Maltraités par leur hiérarchie, ces soignants du service de neurochirurgie ont dû, pour la plupart, quitter leur hôpital. Ils dénoncent aujourd’hui un système délétère
Par Anne Jouan
Je n’avais qu’une crainte le matin : retrouver l’un des médecins mort. Suicidé. » Ces mots sont ceux d’un soignant en neurochirurgie. Ils résument l’ampleur et la gravité de la crise inédite qui bouleverse ce service du CHU de Rennes. Un cas d’école de la maltraitance institutionnelle, ce mal pervers et destructeur qui, trop souvent, ronge les hôpitaux.
À Rennes, la dérive de deux professeurs au « management féodal », pour reprendre l’expression d’un praticien, et aux comportements connus de la hiérarchie depuis des années, a mené toute une équipe à la rupture. Avec, à la clé, ce que l’on appelle pudiquement une perte de chance pour les patients. Ce service autrefois très respecté est dévasté : 17 chirurgiens l’ont quitté depuis 2013. Seules les urgences et les pathologies pédiatriques y sont désormais prises en charge. Depuis le 10 octobre, tumeurs cérébrales, anévrismes et hernies discales sont priées d’aller se faire soigner à Caen, Nantes, Angers, Brest ou même à Tours.
En mars 2023, la direction du CHU saisissait le procureur de la République pour harcèlement moral et sexuel sur six internes, entraînant l’ouverture d’une enquête préliminaire. En octobre, l’Intersyndicale nationale des internes (Isni) déposait, toujours à l’encontre des deux mêmes professeurs, une plainte documentée de 40 pages et forte de 14 témoignages. Depuis, les auditions se multiplient, véritable défilé où chacun détaille brimades, humiliations, violence verbale, harcèlement sexuel. Selon l’Isni, démonstration est faite de « la récurrence de comportements et de propos complètement inadaptés de la part de messieurs Xavier Morandi et Marco Corniola ». Les neurochirurgiens qui ont fui le CHU de Rennes justifient tous leur départ par une mise en danger de leur santé physique et mentale. En 2014, lors d’un énième coup de sang