Assister à cet événement historique méritait-il bien de cramer à vie notre quota d’empreinte carbone, et d’être même très déraisonnable? À peine sortis du Boeing transatlantique, c’est dans une Mustang rouge pétant que notre petite délégation française file vers le désert, mood années 1980 à gogo et frime Sammy Hagar-style. “I Can’t Drive 55” nous époumonons-nous, 95.5 KLOS à bloc via l’autoradio, pedal to the metal sur la Highway 10, direction Indio, 25 miles de plus après la trop jolie Palm Springs, vitrine chic à l’orée du désert choc — qui, au-delà, révèle ses visages les plus cauchemardesques pour qui aime l’aventure sous 110 degrés Fahrenheit (les rivages de la Salton Sea, le refuge Slab City, et autres ambiances pour oubliés de l’Amérique aux cerveaux oblitérés par le soleil, l’isolement, et les drogues de synthèse).
Sept ans après le méga-double-week-end qui avait réuni ici même Neil Young, Bob Dylan, Roger Waters, The Who, Paul McCartney et The Rolling Stones, l’entreprise Golden Voice, comme pétrie d’intentions philanthropiques, réitère l’exploit avec une affiche aussi prestigieuse, aussi antique mais plus velue encore: le PowerTrip peut-il s’enorgueillir en 2023 de provoquer, certes à domicile, mais sur leur propre terrain, tous les rassemblements européens qui jouent la surenchère en termes d’offre, de scènes et de chapiteaux dédiés jusqu’à l’écœurement?
Octobre 2023, après une bonne quinzaine d’éditions de Hellfest comme étalon d’exemplarité, on rétropédale à Indio: une seule scène… etou du mythique US Festival de mai 1983, pas bien loin d’ici, à San Bernardino (coorganisé par le non moins légendaire Bill Graham et Steve Wozniak, ponte d’Apple), de telles programmations suscitaient à raison tous les fantasmes des hardos de l’époque, qui en connaissaient à l’horaire près tous les line-up, mémorables. Ici, quarante ans après, on a repostulé pour du pur old school, à quelques nuances près: ce ne sont pas moins de six de stades qui se seront partagés les trois soirées d’un autre week-end de luxe, rendez-vous sur gazon presque à la fraîche pour d’heureux cadres supérieurs qui se paient déjà tous les coffrets anniversaires des protagonistes concernés. Soit de Iron Maiden à Tool, en passant par Judas Priest, Guns N’ Roses et Metallica (un p’tit air d’été 92, quoi!) et, surtout, AC/DC dont on salue ici le grand retour, après sa dernière tournée mondiale sans Brian Johnson, pour sa deuxième série de dates mais avec Axl Rose au micro. “” chantait justement l’autre, il y a sept ans aussi.