La créatrice de mode anoblie par la reine déjouait les codes du bon goût et contestait avec virulence l’ordre établi. Elle est morte à 81 ans à Londres
Frondeuse, engagée, son style et sa vie sont un manifeste
Elle n’aime les faux-culs qu’au bas des robes à crinoline. La boutique du 430 King’s Road, où elle habille les Sex Pistols, devient un joyeux vivier de création et de rébellion. Aussi incorrecte politiquement que stylistiquement, elle épouse à 52 ans un homme de vingt-cinq ans son cadet et toutes sortes de causes : préservation des forêts, bien-être animal, critique de la fast-fashion… En 2019, elle nous confiait l’épitaphe qui la rendrait fière : « Elle a aidé à sauver le monde. »
Le plus punk des couturiers français fut son ami pendant cinquante ans
Jean-Charles de Castelbajac « Andreas, son mari, a été son rameau de jeunesse, son grand amour »
Par Catherine Schwaab
«Avec elle, pour la premièresiècle, Vivienne savait jouer du choc des cultures. Moi, c’était le Moyen Âge. On se reconnaissait, on se comprenait. Elle était très cultivée, adorait notre littérature, elle était habitée par la culture du vêtement ; les corsets, les faux-culs n’avaient pour elle aucun secret. » Quand on l’interrogeait sur la fameuse Central Saint Martins, à Londres, où les directeurs de LVMH et de Kering puisent régulièrement leurs stylistes (Galliano, McQueen, Phoebe Philo, Riccardo Tisci, Stella McCartney…), elle nous répondait sévèrement que « cette école est une catastrophe, on n’y enseigne pas les références, ni l’histoire, ni la technique, afin de fournir aux élèves un socle qui leur permette de durer. On les laisse trouver tout seuls en eux-mêmes. Et après deux ou trois ans, ils sont asséchés ». Castelbajac possédait, lui, une solide connaissance de l’histoire, du passé de la mode, sachant comme elle jouer des paradoxes. Leur dialogue était fécond : « Elle me conseillait des livres, “A Tales of Two Cities” de Dickens. Le dernier qu’elle m’a offert était “La conférence des oiseaux”, un conte soufi. »