Diapason

LES 120 CRITIQUES DU MOIS

en studio

• Philippe Jaroussky rejoint le Concert de la Loge de Julien Chauvin pour un bouquet de « Forgotten Arias » piochées dans des ouvrages de Gluck, Piccini, Ferrandini, Traetta, Valentini, Hasse, Jommelli… Dénominateur commun : leur librettiste, Métastase (Erato).

• Doublé chambriste et schumannien pour Isabelle Faust, entourée d’Anne Katharina Schreiber, Antoine Tamestit, Jean-Guilhen Queyras et Alexander Melnikov, avec les Quatuors op. 47 et Quintette op. 44 (HM).

• Le label du Château de Versailles annonce une Messe en si de Bach sous la direction de John Eliot Gardiner (en vidéo) et un Messie de Handel sous celle de Franco Fagioli (en audio). Mais aussi une rareté : Damien Guillon et son Banquet Céleste ressuscitent la Missa In labore requies de Muffat. Ce grand office spectaculaire à vingt-quatre voix, destiné aux fêtes de Pentecôte 1690 de la cathédrale de Salzbourg, s’y déployait en cinq chœurs.

Lise Davidsen a concocté pour Decca un glamoureux « Christmas from Norway », en compagnie de l’excellent Chœur de solistes norvégien et de l’Orchestre de la Radio norvégienne.

• Kristian Bezuidenhout ajoute les Concertos nos 25 et 26 au cycle Mozart qu’il a entrepris avec le Freiburger Barockorchester (HM). Toujours chez Mozart, faudra-t-il privilégier les Symphonies « Paris » et « Haffner » par l’Akademie für Alte Musik Berlin (Pentatone), ou bien les « Linz » et « Prague » par Riccardo Minasi et l’Ensemble Resonanz (HM) ?

Bertrand Chamayou rapproche des pièces pour piano de Satie et de Cage, pour lui « deux ovnis dans le monde de la musique » – une passionnante confrontation à guetter chez Erato.

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NOTRE COUP DE FOUDRE Révélation d’une œuvre inédite ou d’un talent à suivre.

GEORGE ANTHEIL

1900-1959

Les quatre sonates pour violon et piano.

Tianwa Yang (violon), Nicholas Rimmer (piano).

Naxos. Ø 2021. TT : 1 h 09’.

TECHNIQUE : 3,5/5

Dans les années 1920, le jeune Antheil, sorte de Rudolf Valentino musicien, émigra en Europe, espérant se faire un nom par le scandale. Rapidement saisi d’une fièvre ultramoderniste et stravinskienne aiguë, il accumula les frasques musicales, tel le bien connu Ballet mécanique. Elles enchantèrent les surréalistes et quelques snobs qui le soutinrent un temps. Rentré aux Etats-Unis, il se fit une estimable réputation dans la musique de film, tout en continuant à courir, dans ses compositions savantes, désormais néobaroques, à la recherche d’un style et d’une identité.

Tombés des vertigineuses hauteurs de leur précédent disque Rihm (Diapason d’or), Tianwa Yang et Nicholas Rimmer s’attachent, avec une énergie et une virtuosité diabolique, à faire oublier les incohérences formelles et le mauvais goût assumé de ces pages stériles. Ils y parviennent presque dans les trois premières sonates où cohabitent avec peine le rag, la valse guinguette, les tziganeries, un succédané de mélopées orientalisantes, et surtout d’incroyables collages du Stravinsky de la période vaudoise, voire du Sacre ou de Petrouchka. Hélas, le moulinage à vide de la tardive no 4 (1947), décalque archaïsant et désordonné, les laisse dépourvus, comme tous les autres interprètes à l’exception des très fins Mark Fewer et John Novacek (Azica, mieux enregistrés).

Pascal Brissaud

GRAZYNA BACEWICZ

1909-1969

Quatuor à cordes de jeunesse. Quatuor en quatre mouvements. MENDELSON : Quatuor à cordes. Quintette pour violon, alto, violoncelle, piano et hautbois*.

Quatuor de Silésie, Karolina Stalmachowska (hautbois)*, Piotr Salajczyk (piano)*.

