Pour agrandir la plus grande mine de charbon d’Europe, les villages alentour doivent être rasés. Au cœur du baroud des irréductibles
Les militants de la Zad prennent position jusque dans les arbres
« La police ferme les routes à terre. On en construit dans les airs », s’amuse une activiste. Ces cabanes perchées visent à retarder l’évacuation. Sitôt l’assaut donné, les assiégés se replieront de cime en cime grâce à ces câbles. Entraînés et munis de vivres, ils doivent tenir jusqu’à fin février, puis la législation sur l’abattage d’arbres protégera les lieux pendant sept mois. Et ainsi de suite. Mais il faut résister jusqu’en 2030, fin programmée de l’exploitation du charbon rhénan…
Sous les yeux de la police, le hameau fantôme se transforme en place forte du Moyen Âge
Marita « Ma mère m’a dit qu’elle préférait mourir que de voir détruit le village où elle a passé toute sa vie »
De notre envoyée spéciale à Lützerath Valentine L. Delétoille
C’est un Tignes d’outre-Rhin. Il y a soixante-dix ans, un village de Savoie était englouti pour créer un barrage hydraulique et produire de l’énergie. Aujourd’hui, c’estsiècle, Lützerath, situé entre Cologne et Aixla-Chapelle, qui va être rasé, comme l’ont été d’autres bourgs millénaires avant lui. Il s’agit de permettre l’agrandissement de l’une des mines les plus polluantes d’Europe. Sur place, quand on évoque la ratification par l’Allemagne de l’accord de Paris, la réponse fuse, cinglante. « Une gigantesque farce », s’énerve Eckardt Heukamp. Dernier habitant de Lützerath, il tient bon, fortement attaché au village dans lequel il a vécu depuis 1967. Y était construit son corps de ferme, la maison de ses parents, il y avait des terres… Mais en octobre, l’irréductible a dû quitter la localité. Il avait perdu ses deux procès contre RWE, l’exploitant de la mine. Il montre autour de lui les maisons qui étaient encore debout deux ans plus tôt. Presque une dizaine. « Lützerath n’a jamais été un gros village, mais ils en ont déjà détruit la moitié », explique-t-il tristement. Aujourd’hui, avec le rachat forcé des terres, la surface cultivable s’est encore réduite et les sols sont devenus moins fertiles. Une situation qui laisse à Eckardt comme un goût amer de déjà-vu.
