Fabian est né quinze ans après Rosario, en 1987 à Zuchwil, un village du canton de Soleure, d'un père maçon et d'une mère serveuse. A l’âge de deux ans, il contracte une encéphalite qui lui laisse des séquelles neurologiques; cette année-là, ses parents se séparent et le confient au service social de la commune. Après quatre ans dans une famille d'accueil soleuroise, il est placé dans un autre foyer à Buckten, dans le canton de Bâle-Campagne, jusqu’à sa majorité. S'il a gardé de bons souvenirs de sa première famille, ce n'est de loin pas le cas de la seconde: «Nous étions onze enfants, se rappelle-t-il. La mère d'accueil avait un gros problème d'alcool et certains gamins buvaient. Ils ont bien essayé de m'y entraîner, mais j'ai résisté. Nous n’étions ni maltraités ni battus, souvent insultés, par contre. Et puis, la femme m'a raconté des mensonges jusqu’à mes 18 ans.» Il suit l’école primaire comme il peut, «les professeurs et les élèves étaient gentils; j'ai essayé de garder contact avec un ou deux camarades, mais ils n’étaient pas intéressés.» Quant à son père biologique, qu'il voit régulièrement, il a deux filles et un fils d'un second mariage «qui ne veulent pas fréquenter un retardé mental ». Fin décembre 1999, sa mère décède d'un cancer en lui laissant 135'000 francs en héritage. «A partir de ma majorité en février 2005, l'assurance-invalidité (AI) m'a versé une rente et j'ai perçu des prestations complémentaires qui ont été suspendues en septembre pour ne reprendre qu'en 2008.» Durant ces trois ans, le canton nomme successivement trois tuteurs qui ont procuration sur son compte. «Pour chaque dépense, Fabian devait s'expliquer (il parle souvent de lui à la troisième personne, nda). Tu veux un abonnement de train pour rendre visite à ton père, pourquoi? Un vélo, pourquoi? Ils décidaient de tout.» Sa rente AI ne couvrant pas toutes ses dépenses, ses tuteurs puisent dans son pécule au lieu de demander une réévaluation de ses prestations complémentaires. Résultat: fin 2008 son compte affiche un solde de… 400 francs. En 2012, il trouve une place dans un atelier protégé à Bâle, mais «c’était très dur, personne ne voulait me parler; je
Le géant et l'orgue de Barbarie
Sep 01, 2023
13 minutes
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