Chandos. Ø 2009-2022. TT : 56’.

TECHNIQUE : 3/5

De Joachim Mendelson, en partie formé à Berlin puis Paris avant d’être abattu dans le ghetto de Varsovie en 1943, subsistent seulement deux symphonies (dont une de chambre), une sonate pour piano et violon, outre le quatuor et le quintette ici gravés. Le langage y hésite entre modalité et tonalité, regardant parfois vers un timide néoclassicisme.

Dans les deux œuvres, le compositeur déroule tempos et motifs variés, dansants (sections extrêmes du quatuor, finale du quintette) ou plus élégiaques (mouvement central du quatuor). Quelques détours populaires séduisent (Molto lento espressivo du quintette), mais on peine à suivre cette multiplicité d’idées aux colorations changeantes que de nombreuses récurrences échouent à structurer, la prédominance du hautbois n’arrangeant rien. Composé à l’orée des années 1930 (comme le Quatuor no 1 de Mendelson), le bref Quatuor de jeunesse de Bacewicz parle déjà un langage plus abouti, chromatique et complexe. La pensée contrapuntique, furtive dans le somptueux Molto adagio médian, culmine dans la Fuga finale. A l’autre extrémité de son catalogue, le Quatuor de 1965 (donc contemporain du no 7) apparaît plus riche et plus dense. Juxtapositions de textures, clusters mouvants, tenues senza vibrato, archets rebondissants ou col legno (I, II) y sont plus caractéristiques de Bacewicz. Faisant office de scherzo, le Capriccioso oppose directions et modes de jeu en une forme qui tend à l’effritement. S’il n’est pas sans lien avec l’univers morcelé mendelsonien, le discours de sa compatriote témoigne d’une captivante « continuité dans la discontinuité », enchaîné graduellement par des éléments communs qui ne se découvrent souvent qu’a posteriori (IV). Le Quatuor de Silésie y convainc davantage même si l’ensemble demeure un rien terne. En regard de leur passionnante intégrale des quatuors de Bacewicz chez le même éditeur (cf. no 653), cet appendice ne livre donc rien de très saillant.

Anne Ibos-Augé

JOHANN SEBASTIAN BACH

1685-1750

Passion selon saint Jean BWV 245.

Thomas Cooley (Evangéliste), Paul Max Tipton (Jésus), Nola Richardson (soprano), Aryeh Nussbaum Cohen (contre-ténor), Derek Chester (ténor), Harrison Hintzsche (basse), Cantata Collective, Nicholas McGegan.

Avie (2 CD). Ø 2022. TT : 1 h 54’.

TECHNIQUE : 3/5

Le chœur initial, avec chanteurs mal assurés, orchestre hésitant, tempo fluctuant, laisse présager un chemin de croix. La suite confirme. Malgré une évidente bonne volonté dans les chorals, les moyens de Cantata Collective se dérobent vite (« Wer hat dich so geschlagen », chevrotant); à pleine puissance, les turbae s’enlisent. Les solistes font, eux aussi, ce qu’ils peuvent, souvent aidés par des tempos à la pondération miséricordieuse : « Ich folge dir gleichfalls », avec traverso en péril, est à la peine; le phrasé haché du ténor rencontre, dans « Ach, mein Sinn », des cordes à la justesse approximative; « Es ist vollbracht », honorable, sauve les meubles. L’Evangéliste de Thomas Cooley manque d’éloquence; le Jésus de Paul Max Tipton se révèle assez monolithique. Occupé à consolider un édifice qui se lézarde de toutes parts, Nicholas McGegan conduit sans vision ni visibilité.

Jean-Christophe Pucek

Les trois sonates pour viole de gambe et clavecin BWV 1027-1029. Sinfonia BWV 797. Partita BWV 1006 (Preludio). Bist du bei mir BWV 508.

Margaux Blanchard (viole de gambe), Diego Ares (clavecin).

Mirare. Ø 2022. TT : 55’.

