Le XIXe siècle a été riche en révolutions – et l’armement n’a pas échappé au phénomène. Au début des années 1880, moins de 40 ans après l’abandon du fusil à silex venu de Louis XIV, l’arme du fantassin voit sa cadence de tir multipliée par 4 ou 5 au moins. Le fusil, désormais, se charge par la culasse avec une cartouche complète: poudre, balle et amorce réunies dans un étui en papier, puis métallique. On peut ainsi accumuler les munitions dans un « magasin », qui alimente un mécanisme dit « à répétition ». La cadence pratique dépasse 15 coups à la minute, contre 2 à 3 pour l’infanterie napoléonienne.
Si la performance balistique avait stagné depuis la fin du XVIe siècle, l’apparition des fusils à canon rayé et balle ogivale dans les années 1850 apportent en outre des progrès significatifs. La portée pratique du fusil, qui ne dépassait guère 200 m sous l’Empire, atteint plusieurs centaines de mètres lors des guerres de Crimée (1853-1856) et de Sécession (1861-1865), puis frise le kilomètre avec le Chassepot français de 1870-1871. Lors de la guerre russo-turque de 1877-1878, les défenseurs turcs de Plevna déciment les assaillants à des distances encore supérieures. Ce succès défensif inattendu, au grand retentissement international, est notamment attribué aux excellents Peabody-Martini de l’armée ottomane. Le fusil tutoie désormais les portées utiles de l’artillerie de campagne: il n’est plus le « manche à baïonnette » d’antan. Ses performances deviennent un enjeu de puissance pour une force armée, voire de souveraineté à l’échelle d’une nation.
Le bon et le mauvais progrès
Pour les esprits militaires de l’époque, l’augmentation de la cadence de tir des armes est pourtant vue avec suspicion. On considère que le soldat, même avec un fusil à un coup, tire souvent trop vite et gaspille ses munitions, comme l’ont démontré de dramatiques « pannes sèches » lors de la guerre de 1870-1871. Dans la conception de plusieurs fusils d’infanterie des années 1860-1870, de subtils aménagements sont introduits plus ou moins ouvertement pour ralentir