Le 9 janvier 2019 à 16 h 49, j'envoie ce message Whatsapp: «Bonjour Roger, comment s'est passé l'entretien avec l'immigration le 17 décembre?»
9 janvier 2019, 18 h 07
Comme on pouvait s'y attendre, ça n'a pas été facile. Ils nous ont prévenus que Dimitrij devra retourner à Lörrach; naturellement, ils savent que s'ils l'expulsent, il vivra quelques jours dans la rue là-bas et reviendra très vite à Bâle. Depuis hier soir, il est à Porrentruy chez Charles où il peut rester jusqu'au 21 janvier, date à laquelle il devra à nouveau se présenter au service de l'immigration. Charles a rencontré Dimitrij à la gare, son état l'a choqué et il l'a invité à passer quelques jours chez lui. L'APEA (Autorité de protection de l'enfant et de l'adulte de Bâle-Ville, nda) ne fait rien, ils estiment probablement qu'il n'est pas en danger puisqu'il passe les fêtes de fin d'année dans une famille et que je lui donne un peu d'argent!
25 janvier 2019, 18 h 26
Bonjour Roger, est-ce que votre rendez-vous avec l'immigration du 21 janvier a eu lieu?
25 janvier 2019, 19 h 44
Je n’étais pas là. Etaient présents: Dimitrij, Charles ainsi qu'une représentante de l'APEA. Le fonctionnaire de l'immigration a informé Dimitrij qu'il doit quitter la Suisse et a pris contact avec les services concernés à Lörrach. Dimitrij y est attendu pour un premier entretien avec la direction du service d'aide aux sans-abris. On ne sait pas ce qui se passera ensuite. Le fonctionnaire l'a aussi averti que s'il se représente en Suisse, il sera refoulé, et que s'il disparaît à nouveau d'Allemagne, la police fédérale l'expulsera probablement vers la République tchèque. Charles le conduira avec ses affaires à Lörrach.
La première fois que j'ai rencontré Dimitrij, c’était le dernier mercredi de novembre 2018, un jour glacial et pluvieux. Quand je suis arrivé dans la cour de Soup&Chill – un espace de rencontre pour personnes en difficulté juste derrière la gare de Bâle –, deux hommes discutaient avec animation. Un grand gaillard d’âge moyen engoncé dans un lourd manteau essayait de convaincre un vieillard en fauteuil roulant d'entrer se réchauffer un moment. Couverture crasseuse sur les jambes, ce dernier, visage décharné et dévoré par une barbe sauvage, coiffé d'une vieille toque style moujik dont les oreillettes faisaient comme des petites ailes autour de ses joues creuses, agrippait de ses deux mains le guidon d'un caddy rempli de trois gros sacs à ordure. Le fanion