TECHNIQUE : 4/5

La proposition de Margaux Blanchard et Diego Ares a d’abord pour mérite sa parfaite lisibilité. Rien ne nous échappe de leur dialogue, ni de la façon dont Bach agence les voix afin que le résultat sonne plus large qu’un duo. Ce souci du détail se paie hélas par une approche souvent trop précautionneuse. Le Vivace de la Sonate BWV 1029 en offre une illustration éloquente par l’instabilité de sa pulsation et les raideurs de la viole. Blanchard déclare s’inscrire hors de la « tendance actuelle de surproduction du son » : pourquoi pas, mais l’Adagio de la même sonate en ressort anémié, rêche, privé de chant. Le clavecin est, par chance, moins contraint, plus volubile (Ada gio de la BWV 1027), plus enjoué (Allegro de la BWV 1028). Ce disque laisse l’impression curieuse de musiciens qui s’entendent sans parler tout à fait la même langue. On en reviendra donc à Jordi Savall et Ton Koopman (Emi ou Alia Vox), plus sensibles, ou à la fraîcheur éclatante de Lucile Boulanger avec Arnaud De Pasquale (Alpha, Diapason découverte, cf. no 600).

Jean-Christophe Pucek

Variations Goldberg.

Oliver Schnyder (piano).

Prospero. Ø 2022. TT : 1 h 15’.

TECHNIQUE : 3/5

Depuis Lang Lang, la cause est entendue. Dorénavant, toutes les Goldberg se joueront avec reprises, et toutes les reprises seront ornées. Oliver Schnyder orne sans barguigner : mordants et pincés volontiers doubles, fusées véloces pour couvrir les intervalles disjoints. Il orne éclectiquement, les agréments « historiquement informés » alternant avec des trilles soigneusement mesurés à la manière des années 1950.

L’éclectisme, du reste, est généralisé : certaines variations s’articuleront détachées alla Gould jusqu’à la caricature (Var. XVIII, XXIII ou XXVII), d’autres la joueront délicates alla Haskil (Aria); d’autres surjoueront la virtuosité (V) ou mimeront un Beethoven furieux, comme si Bach avait lui aussi perdu un Groschen avant d’écrire la XXIX.

A faire son marché au magasin des accessoires ou dans la discothèque universelle, cette version semble un cahier d’« études d’interprétation » – pour reprendre un titre d’Ohana – assez vain : l’ornementation n’apporte quasi rien à la phrase et encore moins à l’expression (XXI), la virtuosité demanderait davantage d’égalité digitale pour être crédible (difficultueuse XXVI), le rythme davantage d’aisance (la VII est une gigue pour soldats de plomb) et le toucher davantage de souplesse que le raide martellato qui tient lieu d’ampleur (I ou XVI).

Dans un texte de présentation en forme d’entretien, Oliver Schnyder explicite son processus de « choix d’interprétation ». L’étape où, après le travail à la table, il s’en fût affranchi pour retrouver le naturel si consubstantiel au goût du XVIIIe siècle, nous manque; et le Bösendorfer dont nous pressentons seulement ici les qualités poétiques ne suffit pas à empêcher que l’intellectualité de l’interprète ne se superpose trop impudemment à celle, autrement plus subtile, de l’œuvre.

Paul de Louit

JEAN BAUR

1719-CA 1773

Sonates pour violoncelle et basse continue op. 1 nos 3 et 4, op. 2 no 2. Sonate pour harpe et pianoforte op. 8 no 3. Sonate pour deux violons no 1 (arr. pour violoncelles). Sonate pour harpe no 6.

Elinor Frey, Octavie Dostaler-Lalonde (violoncelles), Antoine Malette-Chénier (harpe), Mélisande McNabney (clavecin et pianoforte).

Passacaille. Ø 2022. TT : 1 h 17’.

TECHNIQUE : 4/5

Né à Bouzonville, à moins de dix kilomètres de l’actuelle frontière entre la France et l’Allemagne, Jean Baur arrive à Paris vers 1745. On le sait harpiste, mais son écriture pour le violoncelle paraît à Elinor Frey « suffisamment idiomatique » pour qu’on se demande s’il ne jouait pas aussi de cet instrument, qui connaissait alors une certaine vogue. Le compositeur exploite habillement les doubles cordes, arpèges et même, dans l’Opus 2, sons harmoniques (mentionnés sur la page de titre).

