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l’énigme: QUENTIN DUPIEUX

l ne manquait plus que ça: , un faux biopic de Salvador Dalí imaginé par Quentin Dupieux, où l’artiste, incarné par plusieurs acteurs face à Anaïs Demoustier, ne se montre jamais tel qu’on aimerait le voir… Et c’est irrésistible. “La boucle est bouclée, j’appelle Quentin le Dalí de l’electro depuis des années, s’exclame Pedro Winter, producteur, DJ et fondateur du label Ed Banger. C’est l’un des 2010), l’interrogatoire délirant d’un drôle de suspect (, 2018), une insurmontable obsession pour un blouson (, 2019), une mouche géante à dresser de toute urgence (, 2020), un conduit qui fait remonter le temps (, 2022), une bande de super-héros confinée ( 2022), etc. Aucun synopsis ne semble tenir la route, mais tout fonctionne. Tant et si bien qu’à chaque sortie de film, Dupieux gagne des fans supplémentaires de tout âge, y compris les plus jeunes, qui s’arrachent désormais ses autographes lors des festivals. Près de 500 000 entrées pour , paru à l’été 2023, où l’on voit un comédien encore inconnu au bataillon, Raphaël Quenard, interpréter un spectateur frustré interrompant une répétition théâtrale pour monter sa propre pièce. “Aucun acteur n’est jamais aussi bien que chez Dupieux, affirme Édouard Baer, l’une des incarnations moustachues de Salvador Dalí. C’est moi qui lui ai téléphoné pour jouer dans l’un de ses films! Sa fantaisie, il la vit avec le sérieux des enfants. Quand on joue pour lui, son enthousiasme est contagieux mais il faut que ce soit très, très précis. Les personnages sonnent vrai, même si les situations sont folles, car tout est incarné, concret.” Et ce depuis ses débuts. S’il a commencé par composer de la musique electro pour illustrer ses propres films, le succès fracassant de “Flat Beat”, paru sous le nom de Mr. Oizo, et dont la marionnette jaune devient la mascotte de Levi’s à la fin des années 1990, lui a permis de les financer “sans rendre de comptes à des producteurs”, rappelle l’auteur et scénariste Julien Gangnet. Lequel se souvient du tournage du premier long-métrage de Quentin Dupieux, (2001), à la fois imprévisible et parfaitement maîtrisé par le cinéaste: “Avec Sébastien Tellier et Kavinsky, nous nous sommes retrouvés en Espagne, dans le désert d’Almería, où étaient tournés les westerns spaghetti. Quentin cadrait, éclairait, filmait avec sa petite caméra sans pied, et… nous poussait avec pour nous diriger! Malgré son jeune âge, c’était déjà un maestro.” Édouard Baer renchérit: “Il connaît tous les métiers du plateau, donc il sait ce qui est essentiel. Tout est simple, à l’inverse des tournages où on attend des heures pour des raisons obscures.” Ainsi, le spectateur s’amuse autant que les comédiens. “Sa spontanéité derrière ses machines ou sa caméra cache un talent puissant, ses disques et ses films sont des exutoires créatifs plus complexes qu’on ne le pense”, confirme Pedro Winter, qui a accueilli Mr. Oizo il y a seize ans chez Ed Banger. Devant les histoires de Dupieux, on est intrigué, dubitatif, hilare, ému, agacé, parfois le tout simultanément. Cette richesse réceptive peut justifier l’inexplicable: qu’une veine sémantique radicale, servie par un bricolage artisanal de plus en plus rare au sein du show-business, devienne populaire “tout en étant grand public”, résume Édouard Baer. Il conclut: “Il fait preuve d’une précision qu’on retrouve également dans le cinéma de genre. L’idée de traiter l’humour comme un film d’horreur ou de karaté, ça fonctionne!”

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