Rolling Stone France

MÅNESKIN LA COMMEDIA DEL’ ROCK’N’ROLL

Dans l’ennui profond du nouveau millénaire bien entamé, aux promesses fanées mais au politiquement correct arrogant, et soixante-dix ans après que le fameux déhanché d’Elvis a fait basculer tous les dominos de l’histoire de la culture moderne. Mais surtout, après la désillusion de voir nos antiques rockstars en voie de d’extinction (ou, pire, de désacralisation), entendre des filles hurler n’est pas pour déplaire. Jugulaires saillantes, regards implorants, mascara humide, bouches tordues, silhouettes fébriles et bras tendus vers l’objet de leur convoitise, alors sur le point d’apparaître, au climax d’une introduction qui monte dans l’air chargé comme une pulsion irrépressible.

Nous sommes au Kia Forum d’Inglewood, California. Résidence idéale d’un soir pour les jeunes Romains de Måneskin, le célèbre Forum, version West Coast du Madison Square Garden avec sa façade néoclassique façon Caesars Palace toc, a évidemment accueilli tout le monde de passage à Los Angeles, et servi d’écrin aux enregistrements des plus grands albums lives de l’histoire. Wings Over America. Eagles Live. Cream, Goodbye. Dylan et le Band, Before the Flood. Kiss, Alive II. Oh, et Led Zeppelin, How the West Was Won – ou comment l’Ouest a été conquis.

Un rideau rouge enrobe toute l’avantscène et masque la pulsation du groupe sur le point de faire éclater cette montée du désir. Cette tenture, comme le voilage pourpre d’un lit à baldaquin de bordel baroque, peine déjà à masquer les ardeurs: entre les stroboscopes et les stries de lumière vive – expérience de vieux coquin oblige –, on devine instantanément que la nuit va être chaude.

Après l’Europe au cours de l’été dernier, le groupe qui cajole autant qu’il brise les cœurs des adolescentes désespérées poursuit sa tournée de conquête, justement, sur tout une manche nord-américaine – avant de l’achever en Amérique du Sud, en version stadiums plus encore. Et avec un résultat rigoureusement identique au reste du monde pour la troisième année consécutive: l’hystérie. Le moindre geste à l’autre bout du globe: inopportunément témoigner d’une énième sensation pop ou de variétoche italienne, franchement? Non, comprendre que derrière certains atours certes parfois factices et pompeux, voire trompeurs, Måneskin est un authentique groupe de rock, le seul qui fédère toute une génération. La grande question étant de pouvoir être capable d’aller au-delà.

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