Les étagères des librairies croulent sous le poids des livres consacrés aux croisades – leurs origines, les exploits des chefs de guerre, les batailles et autres moments clés d’un affrontement long et complexe à suivre. Mais un événement pourtant essentiel est passé au second plan – sauf bien sûr en Géorgie, qui en a célébré le 900e anniversaire en grande pompe à l’été 2021: la victoire du royaume chrétien en 1121 sur une puissante coalition de princes musulmans dans les vallons de Didgori. Par son ampleur, son déroulement dramatique mais aussi par ses conséquences, cette bataille oubliée vaut bien les chocs décisifs plus connus que sont Jérusalem, Hattin ou Acre (voir dossier du G&H no 70). Car la « victoire miraculeuse », comme on l’a baptisée en Géorgie, a eu des retombées considérables pour la géopolitique régionale, en faisant du royaume une des principales puissances chrétiennes du Moyen-Orient pour un bon siècle.
Carrefour stratégique
La Géorgie s’étend au sud du Caucase, barrant l’isthme de 700 km qui va de Batoumi, sur la mer Noire, à Bakou, sur la Caspienne. Cette position stratégique s’est révélée à la fois une bénédiction et une malédiction: elle a fait du pays un carrefour incontournable pour le commerce, les cultures et les religions, tout en attirant les convoitises des conquérants et des empires. C’est ainsi qu’après avoir émergé du Xe siècle sous la forme d’un royaume unifié, la Géorgie s’est trouvée bien vite engagée dans une