rockabilly et des gars comme Johnny Burnette. Lucas, lui, a toujours écouté les Beatles. Il y a eu aussi les compilations Nuggets. L’esthétique, le son, on a tout pris!”
On se permet d’en rajouter une couche. Un enregistrement analogique à Londres, des guitares 60’s à l’occasion. Ne tiendrait-on pas là une obsession du vintage? Éclats de rire généraux dans l’assistance. “Je pense que l’on cherchait surtout ce lien avec l’instant et l’instantané à travers un enregistrement à l’ancienne sur bandes, précise Baptiste. Le fait de ne pas avoir la possibilité de refaire quinze fois un truc sur tes morceaux, de tout avoir à recommencer si l’un ses trois s’est planté, ça modifie forcément l’approche des choses.”
Une approche artisanale des choses? Acquiescement collectif, tout comme à propos du support véhiculant cette musique. En décembre, Lucas expliquait ainsi à Rolling Stone, qu’à ses yeux, Half Asleep… était fait pour s’écouter de A à Z, en bloc en quelque sorte. Façon de dire que cette notion d’album restait primordiale au sein du groupe, à une époque où l’on ne cesse de chercher à nous convaincre du contraire. L’envie d’appeler au voyage n’était pas absente des intentions, émet volontiers Baptiste, y voyant un contraste ou une conséquence du premier album, Strange Effect, où les chansons étaient davantage pensées comme une collection de singles de 2’30. Ce même Baptiste se dit par ailleurs persuadé que l’intérêt pour “cette idée d’un tout, d’un ensemble, et pas juste quelques morceaux ici et là va revenir, même si elle semble pour l’instant aller à contre-courant”. Que Dieu l’entende! Enfin, lui ou n’importe qui en fait…
Des ambitions, des envies surtout, là aussi, ça déborde chez Howlin’ Jaws. Avec Électre des bas-fonds, la pièce de Simon Abkarian – oui, c’est bien le père de Djivan! –, dont ils ont composé la trame musicale et l’ont accompagné sur les routes pour une centaine de représentations, le groupe a tutoyé le théâtre, y a même découvert toute une pelletée d’instruments, comme ce djura grec proche du bouzouki, que l’on retrouve le temps de tel effluve sur Half Asleep… Tandis qu’un morceau comme “Mind Reader” laisserait à penser qu’ils n’auraient rien contre tenter le pari du cinéma. Validation express de Lucas: “Si Peter Jackson ou Quentin Dupieux lisent Rolling Stone, qu’ils n’hésitent pas à faire signe…”
Pour l’heure, la suite se conjuguera donc entre concerts et réflexions autour du troisième album à venir. À peut-être trouver des angles (Lucas, encore), à laisser les chansons décider d’elles-mêmes où elles voudront aller (Baptiste). Côté Djivan, c’est