Habiles coloristes, les musiciens réunis autour de Frey nous saisissent au début de l’Opus 1 no 4 par une réalisation de continuo originale. Si l’Allegro qui suit est bien conduit, les premières mesures de l’Adagio (accompagné à la harpe) pourraient chanter avec davantage de ligne. Sans pour autant tomber dans la sèche objectivité, les quatre interprètes prennent partout soin d’éviter toute vaine ostentation, même quand les partitions exposent la virtuosité. Sans pour autant faire totalement oublier que l’inspiration de Baur retombe parfois. Parmi les meilleurs moments, les harmoniques répandus dans l’Adagio amoroso de l’Opus 2 no 2 font grand effet, admirablement secondés par un pianoforte idéal. On goûte également l’atmosphère abattue de l’Ada gio ouvrant l’Opus 1 no 3, la vigueur de l’Allegro qui lui fait suite, la variété de ses accents.

Dans la sonate pour deux violons transcrite pour violoncelles piccolos, on admire l’osmose qui lie Frey à Octavie Dostaler-Lalonde, on apprécie la diversité des textures, même si le finale n’est pas sans raideur. Illustrant le Baur harpiste, Antoine Malette-Chénier joue une sonate en ut majeur d’un parfait style galant – le Tempo di minuetto central est particulièrement charmant. L’alliance lumineuse avec le pianoforte dans la Sonate op. 8 no 3 rend ravissante une musique assez convenue. Ce sont bien, en somme, les mélodies aimables et les sonorités soignées qui font l’attrait de cet album.

Loïc Chahine

LUDWIG VAN BEETHOVEN

1770-1827

Les cinq sonates pour violoncelle et piano. Variations op. 66, WoO 45 et 46.

Gary Hoffman (violoncelle), David Selig (piano).

La Dolce Volta (2 CD).

Ø 2021 et 2022. TT : 2 h 28’.

TECHNIQUE : 4,5/5

La modernité de la musique de Beethoven est loin d’être circonscrite à ses sonates pour piano et ses quatuors à cordes les plus expérimentaux. Elle circule à travers toute son œuvre, faisant sans cesse surgir de nouvelles questions. Ainsi de ces cinq sonates et trois cahiers de variations qui inventent un équilibre neuf entre piano et violoncelle. Avec une belle égalité des souffles et en étroite symbiose, Gary Hoffman et David Selig enrichissent substantiellement la discographie, toujours dominée par Fournier/Kempff, Fournier/Gulda, Starker/Sebök, du Pré/Barenboim, Perenyi/Ranki.

Dès les deux volubiles et aventureuses Sonates op. 5 (1796), le violoncelliste canadien et le pianiste australien rivalisent de musicalité, de sobriété et de justesse dans l’expression. Ils montrent clairement et sans effort à quel point ce Beethoven encore si proche de ses racines classiques viennoises a déjà élargi son langage. L’écriture fine et complexe, les rebonds rythmiques de la lumineuse Sonate op. 69 (1807-1808) relèvent évidemment d’un autre univers. Moins souverainement lyriques que Yo-Yo Ma et Emanuel Ax (Sony, cf. no 704), mais tout aussi intériorisés et un rien plus intenses, Hoffman et Selig imposent une splendeur plus distanciée, dans un son tranchant et majestueusement défini, avec d’étonnantes zones ombrées, d’inquiétants arrière-plans. Selig met tout son talent à valoriser son partenaire dans les deux tumultueuses et éruptives sonates de l’Opus 102 (1815), seuil abrupt ouvrant sur le style tardif de Beethoven. Un lieu d’ascèse fructueuse, où l’épopée (Opus 69) s’est transmuée en architecture vécue comme poésie (Opus 102 no 2).

Patrick Szersnovicz

DANIEL BJARNASON

NÉ EN 1979

« From Earth to Ether ». Bow to String (a). Over Light Earth. Larkin Songs (b).

Karin Torbjörnsdottir (mezzo) (b), Jakob Kullberg (violoncelle) (a), Orchestre symphonique d’Aarhus, Daniel Bjarnason.

Dacapo. Ø 2022. TT : 46’.

