Sur le pont de la trirème qui jette l’ancre devant la plage de Péluse, à l’est de l’embouchure du Nil, Pompée regarde pensivement le rivage. Rhodes, Chypre et Antioche lui ont déjà fermé leurs portes… Il n’y a plus qu’ici, en Égypte, qu’il peut refaire ses forces pour reprendre sa lutte à mort contre César. Mais pourquoi donc son obligé, le pharaon Ptolémée XIII Philopator, gamin de 13 ans d’origine macédonienne qui lui doit son sceptre, n’est-il pas venu l’accueillir? La petite barque qui s’approche attire son attention. À bord, deux hommes, le centurion romain Septimus et le général égyptien Achillas, l’invitent à rejoindre son allié Ptolémée à son camp. Pompée accepte et s’éloigne bientôt, sous les yeux embués de sa femme, Cornelia. Il s’apprête à mettre pied à terre sur la plage quand Septimus frappe, puis Achillas. César décrira plus tard le calvaire subi par son rival: « Pompée ramena des deux mains sa toge sur son visage et, sans rien dire ni rien faire d’indigne de lui, il poussa un gémissement et endura les coups. »
Membre de l’éminente famille des Julia, Caius Julius Caesar (100-44 av. J.-C.) suit le cursus honorum et, général talentueux, brille en Espagne et en Gaule où il amasse une fortune. Pontifex maximus en 63, il cumule, une dizaine d’années plus tard, pouvoirs religieux, civil et militaire. Les optimates tentent de l’écarter, déclenchant en 49 le conflit qui prend fin à Pharsale. César devient alors dictateur, jusqu’à son assassinat, le 15 mars 44, quatre ans après celui de Pompée.
En ce 28 septembre 48 av. J.-C., le glaive vient donc de mettre fin à la carrière d’un des plus siècle av J.-C. fait de l’armée un arbitre: échappant au contrôle politique du sénat, elle est devenue un instrument dans les mains de politiciens sans scrupule, comme Marius, Sylla, César… et Pompée. Souvent présenté comme un rempart de la République face aux ambitions du précédent, ce dernier n’en incarne pas moins un nouveau type de dirigeant, sans principe, sans moralité… Pourquoi a-t-il échoué? Comme aurait dit Alfred de Musset, Pompée a eu le tort d’être . Et il a dû faire face à un homme aux mêmes appétits, mais plus jeune, plus doué, plus sûr de lui et de sa bonne fortune…