JOHN ERICKSON
Cassell Military Paperbacks, 2003
L’ouvrage est torrentiel, au point que cette version poche comprend deux volumes qui totalisent 1 504 pages imprimées dans une police pénible aux plus de 60 ans. Le premier volume, intitulé , fait 608 pages dont 122 de sources; le second, , atteint 896 de l’université d’Édimbourg. Parlant couramment le russe, il a réussi en pleine guerre froide à jeter avec des historiens, diplomates et grands chefs soviétiques un certain nombre de passerelles – les « conversations d’Édimbourg – qui ont pris la forme de séminaires alternés entre Moscou et l’Écosse. Son épouse, Ljubica Petrovic, une universitaire yougoslave, semble avoir joué un rôle important dans ces échanges inhabituels à l’époque. Dès 1963, et plus encore les années suivantes, Erickson a dû être considéré comme sur les listes du KGB et, de ce fait, il a vu affluer dans son institut le gros de la production soviétique imprimée sur la Grande Guerre patriotique: livres, archives déclassifiées, abonnement au – le journal d’histoire militaire; il a eu aussi le droit de rencontrer le maréchal Koniev qui lui a lu de larges extraits de son journal de guerre. Le résultat est la première histoire militaire du conflit germano-soviétique écrite par un Occidental du point de vue soviétique. Dans la préface de la première édition, en 1975, Erickson parle plutôt d’une « histoire sociale »; mais, pour l’essentiel, c’est bien avant tout d’opérations dont il est question. À l’époque, le livre fut acclamé par tous ceux qui se doutaient que la version du conflit à l’est, telle que l’avaient livrée les Manstein et autres Guderian, était hautement biaisée. Il demeure tout à fait lisible et recommandable même si, presque 50 ans après sa parution, ses défauts sautent aux yeux. Erickson a en effet un peu trop cru sur parole les Mémoires des grands chefs – pas au point néanmoins de charger Staline de toutes les fautes: il était trop grand historien pour ça – et il n’avait pas, pour rectifier, accès à la masse de documents déclassifiés durant les années Eltsine et le début du règne de Poutine. Par ailleurs, il s’est mépris sur le sens à donner à la discipline opérative et sur ses liens avec les doctrines développées sous Toukhatchevski. Il reste néanmoins comme le premier historien occidental à contester que l’Armée rouge n’aurait vaincu que par le nombre et à sentir, chez les chefs soviétiques, une forme de supériorité sur leur adversaire concernant la nature de la guerre moderne et l’organisation des opérations. Hélas, la traduction a rebuté les éditeurs français.