TECHNIQUE : 3,5/5

La première des trois parties de Bow to String (version de 2022) représente à elle seule l’alternance qui rythme bien souvent la musique de Daniel Bjarnason : temps fluide versus pulsation volontiers marquée par les percussions. La chanson empruntée à Ragnar Kjartansson, dont la grille harmonique instaure ici une passacaille, induit un idiome tonal assez simpliste et limite fortement l’essor du violoncelle soliste, qui doit attendre la troisième partie pour s’épanouir mélodiquement.

Des toiles de Rothko et de Pollock ont respectivement inspiré les deux mouvements de Over Light Earth (2012). Les résonances aiguës des deux pianos qui bordent l’orchestre installent d’abord une harmonie planante rappelant le compatriote islandais Olafur Arnalds, avant qu’un tuilage d’accords et quelques nuages menaçants dans le grave n’enrichissent le tableau. Bjarnason tire ensuite (Number 1, 1949) un parti judicieux de textures hétérophoniques que la netteté impeccable du Symphonique d’Aarhus rend très lisibles. Le penchant du compositeur pour la batterie se paie au prix d’une empreinte acoustique envahissante, phagocytant les détails pourtant soignés de la pâte orchestrale.

Trois beaux poèmes de Philip Larkin nourrissent les Larkin Songs (version avec orchestre de 2022). La plénitude du mezzo de Karin Torbjörnsdottir dote les sobres mélodies d’une intériorité radiante qui fait regretter un langage à l’exotisme – rythmes askak et modalité orientalisante – quelque peu convenu.

Pierre Rigaudière

PHILIPPE BOESMANS

1936-2022

On purge bébé !

Jean-Sébastien Bou (Bastien Follavoine), Jodie Devos (Julie Follavoine), Denzil Delaere (Aristide Chouilloux), Sophie Pondjiclis (Clémence Chouilloux), Jérôme Varnier (Horace Truchet), Orchestre symphonique de la Monnaie, Bassem Akiki.

Fuga Libera. Ø 2022. TT : 1 h 19’.

TECHNIQUE : 4/5

Une double malédiction s’est abattue sur On purge bébé ! de Philippe Boesmans : d’abord la mort du fidèle chef Patrick Davin, qui devait le créer; ensuite et surtout la disparition du compositeur, dont l’ami et ancien élève Benoît Mernier a achevé la partition en terminant la pénultième scène et en écrivant la dernière.

Ce qui n’a pas empêché La Monnaie de Bruxelles de porter avec succès à la scène lyrique le vaudeville scatologique de Feydeau, en décembre 2022. Feu le facétieux maître belge et son disciple déroulent une matière consonante et aérée parcourue d’« un seul geste, comme une course folle » (Mernier dixit), avec un art consommé et amusant de la citation – on entend le thème des Hébrides de Mendelssohn quand les époux Follavoine se déchirent sur l’orthographe de ces îles écossaises, le motif du Graal du Parsifal wagnérien est associé au pot de chambre…

Dans la fosse bruxelloise, Bassem Akiki tient serrée une petite trentaine d’instruments dont un piano moteur. Le chant et la parole ont la part belle, à la faveur d’une prosodie soignée et d’une distribution qui pousse loin l’engagement comique, à l’image du couple dysfonctionnel formé par le toujours percutant baryton Jean-Sébastien Bou et la soprano Jodie Devos, piquante en ses coloratures.

Dans son emploi de ténor bouffe engoncé dans le costume du ridicule Chouilloux, Denzil Delaere est peut-être un peu moins rayonnant sur la bande-son que sur le plateau. Il nous manque, de fait, le très efficace spectacle de Richard Brunel. Pourvu que l’Opéra de Lyon, après en avoir reporté l’échéance faute d’argent (troisième malédiction !), puisse reprendre l’ouvrage posthume d’un Boesmans qui, sans signer son chef-d’œuvre ni son Falstaff, a réussi de lumineux adieux.

Benoît Fauchet

ANTON BRUCKNER

1824-1896

Symphonie no 8 (version de 1890, Nowak).

Orchestre de la Tonhalle de Zurich, Paavo Järvi.

Alpha. Ø 2022. TT :

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