Côté Sud

LE JARDIN DE LA JOIE

Selon les jours, Niki de Saint Phalle portait un pull jacquard à la 100 Idées avec des leggings, un béret de marin et une veste bleu électrique ou une combinaison de ski avec une toque léopard. Et, toujours, elle avait l'allure d'une reine. Son royaume, elle en fit le tour pour la première fois en 1955, en découvrant le parc Güell d'Antoni Gaudí, à Barcelone. Elle, écrira-t-elle dans son journal, » Comme tous les rêves importants, celuici prit du temps. Niki dut d'abord trouver sa voie, trouver sa voix dans un monde d'hommes, rivaliser avec eux, leur « », disait-elle. Avec Jean Tinguely, amant, mari, complice et « », c’était à qui épaterait l'autre, ses machines à lui épaulant ses à elle. Et inversement. Avec la géante , elle pose dès 1966 les bases des sculptures habitables du jardin des Tarots. Pourquoi les tarots? Parce que Niki a toujours un jeu avec elle et cherche souvent des réponses dans les cartes, qu'elle soupçonne de contenir une sagesse ancienne, universelle. À chacune des vingt-deux arcanes majeurs correspondra une statue. Reste à trouver une terre, que lui offriront en 1977 son amie Marella Caracciolo, rencontrée à New York quand Niki était mannequin, et ses frères Carlo et Nicola, princes et mécènes érudits, enthousiastes. Une longue promenade sur leurs terres de Capalbio décida de l'endroit: Niki aima cette carrière de pierre abandonnée, plantée d'oliviers. Entre la Maremme, au sud de la Toscane, et le Latium, elle se lance alors pour vingt ans dans « ». Elle qui a toujours rêvé de vivre au coeur d'une sculpture demande à Tinguely de réaliser l'ossature métallique de son . Le sculpteur travaille vite, soudant les fers à béton à l'oeil, sans mesures, donnant vie aux maquettes de Niki. L'Impératrice reçoit une robe de ciment projeté, que Niki va parer de céramiques, de miroirs et de verres de Venise colorés. Un lit dans le sein droit, une cuisine dans l'autre. Elle veut vivre dans sa déesse-mère, y dessiner, imaginer, renaître. Dans un pays neuf, loin des siens, aux prises avec des difficultés financières et techniques énormes, elle change de regard. Elle travaille main dans la main avec son équipe d'artisans, et apprend l'italien pour mieux leur parler. « mon coeur, dira-t-elle, . » Claudio Celletti, qui travaille au jardin depuis trente-sept ans, dit qu'elle était « . . » Pendant dix ans, elle est là tous les jours. Moulant chaque pièce de céramique, avant qu'elle ne soit émaillée et cuite sur place par la céramiste Venera Finocchiaro. Les miroirs, les verres colorés viennent des quatre coins de l'Europe. Un luxe sur lequel Niki ne transige pas. Le jardin coûte des millions de dollars mais Niki vend les maquettes de ses sculptures, édite du mobilier et commercialise un parfum à son nom. Le prix de sa liberté! Aujourd'hui, c'est par une porte ronde dessinée par son ami Mario Botta que l'on entre dans son monde. D'emblée, volubile, elle explique en trois langues sa démarche, ses joies, ses luttes, contre la maladie notamment. Et le récit de sa vie devient un conte universel. Niki embarquait ses équipes comme une bâtisseuse de cathédrales. Elle soulevait des montagnes. Elle soulève nos âmes aussi, ouvre nos coeurs, ralentit nos pouls fébriles, invite à réfléchir, méditer, retrouver l’émerveillement, l’âme d'enfant, les cachettes et les passages secrets. « Le tarot, écrivait-elle, . » Un voyage initiatique. Comme dans tous les contes de fées…

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