Que ce soit dans les stades ou à la télévision, la coupe du monde a réussi son opération séduction
Par Loïc Grasset
Des visages décomposés, blafards ou cramoisis, c’était selon. Des difficultés à ânonner plus de trois mots, voire le besoin irrépressible de réclamer une chaise avec coussin molletonné pour reposer leur carcasse de mastard tout endolorie. Dans les entrailles du Stade de France, sous le coup de minuit, près d’une heure après le choc victorieux face à la Nouvelle-Zélande (27-13), les joueurs du XV de France présentaient tous les stigmates des rescapés d’un grand combat, exténués mais extatiques. « On s’y était préparés ; on ne s’entraîne pas deux mois pour faire uneligne (2,03 mètres et 116 kilos) Thibaud Flament. « On attendait ce moment depuis tellement de temps, des mois, des années, poursuivait Thomas Ramos, arrière du XV tricolore. Impossible de ne pas être au rendez-vous. Et puis, la foule nous a portés. C’était extraordinaire. » Même les adversaires du jour reconnaissaient l’incroyable ferveur du Stade de France, version chaudron tropical (28 °C à 23 heures). Traînant péniblement son quintal de muscles sur l’estrade de la salle de presse, Julian Savea, alias « le bus », qui en a pourtant vu d’autres dans son pays du long nuage blanc, n’en revenait toujours pas : « La passion a carrément soulevé l’équipe de France. À certains moments, on ne s’entendait pas parler entre coéquipiers. Parfois, je ne comprenais pas un mot de ce que me disait l’arbitre. C’était fou, incroyable à voir et à vivre. » Joué devant un parterre de people et de célébrités rarement vu à Saint-Denis, de Kylian Mbappé à Sophie Marceau, de François Cluzet à François Berléand ou encore Jason Momoa, la star d’« Alerte à Malibu » et d’« Aquaman », le France-Nouvelle-Zélande a parfaitement lancé une Coupe du monde de rugby qui va, si les Bleus brillent, passionner la France jusqu’au 28 octobre, date de la finale. « Vu de la pelouse, où j’ai participé à la cérémonie d’ouverture avec Jean Dujardin, c’était extraordinaire, raconte le chef Guy Savoy. Une ferveur pareille, franchement, je n’en avais jamais connu. Les Français ont besoin d’ondes positives, et cette Coupe du monde fait du bien. » Partout, les fan zones ont fait le plein, comme la place de la Concorde, à Paris, ou la prairie des Filtres, à Toulouse, au bord de la Garonne. Chacune a accueilli plus de 40 000 personnes.